En matière de TVA, et conformément à l'article 283, 3 du CGI toute mention de TVA sur une facture engage la responsabilité de son émetteur, qui devient redevable de la taxe du seul fait de sa facturation.
Ce mécanisme, qui vise à sécuriser le système de TVA et à prévenir les risques de fraude, peut toutefois conduire à des situations où la TVA est facturée de manière erronée. La publication du BOFIP du 8 janvier 2025 apporte des clarifications importantes sur les possibilités de régularisation de ces situations, en s'appuyant sur la jurisprudence tant européenne que nationale.
L'enjeu est particulièrement important car la TVA facturée à tort peut faire l'objet d'une régularisation sous certaines conditions, notamment lorsque l'administration fiscale a remis en cause la déduction de cette taxe chez le client. Cette actualisation doctrinale vise ainsi à préciser le cadre et les modalités pratiques de ces régularisations, offrant une plus grande sécurité juridique aux entreprises confrontées à ces situations.
La publication s'inscrit dans une démarche d'harmonisation avec la jurisprudence de la CJUE et du Conseil d'État.
Ainsi, la doctrine BOFIP mise à jour précise désormais :
Lorsque la taxe a été facturée par erreur au titre d’une opération exonérée ou à un taux supérieur à celui dont était passible l’opération, elle peut faire l’objet d’une régularisation dans les conditions décrites au IV-A § 370 et suivants du BOI-TVA-DECLA-30-20-20-30.
Pour obtenir la restitution de la TVA qui lui a été facturée à tort, l’acquéreur doit prioritairement s’adresser, y compris le cas échéant par la voie juridictionnelle, à son fournisseur si celui-ci n’a pas pris l’initiative de lui rembourser l’indu correspondant, et, seulement à titre subsidiaire, à l’administration fiscale si l’obtention de la restitution de la taxe indue auprès du fournisseur est impossible ou excessivement difficile (CE, décision du 29 novembre 2023, n° 469111).
À titre d’illustration, cette condition d’impossibilité ou d’excessive difficulté est établie dans les situations d’insolvabilité du fait de l’ouverture d’une procédure de faillite (CJUE, arrêt du 11 avril 2019, aff. C-691/17, « PORR Épitesi Kft. c/ Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága »), dans les cas de liquidation judiciaire (CJUE, arrêt du 13 octobre 2022, aff. C-397/21, « HUMDA Magyar Autó-Motorsport Fejlesztési Ügynökség Zrt. c/ Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága ») ou en cas de prescription de toute action civile (CJUE, arrêt du 7 septembre 2023, aff. C-453/22, « Michael Schütte c/ Finanzamt Brilon »).
Remarque : En ce qui concerne les règles applicables aux assujettis étrangers non établis en France qui y ont supporté de la TVA facturée de façon erronée, il convient de se reporter au I-B-2 § 20 à 40 du BOI-TVA-DED-50-20-30-20 s’agissant des assujettis établis dans un autre État membre de l’Union européenne et au IV-C § 400 à 420 du BOI-TVA-DED-50-20-30-40 s’agissant des assujettis établis en dehors de l’Union européenne.
Elle précise également :
IV. Mention erronée ou abusive de la TVA sur les factures
La mention de la TVA sur une facture délivrée à un redevable de ladite taxe ouvre droit, chez ce dernier, à une déduction d’un montant égal. Il est donc essentiel que le montant de taxe facturé corresponde exactement à celui qui découle d’une application correcte de la taxe qui frappe légalement l’opération faisant l’objet de la facturation.
Ainsi, la personne qui mentionne la TVA sur une facture est redevable de la taxe par cette seule mention, qu’elle soit facturée de manière erronée ou abusive, en application des 3 et 4 de l’article 283 du CGI.
L’émetteur de la facture a cependant la possibilité de régulariser une TVA facturée à tort, sous certaines conditions.
A. Facturations erronées
1. Principe
Le 3 de l’article 283 du CGI prévoit que toute personne qui mentionne la TVA sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. Ces dispositions s’appliquent en particulier à l’émetteur d’une facture qui a mentionné la taxe soit au titre d’une opération non imposable, soit à un taux supérieur au taux légalement applicable.Pour autant, dès lors que la taxe n’est déductible que si elle peut légalement figurer sur la facture (CGI, art. 271, II-1-a), le client qui se voit facturer une TVA à tort ne peut la déduire.
2. Conditions de régularisation
Le 3 de l’article 283 du CGI, qui transpose l’article 203 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 modifiée, vise à éliminer le risque de perte de recettes fiscales que peut engendrer le droit à déduction de la TVA, dans le cas où cette taxe est indûment facturée par l’émetteur d’une facture. La régularisation de la TVA auprès de l’administration fiscale suppose l’émission préalable d’une facture rectificative adressée au client, afin d’éliminer le risque de perte de recettes fiscales.Lorsque le risque de pertes de recettes fiscales est nul, la régularisation d’une TVA indûment facturée par l’émetteur de la facture n’est pas subordonnée à la démonstration de sa bonne foi (CJCE, arrêt du 19 septembre 2000, aff. C-454/98, « Schmeink & Cofreth c/ Finanzamt Borken et Manfred Strobel c/ Finanzamt Esslingen », ECLI:EU:C:2000:469, point 58).
Dans le cas où le client est un assujetti non établi en France qui peut obtenir le remboursement de la taxe en application soit des dispositions prévues de l’article 242-0 M de l’annexe II au CGI à l’article 242-0 Z ter de l’annexe II au CGI, soit de celles prévues de l’article 242-0 Z quater de l’annexe II au CGI à l’article 242-0 Z decies de l’annexe II du CGI, et que cette taxe a été facturée de façon erronée, l’émetteur de la facture ne peut lui adresser une facture rectificative, et ainsi régulariser la TVA par imputation ou restitution, que si le client n’a pas sollicité le remboursement de la taxe.
Pour plus de précisions concernant les modalités de ce remboursement, il convient de se reporter :
au I-B-2 § 20 à 40 du BOI-TVA-DED-50-20-30-20 s’agissant des assujettis établis dans un autre État membre de l’Union européenne ;
au IV-C § 400 à 420 du BOI-TVA-DED-50-20-30-40 s’agissant des assujettis établis en dehors de l’Union européenne.
3. Modalités de régularisation
La régularisation de la TVA auprès de l’administration fiscale s’effectue dans les délais prévus par l’article R.* 196-1 du LPF.
À ce titre, la remise en cause par l’administration fiscale de la déduction de la TVA chez un assujetti constitue un élément nouveau au sens de ces dispositions, de nature à ouvrir, au bénéfice du fournisseur, un nouveau délai de réclamation jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de cet événement (I-C § 60 et suivants du BOI-CTX-PREA-10-30), permettant ainsi la rectification des factures erronées et, le cas échéant, dans la limite de ce même délai, la régularisation de la déduction opérée par le destinataire.
La rectification des factures entraîne la régularisation, à la hausse ou la baisse, de la taxe préalablement acquittée.
La taxe régularisée au titre d’opérations non taxées alors qu’elles sont imposables ou d’opérations facturées à un taux inférieur à celui légalement applicable est portée par l’assujetti sur sa déclaration à la ligne 5B du formulaire n° 3310-CA3-SD (CERFA n° 10963) et à la ligne AD du formulaire n° 3517-S-SD (CERFA n° 11417) (CA 12). Ces formulaires sont disponibles en ligne sur www.impots.gouv.fr.
La taxe collectée au titre d’opérations taxées alors que non imposables ou d’opérations facturées à un taux supérieur au taux légalement exigible est régularisable par imputation selon les modalités décrites au II § 60 du BOI-TVA-DED-40-20.