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Impôt sur les sociétés

Déduction fiscale des moins-values sur titres : la simple réduction de capital de la filiale n'établit pas le caractère définitif de la perte

Le juge de l'impôt nous rappelle les conditions de déduction fiscale des moins-values résultant de la perte de valeur de titres de participation, en insistant particulièrement sur le caractère définitif et certain que doit revêtir cette perte pour être fiscalement déductible.

 

Les moins-values résultant de la perte de valeur de titres de participation font l'objet d'un traitement fiscal spécifique encadré par les articles 38, 39 duodecies et 209 du CGI.

 

L'article 38 du CGI, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209, pose le principe selon lequel le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises.

 

L'article 39 duodecies du même code prévoit un régime dérogatoire pour les plus-values et moins-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé, en distinguant celles réalisées à court terme et celles réalisées à long terme. Le 4 de cet article précise que le régime des moins-values à court terme s'applique notamment aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans.

 

La jurisprudence a étendu l'application de ces dispositions au cas où, en l'absence de cession proprement dite, un événement survenu avant la clôture de l'exercice a eu pour effet de retirer à un bien tout ou partie de sa valeur, à la condition toutefois que la perte de valeur puisse être tenue pour définitive et certaine dans son montant.

 

C'est précisément cette condition de caractère "définitif et certain" de la perte de valeur qui était au cœur du litige soumis à la Cour administrative d'appel de Versailles.

 

Rappel des faits :

La SAS LD, qui exerce une activité de holding, a créé en septembre 2013 une filiale en Belgique dénommée LD Europe. Sa participation dans cette filiale a été comptabilisée dans ses livres au compte "titres de participation" pour une valeur de 1 020 000 €.

Dès sa création, la filiale belge a investi 1M€ dans la société T SA, également basée en Belgique. Or, à la suite de détournements et de malversations, cette dernière a été placée en procédure de "réorganisation judiciaire" par le tribunal de commerce de Bruxelles le 4 juillet 2014, et son fonds de commerce a été cédé le 27 octobre 2014.

En conséquence, la société LD Europe a réduit son capital d'1 M€ par un acte notarié du 11 décembre 2014, le ramenant ainsi à 20 000 € à compter du 1er janvier 2015.

Estimant que sa participation avait perdu définitivement toute valeur, LD a constaté au 31 décembre 2014 une perte d'1M€ sur les titres de participation dans sa filiale belge, qu'elle a déduite de son résultat imposable de l'exercice clos en 2014.

Lors d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause cette déduction, considérant que la perte de valeur des titres n'avait pas un caractère définitif et certain au 31 décembre 2014.

 

Le TA d'Orléans, saisi par la société, a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice 2014. LD a alors fait appel devant la Cour administrative d'appel de Versailles.

 

Pour contester la réintégration de la perte d'1 M€ dans son bénéfice imposable, LD soutenait que :

  • la perte constatée sur les titres de participation de sa filiale belge revêtait un caractère certain et définitif au 31 décembre 2014 ;
  • la réduction de capital à laquelle sa filiale avait procédé, consécutive à la perte de sa participation dans la société T SA, constituait un événement qui avait pour effet de retirer définitivement toute leur valeur aux titres de cette filiale ;
  • en dépit de son objet social large, la filiale n'exerçait plus aucune activité, ne disposait plus d'aucun actif et n'avait pas de possibilité de revenir à meilleure fortune ;
  • Il n'était pas nécessaire que la filiale soit placée en procédure de liquidation judiciaire ou soit liquidée pour que la perte de valeur des titres soit considérée comme définitive.

 

La Cour administrative d'appel de Versailles vient de rejetter l'appel de la SAS LD et confirmant le jugement du tribunal administratif d'Orléans.

 

La Cour a fondé sa décision sur plusieurs éléments :

  • Au 31 décembre 2014, LD Europe existait toujours juridiquement et pouvait poursuivre, conformément à son objet social large, une activité en dehors de son investissement dans la société TPS Technologies ;
  • La filiale a effectivement poursuivi une activité, comme en témoigne son bilan produit pour l'exercice 2016.
  • Selon le dernier acte publié au Moniteur belge fin avril 2019, LD Europe était toujours dotée de la personnalité morale et ses statuts avaient évolué, son siège social ayant été déménagé début avril 2019.
  • La SAS LD n'avait engagé aucune procédure de liquidation ou de cession de sa filiale, la laissant perdurer jusqu'à ce jour.
  • Si la SAS LD affirmait n'avoir conservé sa filiale que dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, pour se prémunir d'éventuels recours à son encontre, il résultait de l'instruction qu'elle avait été poursuivie, et mise hors de cause, personnellement, dans le cadre de cette procédure.
  • La SAS LD ne justifiait pas de l'impossibilité pour elle ou sa filiale belge de récupérer, au moins partiellement, une partie de leurs fonds, s'étant abstenue de toute démarche en ce sens à l'encontre de la société TPS Technologies.
  • La réduction du capital de la filiale belge est restée sans influence sur le pourcentage de la participation de la société requérante à ce capital.

Sur la base de ces éléments, la Cour conclut que La SAS LD ne justifiait pas, malgré la perte de valeur de sa filiale belge due à la faillite de T SA que cette perte revêtait un caractère certain et définitif dès le 31 décembre 2014. Par conséquent, elle a jugé que c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de la perte comptabilisée sur ces titres de participation.

 

 

TL;DR

La Cour nous rappelle les critères d'appréciation du caractère définitif et certain de la perte de valeur des titres, condition "sine qua non" de leur déductibilité fiscale. Elle consacre notamment l'existence juridique continue de la filiale comme un obstacle à la reconnaissance du caractère définitif de la perte de valeur de ses titres, même lorsque cette filiale a subi une perte significative suite à la défaillance de ses propres investissements.

Elle considère que tant que la filiale existe juridiquement et peut potentiellement poursuivre une activité conforme à son objet social, la perte de valeur de ses titres ne peut être considérée comme définitive. 

 

Publié le lundi 5 mai 2025 par La rédaction

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