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LASM et prestations para-hôtelières : l'absence d'activité effective n'invalide pas la déduction initiale de TVA

Nouvelle décision relative aux conditions de déductibilité de la TVA dans le cadre d'une livraison à soi-même (LASM) d'immeuble destiné à une activité de location meublée avec prestations para-hôtelières

 

La livraison à soi-même (LASM) est un mécanisme qui vise à soumettre à la TVA certaines opérations réalisées par un assujetti pour les besoins de son entreprise, lorsqu'elles conduisent à affecter des biens ou services à des opérations n'ouvrant pas droit à déduction complète de la TVA. L'article 257 du CGI prévoit notamment que sont soumises à la TVA les livraisons à soi-même d'immeubles neufs, ainsi que l'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien qu'il a produit ou construit, lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète.

L'article 32 de la loi  relative à la simplification de la vie des entreprises a supprimé l'obligation de constater une livraison à soi-même (LASM) au titre des biens affectés aux besoins de l'entreprise pour les assujettis à la TVA qui ne réalisent que des opérations ouvrant droit à une déduction complète de la TVA.

Désormais, en application de l'article 257-II-2° du GII, seule l'affectation, par un assujetti, d'un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté ou importé dans le cadre de son entreprise, dans le cas où l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à une déduction complète de la TVA, doit faire l'objet d'une taxation à la TVA par la constatation d'une livraison à soi-même.

Aux termes de l'article 257-II-1-2° du CGI, dans sa rédaction issue de la loi du 20 décembre 2014 :

Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux : (...) 2° L'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien produit, construit (...) lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti (...) ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète parce que le droit à déduction de la taxe afférente au bien fait l'objet d'une exclusion ou d'une limitation ou peut faire l'objet d'une régularisation (...)".

 

Rappelons également que l'article 261-D-4° du CGI exonère de TVA les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés à usage d'habitation. Ces opérations, bien qu'entrant dans le champ d'application de la TVA, sont exonérées et n'ouvrent pas droit à déduction de la TVA grevant les biens ou services utilisés pour les réaliser.

 

La Cour s'appuie également sur la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 dite Directive TVA (articles 167 et 168) et sur la jurisprudence de la CJUE, notamment l'arrêt INZO du 29 février 1996 (C-110/94). Cette jurisprudence précise que le droit à déduction peut être exercé dès que la taxe devient exigible, même lorsque l'activité économique envisagée ne donne finalement pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction, à condition que cette situation résulte de circonstances indépendantes de la volonté de l'assujetti et en l'absence d'intention frauduleuse ou abusive.

 

Rappel des faits :

Le 1er février 2010, la société L, qui exerçe une activité de locations meublées à Avignon a acquis une maison d'habitation et effectué des travaux pour y créer un studio et un appartement. Par courrier du 2 juillet 2010, elle a informé l'administration de son intention d'affecter cet immeuble à une activité commerciale de locations meublées avec prestations para-hôtelières et opté pour l'assujettissement à la TVA. En mai 2011, la société a déposé une déclaration de TVA mentionnant une livraison à soi-même de travaux immobiliers.

 

La société L a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 août 2014. À l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale lui a notifié des rappels de TVA et remis en cause des déficits déclarés au titre des exercices 2011, 2012 et 2013.

 

L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la TVA ayant grevé la livraison à soi-même, considérant qu'aucune prestation para-hôtelière n'avait été réalisée au cours des années 2011 et suivantes. L'administration a également refusé la déduction de diverses charges (carburant, péage, restauration, achats divers) au motif que certaines n'étaient pas justifiées et que les autres constituaient des dépenses personnelles des associés, non engagées dans l'intérêt de la société.

 

Le tribunal administratif de Nîmes ayant rejeté sa demande de décharge, la société L a fait appel devant la CAA de Toulouse.

 

La société soutient principalement que c'est à tort que l'administration lui a refusé la déduction de la TVA au motif que son activité n'était pas soumise à cette taxe. Elle affirme avoir exprimé son intention d'affecter l'immeuble à une activité de location meublée avec prestations para-hôtelières, activité ouvrant droit à déduction, et considère que l'administration n'a pas fait usage de la faculté de régularisation dont elle dispose.

Concernant les charges déduites, la société prétend avoir exercé une activité de location meublée avec prestations para-hôtelières durant la période litigieuse et justifier de la réalité de ses charges, malgré l'absence de factures. Elle revendique également le bénéfice de la tolérance administrative instituée par le BOI-BIC-CHG-10-20-20-20140519.

 

La Cour administrative d'appel de Toulouse vient de donner raison au contribuable s'agissant de la déductibilité de la TVA afférente à la LASM

 

La Cour estime que l'administration ne pouvait remettre en cause la déduction initiale de la TVA. Elle constate que l'administration reconnaît elle-même que l'intention initiale de la société était d'affecter l'immeuble à une activité commerciale de locations meublées avec prestations para-hôtelières. Or, conformément à la jurisprudence européenne précité (Jurisprudence INZO), c'est cette intention initiale qui conditionne le droit à déduction.

La Cour relève que l'administration ne soutient pas qu'à la date d'achèvement des travaux, date à laquelle la taxe sur la livraison à soi-même est devenue exigible, l'intention de la société avait été modifiée ou était insincère ou abusive. Le fait qu'aucune prestation para-hôtelière n'ait été réalisée ultérieurement pouvait éventuellement entraîner une obligation de régularisation, mais ne remettait pas en cause le bien-fondé de la déduction initiale.

Le 1er février 2010, la société Objectif Lune a acquis une maison d'habitation sise 18 impasse Jean-Pierre Gras à Avignon composée de deux étages et un garage. Au cours de l'année 2010, des travaux ont été réalisés dans le bien, conduisant à la création d'un studio et d'un appartement. Il résulte de l'instruction que par courrier du 2 juillet 2010, l'appelante a informé le service, au regard de son intention d'affecter cet immeuble à une activité commerciale de locations meublées avec prestations para-hôtelières, que son activité serait soumise à l'impôt sur les sociétés et qu'elle optait pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre, notamment, de cet immeuble. Au mois de mai 2011, la société a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée mentionnant une livraison à soi-même de travaux immobiliers à ce titre.

L'administration fiscale reconnaît elle-même, tant dans la proposition de rectification et la décision rejetant la réclamation présentée par la société, que dans ses écritures de première instance et d'appel, que l'intention initiale de la société était d'affecter l'immeuble sis 18 impasse Jean-Pierre Gras à une activité commerciale de locations meublées avec prestations para-hôtelières.

Le ministre ne soutient pas, notamment, qu'à la date d'achèvement des travaux, date à laquelle la taxe sur la livraison à soi-même est devenue exigible et a ouvert un droit à déduction, l'intention de la société avait été modifiée, ou que cette intention aurait été insincère ou abusive. Pour remettre néanmoins en question la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé cette livraison à soi-même, l'administration expose seulement qu'aucune prestation para-hôtelière n'a été réalisée au cours de l'année 2011 et des années ultérieures. Si cette circonstance était susceptible d'entraîner l'obligation, pour la contribuable, de procéder à une régularisation sur le fondement des articles 271 du code général des impôts et 207 de l'annexe II à ce code, elle est en revanche sans incidence sur le bien-fondé de la déduction initiale de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la société a procédé, que l'administration ne pouvait remettre en cause pour ce motif.

La société Objectif Lune est fondée à soutenir, dès lors, que c'est à tort que le service a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la livraison à soi-même déclarée par elle au titre de l'immeuble sis 18 impasse Jean-Pierre Gras à Avignon.

En revanche, concernant les autres dépenses, la Cour rejette les prétentions de la société, estimant que celle-ci n'a pas suffisamment justifié le caractère professionnel des charges déduites.

 

Publié le mardi 1 avril 2025 par La rédaction

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