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TVA et LASM : la détermination du fait générateur à l'épreuve de la réalité des travaux

 Le juge de l'impôt nous rappelle que la date d'achèvement des travaux, fait générateur de la TVA en matière de LASM d'immeubles, doit être appréciée au regard de la réalité matérielle des travaux et non uniquement des documents administratifs ou des paiements.

 

En vertu des dispositions de l'article 269-1-b du CGI, le fait générateur de l'imposition à la TVA se produit, pour les livraisons à soi-même (LASM) d'immeubles neufs, au moment de la livraison qui intervient lors du dépôt à la mairie de la déclaration prévue par la réglementation relative au permis de construireQuand bien même le redevable viendrait à manquer à ses obligations déclaratives à cet égard, le fait générateur de la LASM est réputé néanmoins intervenu dès lors que sont réunies les circonstances de fait qui rendent exigible la déclaration d'achèvement.

 

En application de l'article 244 de l'annexe II au CGI, dans le mois qui suit la date du dépôt en mairie de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux (DACT) prévue par la réglementation relative au permis de construire, le redevable de la livraison à soi-même doit informer par un imprimé spécial (n° 940) le service compétent de la DGFiP de la date à laquelle est intervenu l'achèvement. En effet, au sens de cette réglementation, l'achèvement s'entend du dépôt de la déclaration mentionnée à l'article L 462-1 du code de l'urbanisme qui est réputé intervenir lorsque l'état d'avancement des travaux est tel qu'il permet une utilisation effective du bâtiment selon sa destination.

Conformement a la jurisprudence du Conseil d'Etat, la notion d'achevement des travaux peut se definir comme etant la date a laquelle l'avancement des travaux est tel que les immeubles peuvent etre effectivement utilises pour l'usage auquel ils sont destines. En pratique et dans tous les cas, y compris pour les batiments a usage agricole, les travaux doivent etre reputes acheves si les trois elements suivants se trouvent reunis : l'execution complete de la construction sur tous les points relevant du permis de construire ; sa conformite avec ledit permis et les prescriptions eventuellement imposees qu'il peut comporter ; le respect de la destination enoncee par le permis.

 

RM Demange JOAN du 10/08/1992, question n°14236

 

Enfin, l'article L. 176 du LPF prévoit que, pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions de l'article 269-2 du CGI.

 

Rappel des faits :

Entre août et décembre 2018, le centre hospitalier de Cambrai a fait l’objet d’une vérification portant sur la TVA due pour la période 2015-2018. Cette vérification a conduit à une proposition de rectification le 13 décembre 2018, aboutissant à des rappels de TVA, notifiés à hauteur de 11 599 144 € considérant que la livraison à soi-même était intervenue en 2015. Les rappels ont été mis en recouvrement le 29 janvier 2021 pour un montant total de 17 075 245 €. Le centre hospitalier a contesté ces rappels par deux réclamations formelles qui ont été rejetées.

Le centre hospitalier a déposé des requêtes visant à obtenir la décharge des sommes réclamées au titre de la TVA, sur le fondement de la prescription acquise. En effet, il soutient que les rappels de TVA ont été mis en recouvrement après la prescription (de 3 ans), étant donné que l’achèvement des travaux, et donc la livraison de l’immeuble, est intervenue en 2014 et non en 2015.

 

De son côté, l'administration s'appuyait sur deux éléments principaux : une déclaration d'achèvement des travaux (DACT) mentionnant janvier 2015 comme date de fin des travaux et une demande d'acompte de juillet 2015 faisant état d'un avancement de 89,65%.

 

Le Tribunal vient de donner raison au centre hospitalier

 

Le juge commence par rappeler le cadre juridique : le fait générateur de la TVA pour une livraison à soi-même d'immeuble est constitué par la livraison effective, qui intervient au plus tard à la date du récépissé de la déclaration d'achèvement des travaux.

 

En dépit de la solidité des arguments purement formels de l'administration (DACT de janvier 2015 et demande d'acompte de juillet 2015) le juge adopte une démarche pragmatique en examinant un faisceau d'indices concordants démontrant un achèvement effectif des travaux dès 2014 :

  • Un avis favorable de la commission de sécurité du 12 mai 2014, d'autant plus probant que le dernier permis modificatif ne concernait que des aspects sécuritaires
  • Un rapport de vérifications réglementaires de la SOCOTEC du 7 mai 2014, qui par nature ne peut être établi qu'après achèvement
  • Un plan en perspective axonométrique daté du 12 mai 2014
  • Des éléments de fait comme un article de presse et une journée portes ouvertes en juin 2014 

Le Tribunal considère que ces éléments établissent l'achèvement effectif des travaux en 2014, nonobstant le paiement de certains travaux en 2015. Par conséquent, la prescription était acquise au 1er janvier 2018, soit avant la notification de la proposition de rectification.

 

TL;.DR

  • La date d'achèvement des travaux, fait générateur de la TVA, doit être appréciée au regard de la réalité matérielle des travaux et non uniquement des documents administratifs ou des paiements.
  • de l'importance de constituer un dossier probant en conservant tous les éléments permettant d'établir la date réelle d'achèvement (rapports techniques, articles de presse, événements).
  • l'administration ne peut se contenter d'indices formels (déclaration d'achèvement, demandes d'acompte) face à un faisceau d'éléments concordants attestant d'une autre réalité.

Publié le mercredi 15 janvier 2025 par La rédaction

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