Le juge de l'impôt re-affirme l'autonomie du droit fiscal dans le cadre d'un décision relative l'articulation entre le droit des sociétés et le droit à déduction de la TVA afférente aux dépenses d'une société en formation
Pour mémoire, l'article 1843 du Code civil, permet à une société régulièrement immatriculée de "reprendre" les engagements souscrits pour son compte pendant sa formation, ces actes étant alors réputés avoir été contractés par elle dès l'origine.
Côté fiscal, rappelons que l'article 271 du CGI conditionne la déduction de la TVA à la détention d'une facture régulière par l'assujetti qui a supporté la dépense pour les besoins de ses propres opérations imposables.
Au cas particulier, la question était de savoir si la fiction juridique de l'article 1843 susvisé pouvait emporter une conséquence fiscale, à savoir le transfert du droit à déduction de l'associé vers la société nouvellement créée.
Rappel des faits :
En l'espèce, la SCCV R constituée le 24 octobre 2018, a sollicité en février 2019 le remboursement d'un crédit de TVA. L'administration a rejeté une partie de la demande au motif qu'elle correspondait à de la TVA grevant des factures datées de 2014 à 2016, soit bien avant la constitution de la société. Ces factures avaient été réglées par la société AR, future associée de la SCCV.
Saisi du litige, le TA de Rennes, puis la CAA de Nantes, ont donné raison au contribuable. Les juges du fond ont estimé que la reprise par la SCCV des engagements pris par sa future associée, en application de l'article 1843 du Code civil, suffisait à lui transférer la titularité du droit à déduction afférent.
Le ministre de l'Économie s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la Cour de Nantes.
Le Conseil d'État vient d'annuler l'arrêt de la CAA de Nantes pour erreur de droit.
La Haute Juridiction a d'abord rappelé la chronologie : la taxe litigieuse a été supportée par la société AR, future associée. En application de l'article 271 du CGI, cette taxe n'était, en principe, déductible que par cette dernière...
en application des dispositions de l'article 271 du code général des impôts rappelées au point 2, quand bien même la société Rennes-Les Jardins de Lucile aurait repris, lors de sa constitution, sur le fondement de l'article 1843 du code civil cité au point 3, les engagements pris pour son compte par sa future associée, la société Aiguillon Résidences.
Le Conseil d'État juge alors que la Cour d'appel a commis une erreur de droit en se fondant sur la reprise des engagements de l'article 1843 du Code civil. Il qualifie cette circonstance d'inopérante pour fonder le droit à déduction de la société nouvellement créée.
La décision énonce un principe clair :
la détermination du titulaire de ce droit relève des seules règles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée.
Réglant l'affaire au fond, le Conseil d'État confirme que AR, qui avait réglé les factures de 2014 à 2016 pour des opérations préalables à la constitution de sa filiale, était bien en droit de déduire cette taxe au titre de ses propres frais généraux. Par conséquent, cette taxe n'était déductible que par elle. La SCCV R, n'étant pas le titulaire originel du droit à déduction, ne pouvait valablement en demander le remboursement.