Le projet de loi de Finances 2020 a été adopté le 19 décembre à l’Assemblée Nationale par 77 voix pour et 30 voix contre. Après avoir annoncé que le CIR serait épargné dans la chasse aux dispositifs d’incitation fiscale aux entreprises, le ministère des finances a finalement décidé de revenir sur sa décision et de procéder à quelques aménagements.
En cette fin d’année, NÉVA fait le point sur l’impact de ces aménagements.
Loi de Finance 2020 : dispositifs concernés ?
La Loi de Finance 2020, dont le projet avait initialement été présenté par le gouvernement le 27 septembre dernier, contient plusieurs nouveautés relatives aux aides publiques aux entreprises. Le ministre des finances, Bruno Le Maire, avait promis à plusieurs reprises une sanctuarisation du CIR – ici en 2017 et ici en 2019 - tout en évoquant la possibilité d’y apporter des aménagements.
Si plusieurs pistes ont ainsi été évoquées au cours des deux dernières années, aucune modification majeure n’a été actée à ce jour. Quelques 25.000 entreprises continuent en France de profiter pleinement du dispositif pour soutenir leurs efforts de R&D et d’innovation.
La Loi de Finance 2020 fixe donc quelques aménagements en matière d’incitations fiscales aux entreprises. Alors qu’il était prévu des coupes de l’ordre de 1 à 1,5 milliard d’euros, les incitations fiscales destinées aux entreprises seront finalement réduites de 615 millions d’euros l’an prochain.
Parmi les dispositifs concernés, on trouve les dispositifs en faveur du mécénat d’entreprise. Le CIR et le CII sont également concernés. Le statut JEI, dont la suppression était prévue au 31 décembre 2019, est finalement prolongé de deux ans et pourra ainsi bénéficier aux entreprises créées jusqu’au 31/12/2022.
CIR : réduction des frais de fonctionnement
La première, et principale, modification est la réduction à 43% (contre 50% actuellement) du taux de la majoration forfaitaire calculée sur les dépenses de personnel. Cette mesure s’inscrit en droite ligne de la recommandation préconisée par le Cour des Comptes et devrait permettre de réaliser 230 millions d’euros d’économies, soit environ 3,5% du coût du dispositif du CIR. Exemple concret
Si on prend l’exemple d’une société avec 50.000 euros de frais de personnel R&D, le calcul du CIR était, jusqu’à présent, le suivant :
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Frais de personnel : 50.000 euros
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Frais de fonctionnement (50 %) : 25.000 euros
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Total R&D : 75.000 euros
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CIR (30 %) : 22.500 euros
Avec des frais de fonctionnement ramenés à 43%, le calcul du CIR et le suivant :
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Frais de personnel : 50.000 euros
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Frais de fonctionnement (43 %) : 21.500 euros
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Total R&D : 71.500 euros
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CIR (30 %) : 21.450 euros
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Au final, une baisse de près de 5% du CIR pour l’entreprise
Les « frais de fonctionnement » c’est quoi ?
Pour éviter la prise en compte fastidieuse, complexe et potentiellement sujette à débat, des frais réels de fonctionnement relatifs à la R&D (fournitures, consommables, matières, pro-rata des frais généraux de l’entreprise, etc), l’Administration fixe ces frais de fonctionnement de manière forfaitaire en proportion de la masse salariale R&D.
Sous-traitance R&D : vers un durcissement des conditions d’application
La Loi de Finance 2020 durci également les conditions d’application du CIR en cas de sous-traitance. En effet, des dispositions spécifiques à la sous-traitance d’opérations de recherche et développement ont été insérées dans la loi afin d’éviter certains abus qui auraient été constatés lors des contrôles.
Ainsi, en cas de R&D confiées à des organismes publics ou des prestataires agréés CIR, seule la part de R&D réalisée directement par ces prestataires sera prise en compte dans le calcul de l’assiette du CIR et l’entreprise ne pourra plus retenir les opérations de R&D qui seraient elles-mêmes sous-traitées par les organismes auxquels elle s’est adressée.
Analyse et commentaires
Si les mesures les plus emblématiques de la Loi de Finance 2020 concernent les particuliers – baisse de l’impôt sur le revenu et suppression partielle de la taxe d’habitation – celles relatives aux entreprises ont fait réagir Larry Perlade, CEO de NÉVA.
Les hypothèses envisagées pour définir ce budget paraissent optimistes. Rien ne garantit une croissance à 1,3% l’an prochain, surtout dans un contexte qui semble aller vers un ralentissement de la croissance – en attendant de pouvoir mesurer l’impact du Brexit ou des grèves de décembre. Les choix du gouvernement en matière fiscale pourraient également entraver la croissance, analyse Larry Perlade.
Si le gouvernement annonce une baisse d’impôts pour les particuliers, il est fort à craindre que les entreprises ne subissent au final, quant à elles, une hausse de la fiscalité – ce qui pourrait nuire à la fois à leur compétitivité et à leur capacité d’innovation.
Le gouvernement aurait pu alléger les impôts sur les facteurs de production, dont tout le monde s’accorde à dire qu’ils sont contre-productifs. Au lieu de quoi il réduit le CIR, outil majeur et reconnu de l’innovation, et partant, de la compétitivité de notre économie. Ce nouveau coup de rabot sur le taux des frais de fonctionnement – qui étaient encore de 75 % il y a quelques années, avant d’être ramenés à 50 % puis aujourd’hui à 43 % – n’est assurément pas un bon signal envoyé aux entreprises , déclare Larry Perlade.
Il en est de même pour la nouvelle règle, plus restrictive, concernant la sous-traitance R&D. Là encore, les règles se durcissent de Lois de Finance en Lois de Finance : « Nous avions déjà assisté il y a quelques années à un premier durcissement interdisant aux sous-traitants d’intégrer dans leur assiette de CIR tous travaux facturés, même si le donneur d’ordre ne les déclarait pas lui-même » indique Larry Perlade, « des travaux de R&D parfaitement éligibles se voyaient ainsi purement et simplement écartés du bénéfice du CIR ».
« La règle de la Loi de Finance 2020 en matière de sous-traitance présente un autre inconvénient sérieux » ajoute Larry Perlade , « comment le donneur d’ordre pourra-t-il savoir si les travaux de R&D que lui facture son sous-traitant sont eux-mêmes sous-traités ? » .
Comme toujours, les Lois de Finance successives finissent par créer de véritables usines à gaz » déplore Larry Perlade.
« Notre crainte, c’est qu’au-delà du coup de rabot comptable, ces mesures ne finissent par participer à décourager les PME et startups à déclarer leurs travaux de R&D et d’innovation. En moyenne, 16% des entreprises qui font de la R&D n’ont pas recours au CIR. Ce taux atteint 18% pour les TPE. Or ce sont elles qui constituent aujourd’hui le maillage de l’innovation en France et ce sont elles qu’il convient d’encourager. »