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Plus-value mobilière et abattement renforcé : précisions sur la date d'appréciation de la condition de "PME de moins de dix ans" en cas de restructuration

Pour la mise en oeuvre de l'abattement renforcé prévu à l'article 150-0 D-1 quater du CGI, le juge administratif valide l'approche administrative consistant à examiner les conditions d'éligibilité non pas au regard de la société d'origine dans laquelle l'investissement initial avait été réalisé, mais au regard de la société émettrice des titres effectivement cédés et des caractéristiques qu'elle présentait au moment de leur acquisition. il confirme que l'échange de titres consécutif à une fusion-absorption constitue une nouvelle acquisition au sens de l'article 150-0 D, imposant une réévaluation des conditions d'éligibilité à cette date.

 

L'abattement renforcé prévu à l'article 150-0 D-1 quater du CGI constitue un dispositif d'encouragement fiscal destiné à favoriser l'investissement dans les jeunes entreprises. Ce mécanisme permet de bénéficier d'un abattement pouvant atteindre 85 % sur les plus-values de cession d'actions ou de parts sociales, sous réserve du respect de conditions strictes tenant notamment à la nature de "jeune entreprise" de la société émettrice et à la durée de détention des titres.

 

L'application de cet abattement est subordonnée au respect cumulatif de plusieurs conditions définies au "B" de l'article 150-0 D-1 quater La société émettrice doit notamment être créée depuis moins de dix ans et ne pas être issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes. Elle doit également constituer une PME au sens du règlement européen n° 651/2014 du 17 juin 2014.

 

La particularité de ce dispositif réside dans les modalités d'appréciation temporelle de ces conditions. Si la condition relative à l'ancienneté de la société s'apprécie à la date de souscription ou d'acquisition des droits cédés, la condition de PME s'examine quant à elle à la date de clôture du dernier exercice précédant la date de souscription ou d'acquisition de ces droits.

b) Elle est une petite ou moyenne entreprise au sens de l'annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Cette condition est appréciée à la date de clôture du dernier exercice précédant la date de souscription ou d'acquisition de ces droits ou, à défaut d'exercice clos, à la date du premier exercice clos suivant la date de souscription ou d'acquisition de ces droits ;

Rappel des faits :

Madame B a acquis entre 2003 et 2005 des parts de la société DE, société qui présentait alors les caractéristiques d'une jeune entreprise éligible à l'abattement renforcé.

 

Le 11 juillet 2012, DE est officiellement absorbée par P, dans le cadre d’une fusion-absorption. En échange de ses parts dans DE, Mme B reçoit 20 372 actions nouvelles de la société PDE (issue de l’absorption). Les actions nouvelles émises par P résultent d’une augmentation de capital consécutive à la fusion. Après la fusion, PDE est ultérieurement renommée DE, ce qui prête à confusion sur la véritable “société absorbante” au regard des critères de PME.

 

Le 20 septembre 2018, Mme B cède ses 20 372 actions DE à la suite d’une OPA de Total visant l’entreprise. Elle déclare alors une plus-value de 825 910 € (déclaration 2074) et sollicite l’application de l’abattement renforcé de 85 %, correspondant à une plus-value imposable réduite à 123 886 € (702 024 € d’abattement). L'administration remet en cause l’abattement renforcé par une proposition de rectification du 7 avril 2021, estimant que la condition “jeune PME” n’était pas remplie du fait de la fusion-absorption de 2012.

L'administration soutient que la société émettrice des titres cédés en 2018, bien qu'elle porte le nom de DE, constitue en réalité la société PDE issue de la fusion de 2012. Cette société, analysée à la date de clôture de l'exercice 2011 précédant l'échange de 2012, ne présentait pas les caractéristiques d'une PME, ayant réalisé un CA excédant 50 M€ et présentant un total de bilan annuel supérieur à 43 M€

Malgré les observations du contribuable et un recours hiérarchique, l’administration maintient la rectification

 

Mme B adresse une réclamation contentieuse le 3 mars 2022, rejetée le 3 août 2023. Elle saisit ensuite le TA de Pau par requête du 28 septembre 2023, demandant la décharge des impositions (abattement, intérêts et pénalités). Pour Mme B, l'échange de titres consécutif à cette opération constitue une nouvelle acquisition au sens de l'article 150-0 D, imposant d'examiner les conditions d'éligibilité à cette date.

 

A l'appui de sa demande Madame B :

  • invoque d'abord une interprétation littérale de l'article 150-0 D du CGI, estimant que ce texte n'exclut pas expressément les situations comportant des opérations intercalaires telles qu'un échange.
  • soutient ensuite une analyse factuelle de l'opération de 2012, considérant que DE a en réalité absorbé P, l'absorption juridique inverse ne résultant que des contraintes liées au statut de société cotée de P.
  • critique également l'interprétation administrative contenue dans la doctrine du BOI-RPPM-PVBMI-20-30-10 §270, qu'elle juge contraire à l'esprit et à la lettre de l'article 150-0 D.

 

Le tribunal administratif de Pau vient de rejeter la requête de Mme B

 

  • Le tribunal établit d'abord la réalité juridique de l'opération de 2012, relevant que la société DE initiale a été dissoute après la fusion-absorption et que des actions nouvelles ont été émises par P au profit des anciens actionnaires de DE.
  • Cette qualification conduit le tribunal à considérer que les titres attribués en échange doivent être regardés comme ayant été acquis à titre onéreux par les actionnaires au moment de l'échange. Cette analyse fixe la date de référence pour l'appréciation des conditions d'éligibilité à l'abattement renforcé.

Appliquant les dispositions de l'article 150-0 D-1quater-B-2°-b, le tribunal retient que la condition de PME s'apprécie à la date de clôture du dernier exercice précédant la date d'acquisition ou de souscription des droits, soit en l'espèce l'exercice 2011 précédant l'échange de 2012. Il constate qu'à cette date, la société DE ne respectait pas les seuils européens définissant les PME, ce qui exclut mécaniquement l'application de l'abattement renforcé.

Publié le lundi 2 juin 2025 par La rédaction

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