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Plus-values mobilières

Plus-value mobilière et cession de titres d'une société franchisée : l'exclusion de l'abattement de 85% pour dépendance économique

Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'abattement renforcé de 85% en matière de plus-value mobilière, le juge de l'impôt apporte un éclairage sur la notion d'extension d'activités préexistantes au sens de l'article 150-0 D du CGI, en l'appliquant spécifiquement au cas des entreprises franchisées.

 

Les plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux réalisées par les particuliers depuis le 1er janvier 2018 sont soumises de plein droit à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 % (auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %), soit un PFU à 30%. Les contribuables peuvent toutefois opter (option expresse et irrévocable ) pour l’imposition de l’ensemble de leurs revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

 

Cette option et partant l'imposition selon le barème progressif, permet l'application des abattements pour durée de détention sur les plus-values de cession de titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018 et notamment de l'abattement renforcé codifié aujourd'hui à l'article 150-0 D-1quater-A du CGI.

 

Conformément à l'article 150-0 D-1quater-B-2° du CGI, le bénéfice de l'abattement pour durée de détention renforcé est soumis au respect par la société émettrice des titres ou droits cédés d'un ensemble de conditions ( la société est créée depuis moins de dix ans à la date de souscription ou d'acquisition des titres ou droits cédés, elle n'est pas issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes, elle est une PME au sens du droit de l'Union européenne, elle doit exercer une activité opérationnelle ou être une société holding animatrice...)

 

La notion d'extension d'activités préexistantes, essentielle dans cette affaire, n'est pas définie par les textes. C'est la jurisprudence qui a progressivement élaboré les critères permettant de la caractériser. Selon cette jurisprudence, les entreprises créées dans le cadre de l'extension d'activités préexistantes sont celles qui, eu égard à la similarité ou à la complémentarité de leur objet par rapport à celui d'entreprises antérieurement créées et aux liens de dépendance qui les unissent à ces dernières, sont privées de toute autonomie réelle et constituent de simples émanations de ces entreprises préexistantes.

 

Cette extension est caractérisée par la réunion d'une double condition :

  • L'existence d'une communauté d'intérêts entre l'entreprise créée et une entreprise préexistante ;
  • L'activité de l'entreprise créée prolonge celle de l'entreprise préexistante.

La communauté d'intérêts peut résulter de liens personnels, financiers ou commerciaux caractérisant une dépendance.

 

Rappel des faits :

Le 21 juillet 2000 Mme E et sa mère ont constitué la société JC ayant pour activité la vente au détail d'articles de lingerie, sous l'enseigne Cannelle (devenue Rouge Gorge le 1er décembre 2010). Le 21 juin 2000, soit peu avant sa constitution, la société JC a conclu un contrat de franchise avec la société Les Fils de A C, propriétaire de la marque Cannelle.

 

En 2017 Mme E a cédé ses titres détenus dans la société JC et, a déclaré la plus-value en bénéficiant d'un abattement renforcé de 85%, considérant que toutes les conditions requises étaient remplies, notamment celle relative à l'absence d'extension d'activité préexistante.

 

À la suite d'un contrôle sur pièces de sa déclaration de revenus de l'année 2017, l'administration fiscale a remis en cause l'application de cet abattement renforcé, estimant que la société JC était issue de l'extension d'une activité préexistante, celle de son franchiseur, la société Les Fils de A C.

 

Mme E a contesté cette rectification et, après épuisement du recours préalable, a saisi le Tribunal administratif de Lyon pour demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017.

 

Sur le fond, Mme E conteste la qualification d'extension d'activité préexistante retenue par l'administration fiscale. Selon elle, le fait que la société JC opère sous franchise ne suffit pas à caractériser une extension d'activité préexistante au sens de l'article 150-0 D du CGI. Elle soutient probablement que sa société dispose d'une autonomie suffisante malgré le contrat de franchise et ne constitue pas une simple émanation du franchiseur.

 

Le Tribunal administratif de Lyon vient de rejetter rejette la requête de Mme E

 

S'agissant de l'absence d'extension d'une activité préexistante défendue par Mme E, le tribunal a repris la définition jurisprudentielle de cette notion et examiné en détail les stipulations du contrat de franchise liant la société JC à la société Les Fils de A C.

 

Les entreprises créées dans le cadre de l'extension d'activités préexistantes au sens de ces dispositions sont celles qui, eu égard à la similarité ou à la complémentarité de leur objet par rapport à celui d'entreprises antérieurement créées et aux liens de dépendance qui les unissent à ces dernières, sont privées de toute autonomie réelle et constituent de simples émanations de ces entreprises préexistantes. L'exercice, par une entité juridiquement indépendante, d'activités qui sont l'extension d'activités préexistantes, est caractérisé lorsqu'est réunie la double condition qu'existe une communauté d'intérêts entre l'entreprise créée et une entreprise préexistante et que l'activité de l'entreprise créée prolonge celle de l'entreprise préexistante. Une communauté d'intérêts entre une entreprise nouvelle et une entreprise préexistante peut résulter de liens personnels, financiers ou commerciaux caractérisant une dépendance.

 

Il a, lors de cet examen, relevé plusieurs éléments caractérisant une dépendance :

  • La société JC exploite l'enseigne Cannelle selon les méthodes et le savoir-faire du franchiseur, qui dispense des formations, l'assiste lors de son installation et en cours d'activité, et met à sa disposition des manuels opérationnels ;
  • Le contrat impose à la société JC les standards de la marque en matière d'aménagement et de décoration du magasin ;
  • Il met à sa charge des contraintes d'exploitation telles que l'utilisation exclusive des méthodes et formulaires remis par le franchiseur, l'ouverture de deux comptes bancaires ou un engagement à constituer un fichier client géré par le franchiseur ;
  • Il prévoit un droit d'agrément et de préemption du franchiseur en cas de cession des parts de la société ou du fonds de commerce, sous peine d'une indemnité de 40 000 euros ;
  • La société JC est tenue à l'utilisation exclusive de l'enseigne Cannelle et à l'interdiction de vendre tout autre produit ;
  • Elle est soumise à une exclusivité d'approvisionnement auprès du franchiseur qui demeure propriétaire des marchandises et assure la gestion du stock ;
  • La société JC est chargée de la vente au détail des produits pour le compte de la société Les Fils de A C, qui la rémunère par le versement d'une commission sur les ventes à hauteur de 65% HT du prix maximum conseillé ;
  • Toute réduction des prix fixés par le franchiseur reste à la charge du franchisé.

Le tribunal en conclut que, même si la société JC a développé sa propre clientèle et est propriétaire du fichier client, les liens de dépendance qui l'unissent à la société Les Fils de A C, dont l'activité est similaire, sont de nature à priver la première de toute autonomie réelle et à en faire une simple émanation de la seconde.

 

Dès lors, la société JC doit être regardée comme étant issue de l'extension de l'activité préexistante de la société Les Fils de A C, et c'est à bon droit que le service a remis en cause le bénéfice de l'abattement renforcé de 85% accordé à Mme E.

 

Publié le mercredi 14 mai 2025 par La rédaction

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