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Contrôle et contentieux

Apport 150-0 B ter avec soulte : la caractérisation de l'abus de droit par l'absence d'intérêt économique pour la société bénéficiaire

Voici une nouvelle occasion d'appréhender les conditions d'application du report d'imposition prévu à l'article 150-0 B ter du CGI dans le cadre d'opérations d'apport de titres avec soulte, et plus particulièrement sur l'appréciation du motif économique justifiant le versement d'une soulte.

 

L'article 150-0 B ter du CGI institue un mécanisme de report d'imposition pour les plus-values d'apport de titres qui s'inscrit dans une logique de restructuration d'entreprise. Ce dispositif, applicable depuis le 14 novembre 2012, permet de différer l'imposition de la plus-value réalisée lors d'un apport de titres à une société soumise à l'IS, à condition que l'apporteur contrôle la société bénéficiaire au moment de l'apport.

 

S'agissant du traitement des soultes associées à l'opération d'apport, avant la LFR pour 2016, le report d'imposition s'appliquait à l'intégralité de l'opération, y compris à la soulte, à condition que celle-ci ne dépasse pas 10% de la valeur nominale des titres reçus en échange. Cette tolérance s'inscrivait dans l'objectif général du dispositif : faciliter les restructurations d'entreprises en vue de leur développement.

 

Cependant, cette possibilité de verser une soulte n'était pas sans limites. Le législateur a entendu que son usage respecte l'esprit du dispositif, c'est-à-dire qu'elle s'inscrive véritablement dans une logique de restructuration d'entreprise. Ainsi, une soulte ne peut être considérée comme légitime si elle est uniquement motivée par la volonté de l'apporteur d'extraire, en franchise d'impôt, des liquidités de la société dont les titres sont apportés.

 

Un critère déterminant a été dégagé : l'existence d'un intérêt économique au versement de la soulte pour la société bénéficiaire de l'apport. Sans cet intérêt économique démontré, l'opération s'analyse comme un simple désinvestissement déguisé, détournant ainsi l'objectif du dispositif de report d'imposition.

 

Rappel des faits :

M. A B a procédé, le 23 décembre 2014, à l’apport de titres des sociétés FDA Sarl et HVH SAS, totalisant une valeur de 21 172 232 € à la société ST (SCA). En contrepartie, il a reçu 1 237 800 actions de SCA, une soulte de 1 237 800 € et une prime d’émission de 7 556 432 €.

Suite à un contrôle fiscal, l’administration a considéré que le report d’imposition de la soulte versée constituait un abus de droit, entraînant des suppléments d’impôt et des pénalités pour M. B au titre de l’année 2014.

 

Après des réclamations infructueuses, M. B a saisi le Tribunal administratif de Paris.

 

M.B contestait la décision de l'administration fiscale en développant trois arguments principaux : l'existence d'objectifs non fiscaux (équilibrage de l'actionnariat, transmission familiale et incitation à participer à l'opération), l'absence d'appréhension effective des liquidités, et la conformité aux objectifs du législateur.

 

Le TA de Paris a confirmé la décision de l’administration fiscale, rejetant les demandes de M. B.

 

Le juge a estimé que la stipulation de la soulte versée par M. B constituait un abus de droit, justifiant ainsi la remise en cause du report d’imposition.

  • Concernant l'argument de l'équilibrage entre actionnaires, le tribunal a examiné l'impact réel de la soulte sur la répartition du capital. Il a constaté que la prime d'émission de 7,5 M€ avait déjà permis d'atteindre cet objectif, la soulte n'ayant qu'un effet marginal sur les pourcentages de détention (passage de 22,07% à 21,38%). 
  • S'agissant de l'objectif de transmission familiale, le tribunal a énoncé un principe essentiel : les considérations patrimoniales ou familiales, bien que légitimes, ne suffisent pas à justifier l'intérêt économique d'une soulte pour la société bénéficiaire
  • Quant à l'argument tenant à la nécessité d'inciter le contribuable à participer à l'opération, le tribunal a écarté d'abord l'argument du conflit familial potentiel comme trop hypothétique. Plus fondamentalement, il a souligné l'incohérence qu'il y aurait à considérer qu'une soulte était nécessaire pour convaincre le contribuable de participer à une opération dont il était lui-même l'initiateur. 

Un autre point est l'affirmation selon laquelle le motif économique doit être apprécié du point de vue de la société bénéficiaire de l'apport. 

Enfin, concernant l'appréhension effective des liquidités, le tribunal a rappelé que l'inscription en compte courant d'associé caractérisait une disponibilité immédiate des fonds, sauf à démontrer une impossibilité financière de remboursement par la société.

Publié le vendredi 31 janvier 2025 par La rédaction

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