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Suivi législatif

Décharge de solidarité fiscale : les députés suppriment le critère de "disproportion marquée" contre l’avis du Gouvernement

L'Assemblée nationale a adopté lundi, malgré l'avis défavorable du Gouvernement et du Rapporteur, un amendement du groupe LFI qui modifie en profondeur les règles de la solidarité fiscale entre ex-conjoints (Article 1691 bis du CGI). Le Gouvernement et le Rapporteur ont tous deux estimé que le problème était "réglé" par la loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille du 31 mai 2024 , qui a créé une nouvelle voie de décharge gracieuse (L. 247 LPF) faisant passer le taux d'acceptation des demandes de 39% à 88 %. Cependant, les auteurs de l'amendement ont estimé cette avancée insuffisante, car elle reste "soumise à l'appréciation du fisc". L'amendement adopté ne touche pas à cette voie gracieuse, mais s'attaque directement à l'article 1691 bis du CGI, en supprimant le principal obstacle à son obtention : l'exigence d'une "disproportion marquée".

 

Comme le rappellent l'exposé sommaire de l'amendement et l'analyse de Maître Féral-Schuhl (un expert du sujet qui nous avait accordé un entretien lors de l'examen de la proposition dec loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille), le principe de solidarité fiscale est dévastateur pour les femmes. Il permet à l'administration fiscale de poursuivre l'un des ex-conjoints pour 100% de la dette (IR, IFI, Taxe d'habitation) du foyer, indépendamment du régime matrimonial (même en séparation de biens) ou de qui a généré la dette.

 

Pour échapper à cette solidarité, une procédure existe : la décharge de responsabilité solidaire  de l'article 1691 bis. Mais, comme le souligne Maître Féral-Schul, ses conditions sont "drastiques". Le demandeur doit prouver trois choses :

  • Être séparé ;
  • Avoir un comportement fiscal irréprochable depuis la séparation ;
  • Et surtout, une "disproportion marquée" entre la dette et sa situation financière.

C'est ce troisième critère qui est ciblé. L'exposé des auteurs de l'amendement adopté le juge "discrétionnaire". En effet, l'administration considère qu'il n'y a pas de disproportion si le demandeur peut payer la dette en moins de trois ans avec ses revenus et son patrimoine (hors résidence principale). Pour mémoire, Maître Féral-Schul nous avait donné l'exemple d'une dette représentant 75% du patrimoine du demandeur, qui serait refusée car le patrimoine suffit à payer.

 

La loi du 31 mai 2024 a ouvert la possibilité pour l'administration fiscale de prononcer une décharge gracieuse  (Art. L. 247 LPF), pour mieux tenir compte de situations individuelles particulièrement difficiles. Elle peut ainsi faire abstraction du critère de disproportion marquée et octroyer une décharge au regard de la situation individuelle du demandeur. En pratique l’ex-conjoint, peut bénéficier d’une procédure de décharge gracieuse laissée à la seule interprétation de l’administration.

 

Pour les députés LFI si cette loi a fait passer le taux de décisions favorables de 39% à 88% il n'en reste pas moins que la voie reste gracieuse, c'est-à-dire soumise à l'appréciation de l'administration, et non un droit automatique.

 

C'est pour cette raison que les députés ont déposé un amendement visant à supprimer la condition légale de "disproportion marquée".


 

Le Gouvernement et le Rapporteur s'y sont opposés estimant que la voie gracieuse (Art. L. 247 du LPF) suffisait à régler les cas injustes : 

Dans 90 % des cas, ces demandes gracieuses d’exonération sont acceptées. Dans les 10 % qui restent, elles ne sont pas acceptées au motif qu’elles ne sont pas légitimes. L’administration fiscale peut par exemple considérer que la solidarité entre les époux existe parce que les dettes ont été contractées ensemble dans le cadre d’une entreprise qu’ils détenaient. Ces dettes devront alors être remboursées, à condition que les revenus permettent de le faire. (Le ministre)

 

De leur côté les députés Insoumis ont fait valoir que la justice ne devait pas dépendre d'une voie gracieuse mais d'un droit légal (Art.1691 bis) accessible.

 

vous ne pouvez pas dire qu’on a réglé le problème, sauf dans 10 % des cas. Le cas des dettes mutuelles n’a aucun rapport avec ce dont nous sommes en train de parler, puisque le cas qui nous occupe est celui où une femme –⁠ dans 87 % des cas – se retrouve, après la séparation, à devoir payer des dettes contractées par son ex-conjoint. Elle se retrouve alors contrainte de se tourner vers l’administration fiscale pour lui demander de ne pas l’obliger à payer ces dettes. (Madame Sarah Legrain)

 

L'amendement a été adopté par 74 voie pour et 63 contre sur 194 votants

 

 

Si cette mesure était maintenue à l'issue de la navette parlementaire, les conséquences seraient importantes : un ex-conjoint demandant une décharge n'aurait plus à prouver son incapacité financière à payer la dette de l'autre. Il lui suffirait de prouver la séparation et sa propre bonne foi fiscale (être à jour de ses obligations déclaratives). Cela transformerait la décharge de responsabilité d'une mesure de "compassion" en un quasi-droit à la "déconjugalisation" des dettes fiscales après une séparation, comme le réclame les députés.

 

Affaire à suivre...

Publié le mardi 28 octobre 2025 par La rédaction

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