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Contrôle et contentieux

La frontière mouvante entre contentieux d'assiette et contentieux de recouvrement en droit fiscal

Nouvelle décision sur la distinction entre contentieux d'assiette et contentieux de recouvrement, notamment en matière d'amende fiscale pour non-révélation de l'identité des bénéficiaires de revenus distribués.

 

L'article 117 du CGI prévoit que lorsque la masse des revenus distribués excède le montant déclaré par une personne morale, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de cet excédent. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes sont soumises à l'amende prévue à l'article 1759.

 

L'article 1759 du CGI fixe le taux de cette amende à 100% des sommes versées ou distribuées lorsque la société ne révèle pas l'identité des bénéficiaires, ou à 75% lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause.

L'article 1754-V-3 du CGI instaure une responsabilité solidaire des dirigeants sociaux pour le paiement de cette amende.

 

En matière procédurale, l'article L. 199 C du LPF, applicable au contentieux d'assiette, autorise l'administration et le contribuable à faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction.

 

L'article L. 281 du LPF, applicable au contentieux de recouvrement, précise que les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance et doivent porter soit sur la régularité en la forme de l'acte, soit sur l'obligation au paiement, le montant de la dette ou l'exigibilité de la somme réclamée.

 

L'article R. 281-5 du LPF limite de manière stricte les moyens et pièces pouvant être invoqués dans le cadre du contentieux de recouvrement.

 

Rappel des faits :

À l'issue d'une vérification de comptabilité de la société CIDF-BAT pour les exercices clos en 2015 et 2016, l'administration fiscale a réintégré aux résultats imposables de cette société des sommes considérées comme des revenus distribués. La société n'ayant pas désigné les bénéficiaires de ces revenus dans le délai de trente jours, elle s'est vu appliquer l'amende prévue à l'article 1759 du CGI.

En l'absence de paiement de cette amende, un avis de mise en recouvrement a été émis le 5 septembre 2019 à l'encontre de Mme A, gérante de la société, sur le fondement de l'article 1754-V-3 du CGI. Cet avis a été annulé et remplacé par un nouvel avis daté du 9 septembre 2020.

Mme A a contesté cette imposition par une réclamation préalable le 9 novembre 2020, mais sa demande a été rejetée par le tribunal administratif de Paris le 20 septembre 2022. Son appel a également été rejeté par la CAA de Paris le 5 avril 2024, ce qui l'a conduite à se pourvoir en cassation devant le Conseil d'État.

 

Devant la cour administrative d'appel, Mme A avait soulevé un moyen tiré du défaut de notification régulière de l'AMR préalablement adressé à la société CIDF-BAT. La cour a écarté ce moyen en considérant qu'il était soulevé pour la première fois en appel et qu'il impliquait l'appréciation des pièces relatives à la notification du premier acte de la procédure de recouvrement. Pour ce faire, la cour s'est fondée sur l'article R. 281-5 du LPF, applicable au contentieux de recouvrement, qui limite strictement les moyens pouvant être invoqués pour la première fois en appel.

 

Le Conseil d'État vient de censurer cette analyse en considérant que la contestation de Mme A se rattachait au contentieux d'assiette et non au contentieux de recouvrement.

 

Pour parvenir à cette conclusion, la Haute juridiction relève deux éléments déterminants :

  • Dans sa réclamation préalable du 9 novembre 2020, Mme A contestait la régularité et le bien-fondé de l'amende au paiement solidaire de laquelle elle avait été tenue ;
  • Aucune mesure de poursuite, postérieure à la notification de l'AMR du 9 septembre 2020, n'avait été engagée à son encontre.

Dès lors, Mme A pouvait faire valoir tout moyen nouveau devant la CAA jusqu'à la clôture de l'instruction, conformément aux dispositions de l'article L. 199 C du LPF applicable au contentieux d'assiette. En écartant son moyen tiré du défaut de notification régulière de l'AMR sur le fondement des règles du contentieux de recouvrement, la cour a commis une erreur de droit.

Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a écarté, sur le fondement de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales cité au point 3, applicable au contentieux de recouvrement, le moyen soulevé par Mme A... tiré du défaut de notification régulière de l'avis de mise en recouvrement préalablement adressé à la société CIDF-BAT, au motif que ce moyen était soulevé pour la première fois en appel et impliquait l'appréciation des pièces relatives à la notification du premier acte de la procédure de recouvrement.

En statuant ainsi alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dès lors que, dans sa réclamation préalable du 9 novembre 2020, Mme A... contestait la régularité et le bien-fondé de l'amende au paiement solidaire de laquelle elle avait été tenue, et qu'en tout état de cause, aucune mesure de poursuite, postérieure à la notification de l'avis de mise en recouvrement du 9 septembre 2020, n'avait été engagée à son encontre, sa contestation se rattachait au contentieux d'assiette et qu'ainsi, elle pouvait faire valoir tout moyen nouveau devant la cour administrative d'appel jusqu'à la clôture de l'instruction en vertu des dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales citées au point 3, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

 

 

Publié le mercredi 7 mai 2025 par La rédaction

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