Les 31 amendements déposés au Sénat sur le PLF 2026 concernant le régime d'exonération Dutreil (Principalement l'article 787 B du CGI) témoignent d'une volonté politique forte de réformer ou de consolider ce dispositif fiscal essentiel à la transmission d'entreprises.
L'ensemble de ces amendements peuvent se regrouper autour de deux objectifs partagés par de nombreux députés lors de l'examen du texte à l'Assemblée Nationale :
- Le renforcement et la sécurisation du dispositif pour éviter les abus et mieux cibler l'activité opérationnelle ;
- L'introduction de plus de progressivité et de justice fiscale en limitant l'avantage Dutreil aux très grosses fortunes ou en assurant l'équité entre héritiers
S'il est largement reconnu comme un outil indispensable pour la pérennité des TPE, PME et ETI familiales, le dispositif Dutreil est aussi critiqué pour son coût (estimé à plusieurs milliards d'euros) et son utilisation abusive par les plus hauts patrimoines à des fins d'optimisation fiscale.
Les amendements qui visent à lutter contre l'optimisation fiscale
De nombreux sénateurs partagent un objectif : recentrer le Dutreil sur l'activité économique réelle et la pérennité de l'entreprise.
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Exclusion des biens non-professionnels : de nombreux amendements (I-247, I-382, I-1002, I-1290, I-1322, I-1351) visent à limiter l'exonération à la seule fraction de la valeur des parts correspondant aux biens affectés à l'activité opérationnelle (biens professionnels). Cela met fin à la possibilité d'utiliser des holdings éligibles pour loger des actifs personnels (immobilier de jouissance, œuvres d'art, yachts, actifs numériques, etc.) et bénéficier de l'exonération de 75 % sur ces biens. L'amendement I-1351 du groupe LR est particulièrement précis en listant explicitement ces biens (chasse, pêche, véhicules de luxe, bijoux, etc.).
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Allongement de l'Engagement : Plusieurs amendements (I-161 rect. bis, I-246, I-382, I-1003, I-1322, I-1328) proposent d'augmenter la durée de l'engagement individuel de conservation des titres par l'héritier ou le donataire, passant de 4 ans à 6 ans ou même à 8 ans. L'objectif est de garantir un engagement plus durable dans l'entreprise.
Les amendements visant à introduire de la progressivité et de l'équité
Les groupes de gauche proposent des réformes plus structurelles pour introduire de la progressivité et de l'équité.
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Barèmes dégressifs (Plafonnement) : Les amendements I-245 et I-653 proposent de rendre l'exonération dégressive en fonction de la valeur transmise.
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I-245 : Maintient 75 % jusqu'à 10 M€, puis diminue par paliers jusqu'à 35 % entre 80 et 100 M€, et supprime l'exonération au-delà de 100 M€.
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I-653 : Maintient 75 % jusqu'à 50 M€, puis 50 % jusqu'à 100 M€, et 25 % au-dessus de 100 M€.
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I-1317 et I-1322 : Propose 75 % jusqu'à 50 M€, puis 50 % au-delà.
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Équité successorale : Les amendements I-650 et I-651 abordent la question de la rupture d'égalité entre héritiers (celui qui reprend l'entreprise vs. les autres). Ils proposent que l'avantage fiscal Dutreil soit rapporté à la succession (comme une donation) pour être pris en compte dans le partage final, garantissant une meilleure équité.
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Réinvestissement conditionnel : L'amendement I-249 innove en proposant de lier l'avantage fiscal à un engagement de réinvestissement (sur les biens professionnels ou la formation des salariés) d'une fraction de l'avantage obtenu.
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Autres imites : D'autres propositions visent à :
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Introduire un critère d'âge (18-60 ans) pour au moins un donataire (I-248) pour garantir une intention entrepreneuriale réelle.
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Plafonner la trésorerie éligible à l'exonération (I-1326).
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Exclure le démembrement de propriété (I-1325) et le cumul avec d'autres réductions (I-1327) pour éviter des optimisations excessives.
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Abroger purement et simplement le Pacte Dutreil (I-1320), ou le remplacer par un abattement en valeur de 2 M€ (I-1321)
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