Nouvelle décision concernant les règles de remboursement des crédits de TVA et les délais de recours contentieux en matière fiscale. Elle souligne, notamment, que le délai de contestation d'un rejet de demande de remboursement de crédit de TVA court même en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision de l'administration.
Concernant les délais de recours contentieux en matière fiscale l'article R. 199-1 du LPF prévoit que le délai de recours contentieux contre les décisions de l'administration fiscale est de deux mois à compter de la notification de la décision. Toutefois, lorsque la décision ne comporte pas la mention des voies et délais de recours, le délai est porté à un an à compter de sa notification, en vertu de la jurisprudence constante des juridictions administratives.
Soulignons également que l'article L. 198 A du LPF instaure une procédure spécifique pour l'instruction des demandes de remboursement de crédits de TVA. Cette procédure prévoit une instruction sur place de la demande par les services fiscaux. Si l'administration ne répond pas dans un délai de quatre mois, le remboursement est réputé accordé.
L'article 261 D-4° du CGI exonère de la TVA, sans possibilité d'option, les locations de logements meublés à usage d'habitation. Toutefois, font exception à cette exonération, et sont donc taxées de plein droit, les opérations notamment mentionnées aux b de l'article 261 D-4° précité. Ce dernier article prévoit, en effet, la taxation à la TVA des prestations d'hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire qui remplissent cumulativement :
- une condition de durée de la prestation d’hébergement ;
- une condition tenant à la mise à disposition d’un local meublé accompagnée de la fourniture de services annexes.
La taxation à la TVA des prestations dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (parahôtelier) suppose qu'outre la mise à disposition du local meublé par l'hébergeur (ou par une personne agissant en son nom et pour son compte), le client ait accès à au moins trois des quatre services annexes cités à l’article 261 D-4°-b du CGI, à savoir la fourniture du petit déjeuner, un nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et une réception, même non personnalisée.
Pour mémoire, Bercy a tiré récemment les conséquences de l'article 84 de la LF pour 2024 qui suite à un avis du Conseil d'Etat du 5 juillet 2023 a modifié l’article 261 D du CGI afin de le mettre en conformité avec le droit européen à compter du 1er janvier 2024.
Rappel des faits :
La SARL PAB a été créée en novembre 2016 avec pour objet l'exercice d'une activité de location meublée professionnelle. En décembre 2016, elle acquiert une maison située dans le Finistère, dans le but de la proposer à la location meublée avec prestations para-hôtelières. Entre janvier et juillet 2017, la société engage des travaux de rénovation et d'équipement de grande envergure, pour un montant total de 258 304 € HT. Ces dépenses comprennent notamment l'aménagement des locaux, l'achat de mobilier et d'équipements destinés à offrir des prestations para-hôtelières.
Le 22 janvier 2018, la SARL PAB a déposé une déclaration de TVA n° 3519, sollicitant le remboursement d'un crédit de TVA de 69 263 €, correspondant à la TVA déductible sur les dépenses engagées.
L'administration fiscale, saisie de la demande, décide de procéder à une vérification de comptabilité de la société. À l'issue de cette vérification, elle émet une proposition de rectification en date du 28 septembre 2018, dans laquelle elle rejette la demande de remboursement. L'administration considère que la SARL PAB n'exerce pas une activité de location meublée avec prestations para-hôtelières assujettie à la TVA, mais une simple activité de location meublée exonérée de TVA en vertu de l'article 261 D du CGI.
La société, estimant que son activité est bien assujettie à la TVA, a présenté de nouvelles demandes de remboursement du crédit de TVA initialement sollicité, les 22 janvier 2020 et 22 janvier 2021. Ces demandes ont également été rejetées par l'administration fiscale, qui a considèré que le rejet initial était devenu définitif faute de contestation dans les délais légaux. La SARL PAB a décidé de contester le refus de remboursement devant le tribunal administratif de Versailles. P
Par un jugement du 4 avril 2023, le tribunal a rejetté sa demande.
La société a fait appel devant la Cour administrative d'appel de Versailles, sollicitant l'annulation du jugement et le remboursement du crédit de TVA.
Pour soutenir sa position la SARL PAB :
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soutient que la proposition de rectification du 28 septembre 2018 ne constitue pas un rejet exprès de sa demande de remboursement, mais une simple proposition, ne déclenchant pas le délai de recours contentieux.
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fait valoir que, à supposer que la proposition de rectification soit un rejet, l'absence de mention des voies et délais de recours empêche le délai de recours contentieux de courir, conformément aux principes généraux du droit.
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estime que l'administration aurait dû appliquer la procédure spécifique prévue par l'article L. 198 A du LPF, qui prévoit une acceptation tacite du remboursement en l'absence de réponse de l'administration dans un délai de quatre mois.
Par ailleurs, La SARL PAB estime que le refus de remboursement de la TVA, correspondant à une créance sur l'État, porte atteinte à son droit au respect des biens, garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
Sur le fond, la société soutient qu'elle exerce une activité de location meublée avec prestations para-hôtelières, remplissant les conditions de l'article 261 D du CGI, et qu'elle est donc assujettie à la TVA. Elle fait également valoir que les dépenses engagées constituent des investissements préparatoires à une activité assujettie, ouvrant droit à déduction de la TVA conformément aux principes dégagés par la jurisprudence européenne.
L'administration fiscale considère pour sa part :
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que la proposition de rectification du 28 septembre 2018 constitue un rejet exprès de la demande de remboursement, pour des motifs de fond clairement exposés.
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que la société avait un délai de recours d'un an, en l'absence de mention des voies et délais de recours, pour contester ce rejet, délai qui est désormais expiré.
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que Les nouvelles demandes de remboursement présentées en 2020 et 2021 sont irrecevables, le rejet initial étant devenu définitif
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que s'agissant de la procédure applicable, elle n'était pas tenue d'appliquer exclusivement la procédure de l'article L. 198 A du LPF et qu'elle pouvait recourir à une vérification de comptabilité pour instruire la demande de remboursement.
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que la société n'exerce pas une activité assujettie à la TVA, ne remplissant pas les critères des prestations para-hôtelières.
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que la société n'a pas débuté d'activité réelle de location meublée avec prestations para-hôtelières à la date de la demande de remboursement.
La Cour administrative d'appel de Versailles vient de rejetter l'appel de M. B., confirmant ainsi le jugement de première instance.
La Cour considère que la proposition de rectification du 28 septembre 2018 constitue bien un rejet exprès de la demande de remboursement du crédit de TVA. Elle motive sa position en soulignant que ce document expose clairement les motifs du refus, à savoir le non-assujettissement à la TVA de l'activité de la société.
En l'absence de mention des voies et délais de recours dans la proposition de rectification, la Cour rappelle que le délai de recours est porté à un an à compter de la notification de la décision, conformément à la jurisprudence. Le délai a commencé à courir à compter de la réception de la proposition de rectification par la société, soit le 4 octobre 2018. La société n'ayant pas contesté le rejet dans ce délai d'un an, la décision est devenue définitive le 4 octobre 2019.
La Cour juge également que les demandes de remboursement présentées en janvier 2020 et janvier 2021 sont irrecevables, dès lors qu'elles portent sur le même crédit de TVA déjà rejeté par une décision définitive.
Cette proposition de rectification constitue ainsi un rejet exprès de la demande de remboursement de la société. Il est constant que cette proposition de rectification, qui ne mentionne pas les voies et délais de recours, a été reçue par la société le 4 octobre 2018.
La société ne faisant état d'aucune circonstance exceptionnelle, elle disposait d'un délai d'un an pour saisir le tribunal de cette décision expresse de rejet. En l'absence d'une telle contestation dans ce délai, la décision du 28 septembre 2018 revêt un caractère définitif qui prive la société de la possibilité de se prévaloir d'un droit au report de ce crédit de taxe après le 4 octobre 2019.
Dans ces conditions, la demande de la société Penn Ar Bed présentée le 21 janvier 2021, ainsi que celle présentée le 21 janvier 2020, tendant au remboursement du même crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 69 263 euros, sont tardives.
Par ailleurs la Cour considère :
- que l'administration n'était pas tenue d'appliquer exclusivement la procédure de l'article L. 198 A du LPF pour instruire les demandes de remboursement de crédits de TVA. Elle pouvait recourir à une vérification de comptabilité, comme cela a été le cas en l'espèce.
- que le délai d'un an laissé à la société pour contester le rejet de sa demande était suffisant pour lui permettre de faire valoir ses droits. Il n'y a donc pas eu atteinte disproportionnée à son droit au respect des biens.
- que les moyens relatifs au bien-fondé de la demande (assujettissement à la TVA, investissements préparatoires) sont inopérants, dès lors que la décision de rejet est devenue définitive faute de recours dans les délais.
La décision confirme qu'une proposition de rectification peut constituer un rejet exprès d'une demande de remboursement de crédit de TVA, dès lors qu'elle expose clairement les motifs du refus.
L'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision de l'administration n'empêche pas le délai de recours de courir. Le contribuable dispose alors d'un délai d'un an pour contester la décision.
L'administration fiscale n'est pas tenue d'appliquer exclusivement la procédure spécifique de l'article L. 198 A du LPF pour instruire les demandes de remboursement de crédits de TVA. Elle peut opter pour une vérification de comptabilité, ce qui peut avoir des implications sur les délais et les droits du contribuable.