Le Conseil d’Etat vient de juger que ne consent pas une libéralité constitutive d’un acte anormal de gestion une société qui souscrit, une promesse de cession d’actions à un prix irrévocablement fixé, au bénéfice d’un cadre dirigeant qui lève l’option dans le délai et revend plus cher à une société du groupe. La haute juridiction a considéré que la société cédante y trouvait un intérêt et ne s’appauvrissait pas. En effet, ainsi incité à développer le chiffre d’affaires de la société dont les titres sont cédés, le bénéficaire de la promesse permettait à la société cédante de valoriser sa propre participation.
En vertu des dispositions de l’article 38 du CGI, le bénéfice imposable dans la catégorie des BIC est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale.
Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
S’agissant de la cession d’un élément d’actif immobilisé, lorsque l’administration, qui n’a pas à se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu’elle a retenue et que le contribuable n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l’acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l’appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’elle en ait tiré une contrepartie.
Rappel des faits :
La SARL A, qui exerce une activité de gestion de titres et de prise de participations, a consenti le 14 mars 2009 à M. G, directeur commercial d’une de ses filiales, la société SI, une promesse, valable pour cinq ans, de cession d’un maximum de 233 964 actions de cette dernière, au prix définitif de 1 € par action.
M G a acquis le 24 février 2011, en application de cette promesse et au prix ainsi fixé, 100 270 actions de la société SI détenues par la SARL A et les a revendues le même jour, au prix unitaire, résultant de l’évaluation par un commissaire aux apports de la valeur vénale des actions de la société SI à cette date, de 3,838 €, à une autre filiale contrôlée majoritairement par la SARL A.
A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration a estimé que la cession consentie par la SARL A à M. G était constitutive, compte tenu d’un prix anormalement bas, d’une libéralité.
Elle a par suite réintégré dans les bénéfices de la société A une somme correspondant au gain d’acquisition réalisé par M. G et assujetti en conséquence cette société à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés.
Après rejet de sa réclamation, la société A a porté le litige devant le TA de Rennes qui a rejeté sa demande de décharge. La société A s’est pourvue en Cassation contre l’arrêt du 15 avril 2021 par lequel la CAA de Nantes a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement.
Pour juger que la SARL A a consenti à M. G une libéralité constitutive d’un acte anormal de gestion, la juridiction d’appel :
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a relevé que le prix de cession des actions était significativement inférieur à leur valeur vénale à cette date,
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a estimé que l’engagement de cession contracté à l’égard de M. G ne constituait pas pour la société une contrainte qui lui était extérieure et que la promesse de vente ne mentionnait aucun engagement de M. G en contrepartie du sien.
En statuant ainsi, le Conseil d’Etat estime que la Cour a commis une erreur de droit dans la mesure où elle n’a pas recherché si, en contractant, sans engagement du bénéficiaire, la promesse de vente en cause la société la société A avait agi conformément à son intérêt, compte tenu des avantages résultant de l’implication complémentaire qu’elle pouvait attendre, du fait de l’option d’achat qu’elle lui attribuait, de ce cadre dirigeant de la société dont elle détenait les titres
Au cas particulier, la société fait valoir qu’en agissant ainsi elle voulait inciter M.G a développer le chiffre d’affaires de la société dont les titres étaient cédés, permettant ainsi une valorisation de sa propre participation.
La Cour de son côté a fait valoir :
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que M.G n’était pas salarié de cette société,
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que la promesse de vente n’était assortie d’aucune condition en termes de durée de présence dans l’entreprise ou de durée minimale de conservation des titres acquis
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qu’il était prévisible, dès 2009, que la valeur des titres de la société SI allait croître fortement, indépendamment de l’action de M. G du seul fait de la fusion de la société SI avec la société CPS intervenue à la fin de l’année 2008.
Statuant au fond, le Conseil d’Etat conteste l’existence d’un acte anormal de gestion :
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Même si M.G n’était pas salarié, ses compténces et son expérience en tant que Directeur commercial reconnu, étaient de nature à accroitre le chiffre d’affaires de la société SI et partant la valorisation des parts;
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Même si M.G bénéficiait, sans engagement de sa part, de la faculté d’exercer son droit d’option à tout moment pendant une période de cinq ans, le prix de 1 € était proche de la valeur vénale des titres à la date à laquelle la promesse a été consentie
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Enfin, les perspectives de croissance de l’activité de la société ne présentait aucun caractère certain, de sorte que cette promesse était de nature à avoir, à l’égard de M. G, un réel effet incitatif.