Nouvelle illustration du régime d'imposition des cessions d'usufruit temporaire (Art. 13-5 du CGI) mettant en avant son champ d'application large incluant les apports en société, la non-applicabilité des abattements pour durée de détention, une rétroactivité justifiée par l'annonce préalable de la mesure, des modalités d'évaluation autonomes par rapport aux droits d'enregistrement.
En application de l’article 15 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un même usufruit temporaire est , par dérogation aux dispositions relatives à l’imposition des plus-values, imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache au jour de la cession le revenu procuré ou susceptible d’être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l’usufruit cédé (Art. 13-5 du CGI).
Cette mesure , qui s’applique aux cessions à titre onéreux d’un même usufruit temporaire intervenues à compter du 14 novembre 2012 , poursuit une double finalité :
d’une part, elle contribue à lutter contre des stratégies d’optimisation fiscale détournant l’esprit de la loi ; en cela, elle s’inscrit naturellement dans le plan global de renforcement de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales et sociales mis en oeuvre par le Gouvernement ;
d’autre part, elle vise aussi à rétablir la réalité écoonomique de l’opération et à permettre l’imposition du revenu cédé sous forme d’usufruit temporaire, en tant que revenu (et non plus comme une plus-value), selon les modalités propres à chaque catégorie de revenu, à la fois à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Les cessions d’usufruit viager ne sont pas concernées par ces nouvelles dispositions ».
RM Éric Straumann, JO Sénat du 16 juillet 2013 Question N° : 18787
Les modalités d'imposition du produit de la cession d'un usufruit temporaire, prévues à l'article 13-5 du CGI, s'appliquent à la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire.
Sont ainsi soumises à ces modalités d'imposition, les cessions à titre onéreux portant sur un usufruit temporaire entrant, par nature, dans le champ d'application des plus-values, sans qu'il soit tenu compte des exonérations, des sursis ou reports d'imposition, des abattements ou de toute modalité d'imposition particulière propres aux dispositions relatives aux plus-values, et ce quelle que soit la qualité du cédant (résident ou non-résident).
Rappel des faits :
Mme C détentrice d'usufruits temporaires de parts sociales dans plusieurs SCI à prépondérance immobilière, a apporté ces usufruits à la SCI Les Châtaigniers créée le 30 septembre 2011 . L'apport d'usufruit temporaire a été rémunéré par l'attribution de parts sociales (15 137 parts) et une prime d'apport (2 017 €), pour une valeur totale d'environ 155 000 €. La contribuable n'a pas déclaré le produit de cette opération dans ses revenus fonciers. Suite à un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a réévalué les cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour l'année 2012, estimant que l'opération d'apport devait être taxée selon le régime de l'article 13-5 du CGI.
Mme C conteste ces rehaussements, sollicitant une décharge totale ou partielle des cotisations supplémentaires et avance plusieurs arguments fiscaux et constitutionnels pour contester l'application du régime fiscal en cause :
- Contestation de l'application du 5.1 de l'article 13 du CGI à son apport d'usufruit temporaire ;
- Remise en cause du calcul de la valeur d'apport, notamment l'absence d'application du taux de 23% de l'article 669 II du CGI ;
- Demande d'abattement pour durée de détention et d'autres corrections de calcul ;
- Contestation de la rétroactivité des dispositions fiscales appliquées et de leur conformité constitutionnelle ;
- Remise en question de la méthodologie d'imposition et du régime applicable à l'opération d'apport, notamment en invoquant des principes de neutralité fiscale pour les sociétés de personnes et des directives européennes.
La Cour vient de rejetter la requête de Mme C confirmant l'application de l'article 13-5 du CGI et le bien-fondé des rehaussements.
Concernant l'application de l'article 13-5 du CGI
La Cour confirme l'application du dispositif au cas particulier. Elle précise que l'apport en société contre remise de titres constitue bien une cession à titre onéreux, même en l'absence de contrepartie monétaire. Elle confirme également que le dispositif s'applique aux sociétés à prépondérance immobilière.
Concernant les modalités d'évaluation de l'usufruit temporaire :
la Cour rejette l'application du barème de l'article 669 du CGI (23%), celui-ci étant réservé aux droits d'enregistrement. Elle valide la valorisation retenue librement par les parties en assemblée générale.
Non-applicabilité des abattements pour durée de détention :
La Cour écarte également l'application des abattements pour durée de détention prévus en matière de plus-values, le texte prévoyant expressément une dérogation aux dispositions relatives à l'imposition des plus-values.
Sur la question de la rétroactivité :
La Cour écarte les arguments de la contribuable en se fondant sur deux éléments : d'une part, la constitutionnalité du dispositif a été validée par le Conseil constitutionnel, d'autre part, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH ne sont pas violées car l'opération a été réalisée après l'annonce de la mesure en Conseil des ministres.
Enfin, sur le terrain de la doctrine administrative, la Cour rappelle les règles d'invocabilité de l'article L. 80 A du LPF : seules les instructions antérieures à l'expiration du délai de déclaration peuvent être invoquées.