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Droits de mutation

Évaluation des titres de holding passive : primauté de la valeur vénale réelle sur les barèmes statutaires et décote pour illiquidité

Rappel des contours de l'évaluation des titres de sociétés holding non cotées détenant des participations cotées. Si le juge de l'impôt confirme la méthode de la valeur mathématique retenue par l'administration fiscale au détriment des méthodes de valorisation issues des pactes ou règlements intérieurs, elle accueille favorablement la demande du contribuable concernant l'application d'une décote de holding substantielle de 20 %.

 

Conformément à l'article 666 du CGI, les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs. Il en résulte que les biens transmis sont évalués à leur valeur vénale au jour du fait générateur de l'impôt.

 

Il ressort de la doctrine BOFIP :

La Cour de Cassation a estimé dans divers arrêts, que la valeur vénale des titres des sociétés non cotées doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande. En conséquence, cette valeur doit être déterminée en tenant compte, non seulement de la valeur mathématique obtenue par actualisation de l'actif net comptable de la société, mais également de la valeur de productivité tirée de l'importance du bénéfice et de la valeur de rendement établie par capitalisation du dividende. Il y a lieu également de prendre en compte les valeurs dégagées à l'occasion des mutations antérieures des mêmes titres et les perspectives d'avenir de la société en fonction notamment de sa capacité d'autofinancement.

Par ailleurs, la valeur des titres peut être différente selon qu'ils permettent ou non de détenir le pouvoir de décision dans l'entreprise. En principe, dans l'affirmative, la valeur mathématique est privilégiée. En revanche, s'ils ne représentent qu'une fraction minoritaire, le rendement attendu pourra constituer la principale référence.

En définitive, l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés résulte de la combinaison de ces différentes méthodes suivant une pondération qui permet de prendre en considération les caractéristiques de la société et le contexte économique dans lequel elle évolue.

Les principes régissant l'évaluation des titres non cotés figurent dans le guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés diffusé par l'administration et qui est disponible sur le site www.impots.gouv depuis la rubrique de la "documentation fiscale" consacrée aux guides ou à partir du menu dédié à l'impôt sur la fortune dans la rubrique concernant les "particuliers".

BOI-ENR-DMTG-10-40-10-10

 

L'article L. 17 du LPF permet à l'administration de rectifier ces valeurs si elles paraissent inférieures à la valeur vénale réelle. 

 

Rappel des fait :

Par une donation-partage du 13 avril 2012, des parents ont transmis à leurs enfants la nue-propriété d'actions de deux sociétés, AM et SPFA. Ces deux structures ont pour caractéristique principale de ne détenir à leur actif que des titres de la société STEF, cotée sur un marché réglementé, et de la trésorerie, sans exercer d'activité industrielle ou commerciale propre. Pour les besoins de l'enregistrement, les donateurs ont évalué les titres transmis en application des règlements intérieurs desdites sociétés. Ces règlements stipulaient une méthode de fixation du prix semestrielle, basée sur une moyenne des cours de bourse de la participation sous-jacente (STEF) sur une période antérieure.

 

L'administration fiscale a contesté cette valorisation, estimant qu'elle était déconnectée de la valeur réelle des titres au jour de la donation, compte tenu notamment de la hausse du cours de l'action STEF. Elle a procédé à une rectification en retenant une valeur mathématique fondée sur le cours de bourse de la participation sous-jacente au jour de la transmission, tout en appliquant une décote.

 

Après un rejet de leur réclamation et une décision défavorable du TJ de Paris le 2 mars 2023, les contribuables ont fait appel.

 

Le débat posé à la Cour s'articule autour de deux axes majeurs : la force probante des méthodes d'évaluation statutaires opposables à l'administration, et le taux de la décote applicable au titre de la détention via une holding (décote de holding).

 

Le rejet de la valeur statutaire "déconnectée"

Le premier apport de l'arrêt réside dans la confirmation de la primauté de la valeur vénale réelle sur les méthodes d'évaluation statutaires. Les appelants soutenaient que les règlements intérieurs s'imposaient à tous les actionnaires, rendant impossible toute cession à un prix différent. La Cour rejette cet argument en s'appuyant sur l'article L. 17 du LPF.

 

Les juges ont relevé que, paradoxalement, les sociétés elles-mêmes avaient dérogé à leurs propres règles internes à la même période (début 2012) pour autoriser des transactions à des prix supérieurs, afin de compenser les effets d'une baisse temporaire des cours. Cette circonstance ruine l'argument de l'intangibilité des valeurs de règlement intérieur.

La Cour valide ainsi l'approche de l'administration consistant à écarter ces valeurs conventionnelles lorsqu'elles ne reflètent plus la réalité économique au jour de la mutation, préférant une méthode mathématique basée sur l'actif net réévalué (la valeur de la participation STEF cotée).

 

En matière d'évaluation, la réalité économique, matérialisée par la valeur vénale au jour du fait générateur (ici, le cours de bourse de l'actif sous-jacent), prime sur les conventions entre parties, fussent-elles statutaires, dès lors que ces dernières conduisent à une sous-évaluation manifeste

 

La consécration d'une décote de holding de 20 %

Si la Cour donne raison à l'administration sur la méthode, elle infirme le jugement de première instance sur le quantum de la décote. L'administration et le tribunal avaient retenu une décote de liquidité limitée à 10 %.

Une fois la valeur mathématique brute établie, il est d'usage d'appliquer une décote pour tenir compte de l'interposition de la société holding. Cette décote compense l'absence de liquidité des titres de la holding (difficiles à vendre comparés aux titres cotés qu'elle détient) et la fiscalité latente en cas de cession des participations.

 

La Cour a porté cette décote à 20 %. Elle justifie ce taux par deux éléments :

  • L'illiquidité structurelle : il s'agit de sociétés fermées, dont le marché est restreint aux seuls actionnaires ou cadres du groupe, sans accès direct au marché boursier de la filiale STEF.
  • La fiscalité latente : la Cour reconnaît explicitement la nécessité de prendre en compte l'imposition sur les plus-values latentes qui pèserait sur la holding en cas de cession de sa participation.

 

Publié le mardi 30 décembre 2025 par La rédaction

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