Accueil > Fiscalité du patrimoine > Plus-values immobilières > Exonération de plus-value sur la résidence principale : appréciation souple du délai de vente en cas de circonstances particulières
Plus-values immobilières

Exonération de plus-value sur la résidence principale : appréciation souple du délai de vente en cas de circonstances particulières

Le juge de l'impôt nous offre une application intéressante de l'exonération de plus-value immobilière au titre de la résidence principale dans le cas spécifique d'un couple marié dont l'un des membres a dû être placé en EHPAD. Cette décision, qui vient infirmer le jugement du Tribunal administratif de Lyon, adopte une approche pragmatique et humaine de la notion de "résidence principale" et du "délai normal" de vente, en tenant compte des circonstances particulières dans lesquelles se trouvait le contribuable.

 

L'article 150 U du CGI pose le principe d'imposition des plus-values réalisées par les personnes physiques lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers. Ce principe connaît toutefois plusieurs exceptions, énumérées au II de cet article, parmi lesquelles :

  • Le 1° qui exonère les immeubles constituant la résidence principale du cédant au jour de la cession ;
  • Le 1° ter qui exonère, sous certaines conditions de revenus et de délai, les immeubles ayant constitué la résidence principale du cédant avant son entrée en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Pour l'application du 1°, la jurisprudence a précisé qu'un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du seul fait que le cédant a libéré les lieux avant la cession, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme "normal". Ce délai est apprécié en tenant compte des diligences accomplies par le vendeur pour mener à bien la vente dans les meilleurs délais, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local.

 

Quant au 1° ter, introduit pour assouplir les conditions d'exonération pour les personnes entrant en EHPAD, il conditionne l'exonération à l'absence d'occupation du bien depuis la cessation de son affectation en tant que résidence principale, à la modestie des revenus du contribuable, et à un délai de cession inférieur à deux ans suivant l'entrée dans l'établissement.

 

Rappel des faits :

M. et Mme A, mariés sous le régime de la communauté d'acquêts depuis 1972, ont cédé le 19 mai 2020 un appartement situé dans le 6ème arrondissement de Lyon qu'ils avaient acquis ensemble le 30 novembre 1999.

Mme A résidait toutefois depuis fin 2017 dans un EHPAD situé à Villeurbanne, d'abord de façon discontinue puis continue. Cette situation a d'ailleurs motivé la décision de vendre le bien, compte tenu des frais liés à ce mode d'hébergement.

L'administration fiscale a admis l'exonération de la plus-value au titre de la résidence principale pour M. A, qui occupait encore le bien au jour de la cession. En revanche, elle a refusé cette même exonération pour Mme A, considérant que le bien n'était plus sa résidence principale puisqu'elle résidait en EHPAD. L'administration a ainsi imposé la moitié de la plus-value, correspondant aux droits de Mme A, générant une imposition de 37 098 €.

M. et Mme A ont contesté cette imposition devant le Tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté leur demande par un jugement du 8 novembre 2022.

 

Suite au décès de Mme A, M. A a fait appel de ce jugement.

 

Il se prévaut du fait 

  • que l'immeuble cédé constituait la résidence principale du foyer fiscal qu'il formait avec son épouse, et qu'il s'agissait d'une propriété commune du couple et non d'une indivision.
  • que l'EHPAD ne constituait pas la résidence principale de Mme A, qui y était seulement hébergée. Le couple entrait donc dans le champ d'application de l'article 150 U-II-1° du CGI.
  • que la cession était intervenue moins de deux ans après l'entrée de Mme A en EHPAD, et il avait accompli toutes les diligences nécessaires pour vendre le bien, compte tenu de circonstances particulières :
    • Sa désignation comme mandataire de son épouse par le juge des tutelles ;
    • Ses propres problèmes de santé entre février et septembre 2019 ;
    • Les conséquences de la crise sanitaire sur le marché immobilier.
  • qu'il serait discriminatoire de ne pas le faire bénéficier d'une exonération de la plus-value au titre de la résidence principale.

 

L'administration fiscale de son côté estime que les conditions d'exonération n'étaient pas remplies pour la quote-part de Mme A, puisque :

  • Le bien ne constituait plus sa résidence principale au jour de la cession, étant donné qu'elle résidait en EHPAD depuis fin 2017.
  • Les conditions posées par le 1° ter de l'article 150 U-II-1er ter du CGI n'étaient pas remplies, la cession étant intervenue plus de deux ans après l'entrée de Mme A en EHPAD.

 

La Cour administrative d'appel de Lyon vient d'annuler le jugement du TA et de prononcer la décharge de l'imposition.

 

Premièrement, la Cour rappelle que pour être considéré comme résidence principale au sens de l'article 150 U-II-1° du CGI, l'immeuble doit constituer la résidence habituelle et effective du cédant. Cependant, un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du seul fait que le cédant a libéré les lieux avant la cession, à condition que le délai d'inoccupation puisse être regardé comme normal.

 

Deuxièmement, la Cour examine les circonstances particulières de l'espèce et relève plusieurs éléments déterminants :

  • Les époux étaient mariés sous le régime de la communauté de biens, non dissoute à la date de la cession, et imposés au sein du même foyer fiscal.
  • Mme A n'avait pas la capacité pour prendre part au processus de vente, ce qui a nécessité la désignation de M. A comme mandataire par jugement du 25 janvier 2018.
  • M. A a rencontré des problèmes de santé entre février et septembre 2019, ralentissant le processus de vente.
  • Le processus de vente a été initié en mars 2019 par la signature d'un mandat, relancé en août 2019, avec des visites à partir d'octobre 2019 et un acquéreur trouvé en décembre 2019.
  • La crise sanitaire du printemps 2020 a encore retardé la vente définitive, intervenue le 19 mai 2020.

La Cour en conclut que M. A doit être regardé comme ayant accompli les diligences nécessaires pour mener à bien la vente dans les meilleurs délais, compte tenu du contexte familial et privé particulier. Par conséquent, M. et Mme A doivent être considérés comme ayant rempli les conditions pour bénéficier entièrement de l'exonération prévue au 1° du II de l'article 150 U du CGI.

 

TL;DR

  • "Délai normal" de vente : La Cour prend en considération l'ensemble des circonstances particulières ayant pu retarder la vente : problèmes de capacité juridique nécessitant une mesure de protection, problèmes de santé du vendeur, et même la crise sanitaire liée au COVID-19.
  • Fondement de l'exonération retenue : La Cour ne se place pas sur le terrain du de l'article 150-U-II-1°ter du CGI, spécifique aux résidents d'EHPAD, qui impose un délai strict de deux ans. Elle préfère se fonder sur l'exonération générale prévue au 1° et l'interprétation jurisprudentielle du "délai normal" de vente.

Publié le mercredi 16 avril 2025 par La rédaction

6 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :