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Plus-values immobilières

Exonération résidence principale et délai d'inoccupation : de l'importance d'ajuster son prix de vente dans un délai raisonnable

La question de l'exonération des plus-values immobilières au titre de la résidence principale continue d'alimenter un contentieux nourri, particulièrement dans les situations où le bien n'est plus occupé au jour de la cession. Le juge de l'impôt vient de nouveau prendre position sur l'appréciation du caractère normal du délai de vente, élément déterminant pour la qualification de résidence principale.

 

La résidence principale est le lieu où le contribuable réside habituellement et effectivement pendant la majeure partie de l’année. Partant, une utilisation temporaire d’un logement ne peut être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère, au jour de la cession, d’une résidence principale susceptible de bénéficier de l’exonération prévue à l’article 150 U-II-1° du CGI.

 

Soulignons, qu'un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l’immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal.

 

Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu.

 

Rappel des faits :

Monsieur C et Madame A alors en instance de divorce, étaient copropriétaires indivis d'un bien immobilier situé à Aix-en-Provence  acquis le 7 juin 2002 au prix de 167 694 €, qui constituait leur résidence principale jusqu'à leur séparation. Mme A a quitté le logement au plus tard le 1er janvier 2014 et M. C n’y était plus domicilié depuis le 1er juillet 2014. Le 20 janvier 2017, ils ont cédé ce bien pour un montant de 490 000 €. Ne déclarant pas la plus-value réalisée lors de cette cession, ils ont estimé que celle-ci était exonérée en application de l'article 150 U-II-1° du CGI. 

Suite à un contrôle fiscal, l'administration a remis en cause cette exonération par une proposition de rectification, arguant que le bien ne constituait plus la résidence principale au moment de la vente. Ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et à la taxe sur les plus-values immobilières, assorties d'intérêts de retard et d'une majoration prévue par l'article 1728 du CGI.

Le Tribunal administratif de Marseille a, par une décision du 11 avril 2023, N° 2105185 rejetté la demande visant la décharge des cotisations supplémentaires et l'exonération des plus-values immobilières. Les contribuables ont fait appel de la décision du tribunal administratif, demandant l’annulation du jugement du 11 avril 2023 et la prononciation de la décharge demandée.

 

Ils soutiennent que c'est à tort que l'administration a imposé la plus-value dès lors que ce bien constituait leur résidence principale au sens et que le délai de vente était normal, compte tenu de leur volonté de vendre au meilleur prix, du prix fixé par les agences immobilières, de l'état du marché immobilier, des problèmes d'humidité apparus et de la non-obtention du prêt par un acquéreur. Ils soutiennent également que la location partielle du bien ne remet pas en cause le bénéfice de l'exonération.

 

La CAA de Marseille vient dans le cadre de deux décisions de rejeter la demande de M. C et de Mme A.

 


Pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 150 U-II-1° du CGI du CGI l'administration a estimé que le bien cédé le 20 janvier 2017 ne pouvait être regardé comme la résidence principale de la requérante, dès lors que Mme A avait quitté le logement au plus tard le 1er janvier 2014 et que M. C n'y était plus domicilié depuis le 1er juillet 2014.

 

La Cour a rejetté l'ensemble des arguments évoqués par les contribuables.

 

Sur le fond, elle centre son analyse sur le caractère normal du délai de vente. Elle relève :

  • que le bien a été mis en vente à des prix successifs de 880 000 euros, 850 000 euros, puis 724 500 euros en 2014, avant d'être finalement cédé à 490 000 euros en 2017.
  • que le contribuable a ainsi fixé un prix initial "manifestement excessif" et n'a pas ajusté son prix de vente dans un délai raisonnable.

Elle a écarté les justifications avancées concernant l'état du marché immobilier local et les problèmes d'humidité du bien, faute d'éléments probants.

 

Il résulte de l'instruction que le bien en litige, acquis le 7 juin 2002 au prix de 167 694 euros, a été mis en vente auprès de deux agences immobilières aux prix respectifs de 880 000 euros et 850 000 euros. Une autre agence immobilière a été mandatée en décembre 2014 en vue d'une vente au prix demandé de 724 500 euros, puis un nouveau mandat a été accordé en septembre 2016 au prix de 500 000 euros, la cession ayant finalement été réalisée le 20 janvier 2017 au prix de 490 000 euros, Mme A... précisant qu'un compromis de vente qui n'a pas abouti avait été signé en novembre 2015 au prix de 549 000 euros. Mme A, qui n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles le prix de mise en vente en 2014 aurait eu un quelconque lien avec le prix du marché immobilier local, qui ne justifie pas plus que le marché immobilier aixois aurait été extrêmement fluctuant au cours des années précitées et qui n'établit pas que les problèmes d'humidité ayant retardé les visites pendant plus de trois mois dont elle se prévaut justifieraient le délai de vente, a ainsi demandé un prix manifestement excessif, alors même qu'elle était en instance de divorce et souhaitait obtenir le meilleur prix de la vente de son bien, et n'a pas ramené dans un délai raisonnable le prix de cession souhaité au prix du marché.

Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner le motif tiré de ce que le bien a été mis en location partiellement dès 2014, Mme A... ne peut être regardée comme ayant accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien la vente dans les meilleurs délais, le délai pendant lequel le bien est demeuré inoccupé ne pouvant dès lors être regardé comme normal, lui faisant perdre sa qualité de résidence principale des cédants au jour de la cession. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'exonération de la plus-value réalisée lors de la cession, en application du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts. 

 

TL;DR

La Cour sanctionne ici une stratégie de prix manifestement déconnectée du marché, même si elle était motivée par le contexte personnel du divorce. L'arrêt rappelle également la nécessité pour le contribuable d'étayer précisément ses allégations relatives aux conditions du marché immobilier local et aux caractéristiques du bien. 

 

Cette décision nous invite à la prudence dans le conseil aux contribuables sur leurs stratégies de vente lorsqu'ils souhaitent bénéficier de l'exonération au titre de la résidence principale. Elle souligne l'importance d'une fixation réaliste du prix de vente initial et d'ajustements rapides en fonction du marché, particulièrement dans des contextes personnels complexes comme le divorce.

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Publié le jeudi 2 janvier 2025 par La rédaction

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