Le juge de l'impôt nous rappelle les conditions d'application de l'exonération d'impôt sur les plus-values immobilières au titre de la résidence principale. Cette décision, qui casse un arrêt d'appel, souligne que seule l'occupation effective du bien doit être prise en compte, à l'exclusion de l'intention du contribuable.
La résidence principale est le lieu où le contribuable réside habituellement et effectivement pendant la majeure partie de l’année, une utilisation temporaire d’un logement ne pouvant être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère, au jour de la cession, d’une résidence principale susceptible de bénéficier de l’exonération prévue à l’article 150 U-II-1° du CGI.
Rappel des faits :
M. D a acquis le 6 janvier 2014 un terrain, pour un montant de 100 000 € de la SARL P, société dans laquelle il est associé. Sur ce terrain, qui jouxte leur habitation principale, M. et Mme D ont fait construire une maison d’architecte, pour un montant justifié de 273 915,32 €, vendue le 26 juin 2015 au prix de 595 000 €. La plus-value immobilière de 321 000 € a été placée sous le régime d’exonération en faveur de la résidence principale. À l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause cette exonération dans le cadre d’un contrôle sur pièces et notifié le 21 juin 2017 au foyer fiscal les impositions en résultant, assorties d’une majoration de 10 %. Sur leur réclamation, l’administration fiscale a déchargé les contribuables de la majoration de 10 % qui leur avait été infligée.
À l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération d'imposition de la plus-value immobilière dont les contribuables estimaient pouvoir bénéficier au titre de cette cession, considérant que le bien ne constituait pas leur résidence principale.
Les contribuables ont contesté les impositions supplémentaires devant le TA d'Orléans, qui a rejeté leur demande par jugement du 29 mars 2021. La cour administrative d'appel de Versailles a ensuite rejeté leur appel par un arrêt du 11 avril 2023. C'est cet arrêt qui a fait l'objet du pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.
La Cour d'appel avait fait état de plusieurs éléments de faits :
- M.D exerce la profession de promoteur immobilier ;
- M.D a déjà réalisé plusieurs opérations immobilières à titre personnel en exonération d’imposition des plus-values immobilières ;
- M.D a fait construire sur la parcelle détachée du terrain d’assiette de son habitation, une maison neuve dont les travaux de construction ont commencés avec la déclaration d’ouverture de chantier le 17 mars 2014 ;
- Les époux D soutiennent qu’ils ont transféré leur résidence principale dans le bien construit, à compter du 1er novembre 2014, et que l’immeuble n’a pas perdu sa qualité de résidence principale du seul fait qu’ils ont libéré les lieux le 29 avril 2015, avant la date de la cession conclue le 26 juin 2015 ;
- la déclaration H1 déposée le 27 février 2015 mentionne une date d’achèvement des travaux au 17 janvier 2015 et le contrat de vente conclu le 26 juin 2015 mentionne que la déclaration d’achèvement et de conformité a été déposée le 2 juin 2015, avec des travaux de finition à achever au plus tard le 17 juillet 2015.
Concernant le faisceau d'indices permettant de déterminer si les conditions de l'exonération étaient remplies concernant le bien vendu, la Cour avait fait état :
- d''une assurance habitation souscrite le 1er novembre 2014 à cette adresse ;
- d'un avis d’échéance de TH de 2015 mentionnait cette même adresse comme leur résidence principale ;
- d'un contrat internet mentionnant une activation de box au 5 décembre 2014 ;
- de deux attestations rédigées pour les besoins de l’instance par les acquéreurs de la maison ;
- de consommations d’eau et d’électricité, également nécessaires aux opérations de construction compatibles avec les données de l’Insee sur la consommation moyenne des ménages ;
- du fait que le délai pendant lequel la maison est restée vacante, entre fin avril et juillet, pouvait être considéré comme normal,
Toutefois, elle a estimé que ces éléments ne permettaient pas de tenir pour établi le transfert de leur résidence principale dans le bien vendu d'autant qu'il a été mis en vente dès le mois de janvier 2015 et le compromis de vente signé dès le 31 mars 2015.
Pour la Cour, le service était fondé à considérer que les contribuables n’avaient pas eu l’intention de faire de l’immeuble qu’ils ont vendu leur habitation principale et à leur refuser, pour ce motif, le bénéfice de l’exonération prévue par les dispositions du 1° du II de l’article 150 U du CGI.
Le Conseil d'État censure cette approche, jugeant que la cour a commis une erreur de droit.
Selon la Haute juridiction, il revenait seulement à la cour...
...d'apprécier les conditions dans lesquelles ils avaient occupé effectivement ce bien
En d'autres termes, seule l'occupation effective du bien importe, et non l'intention qu'avaient les contribuables au moment de l'acquisition ou de la construction.
Cette décision conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.
TL;DR
Au cas particulier, on peut comprendre, à la lumière des faits, que l'administration comme le juge administratif ont voulu censurer un contribuable "marchand de biens" qui, semble-t-il, avait l'habitude de ce genre d'opération immobilière (construction/vente) et qui avait déjà bénéficié de l'exonération résidence principal.
Toutefois, la haute juridiction administrative reaffirme clairement la primauté du critère objectif d'occupation effective sur tout élément subjectif d'intention. L'exonération de la résidence principale doit s'apprécier sur la base de faits matériels d'occupation (et d'un faisceau d'indices) et non sur des éléments d'intention qui, par nature, peuvent donner lieu à des appréciations divergentes.