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Impôt sur le revenu

Les bénéfices reconstitués d'une société ne peuvent être automatiquement considérés comme des revenus distribués à l'associé unique

Le juge de l'impôt nous rappelle les limites du pouvoir de l'administration fiscale en matière de qualification des revenus distribués, notamment lorsqu'elle souhaite imposer entre les mains d'un contribuable les bénéfices reconstitués d'une société dont il est l'associé unique. 

 

Pour mémoire, en matière procédurale, l'article L. 12 du LPF encadre la durée de l'ESFP, limitée en principe à un an, mais pouvant être prorogée dans certaines circonstances, notamment lorsque le contribuable tarde à produire les relevés de comptes demandés ou lorsque l'administration doit obtenir des renseignements auprès d'autorités étrangères. L'article L. 50 du LPF interdit à l'administration, après avoir mené un ESFP, de procéder à de nouvelles rectifications pour la même période et le même impôt, sauf exceptions limitativement énumérées, notamment lorsque le contribuable a fourni des éléments incomplets ou inexacts ou dans les cas prévus aux articles L. 188 A et L. 188 B du LPF.

 

Sur le fond, l'article 109-2° du CGI qualifie de revenus distribués

toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices

 

tandis que l'article 111-c  du CGI considère comme revenus distribués "les rémunérations et avantages occultes" c'est-à-dire les rémunérations qui ne sont pas régulièrement comptabilisées ou qui correspondent à des charges non déductibles.

 

Rappel des faits :

M. B, associé unique et dirigeant des sociétés HJSF et CJ, a fait l'objet d'un ESFP portant sur les années 2014 et 2015. L'administration fiscale a découvert qu'il détenait un compte bancaire non déclaré en Suisse, ce qui l'a conduite à solliciter l'assistance des autorités suisses.

À l'issue de la procédure, M. B a été destinataire de deux propositions de rectification : la première le 26 décembre 2017, puis une seconde le 3 octobre 2018. Cette dernière intégrait notamment dans son revenu imposable des sommes qualifiées de revenus distribués par les sociétés qu'il contrôlait.

Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2015, majorées de pénalités, ont été mises en recouvrement le 31 janvier 2019 pour un montant total de 178 327 euros.

Après plusieurs réclamations successivement rejetées par l'administration, M. B a saisi le TA de Caen qui, par un jugement du 15 mars 2024, a rejeté sa demande de décharge.

 

M. B a alors formé un appel devant la Cour administrative d'appel de Nantes.

 

Sur le fond, M. B

  • conteste la qualification de revenus d'origine indéterminée attribuée à trois crédits bancaires d'un montant total de 11 000 €, affirmant qu'ils correspondaient à une vente de matériel d'occasion relevant des bénéfices industriels et commerciaux.
  • concernant les virements provenant de la société CJ (38 900 €), qualifiés par l'administration de revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1-2° du CGI, il soutient qu'ils correspondent à des remboursements de frais et des versements de rémunérations.
  • s'agissant de la somme de 107 262 € imposée comme revenus distribués provenant de la société HJSF, il estime que l'administration ne peut, en l'absence de vérification de comptabilité de cette société, imposer cette somme en tant que revenus distribués, arguant d'un détournement de procédure.

L'administration considère de son côté que les trois crédits bancaires de 11 000€, les virements de 38 900 € de la société CJ, et les 107 262 € correspondant au bénéfice reconstitué de la société HJSF constituaient des revenus imposables entre les mains de M. B.

 

La Cour administrative d'appel de Nantes a validé l'essentiel de la procédure suivie par l'administration, mais a partiellement donné raison au contribuable sur le fond.

 

Sur le bien-fondé des impositions, la Cour confirme que la charge de la preuve incombait au contribuable, les impositions ayant été établies d'office conformément aux articles L. 66 et L. 67 du LPF.

  • Concernant les revenus d'origine indéterminée (11 000 €), la Cour considère que M. B n'a pas apporté la preuve de leur qualification en BIC, en l'absence de concordance entre le montant de la facture produite (2 500 €) et la somme en litige.
  • S'agissant des virements provenant de la société CJ (38 900 €), la Cour maintient leur qualification de revenus distribués au sens de l'article 109-1-2° du CGI, M. B n'ayant produit aucun élément établissant qu'il s'agit de remboursements de frais ou de rémunérations.

En revanche, concernant les 107 262 € correspondant au bénéfice reconstitué de la société HJSF, la Cour a donné raison au contribuable, considérant que...

...les bénéfices reconstitués à raison de l'activité d'une société ne peuvent, de ce seul fait, être regardés comme distribués au maître de l'affaire sur le fondement du c) de l'article 111 du CGI, en l'absence d'opérations individualisées et identifiables en comptabilité à même d'établir l'existence d'une rémunération ou d'un avantage occulte

Autrement dit, s'agissant de la qualification des revenus distribués occultes au sens de l'article 111-c du CGI : les bénéfices reconstitués d'une société ne peuvent être automatiquement considérés comme des revenus distribués à l'associé unique, même s'il est le "maître de l'affaire". L'administration doit identifier des opérations individualisées et identifiables en comptabilité permettant d'établir l'existence d'une rémunération ou d'un avantage occulte.

 

Cette position limite le pouvoir de l'administration fiscale en matière de requalification des bénéfices non déclarés d'une société en revenus distribués occultes.

Publié le jeudi 10 avril 2025 par La rédaction

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