La juridiction administrative vient de rendre une nouvelle décision en matière d'exonération de plus-value immobilière au titre de la résidence principale par laquelle elle rappelle que le délai d'inoccupation entre le départ du bien mis en vente et la vente définitive peut être supérieur au "délai normal" de douze mois prévu par la doctrine dès lors que le cédant apporte la preuve qu'il a accompli toutes les diligences pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais.
Conformément aux dispositions de l’article 150 U-II-1 du code général des impôts (CGI), les plus-values réalisées lors de la cession du logement qui constitue la résidence principale du cédant au jour de la cession sont exonérées d’impôt sur le revenu et, par suite, de prélèvements sociaux.
Par suite, l’exonération ne s’applique notamment pas aux cessions portant sur des immeubles qui, au jour de la cession, sont donnés en location, sont occupés gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers ou sont devenus vacants. Toutefois, à titre d’assouplissement l’administration admet :
lorsque l’immeuble a été occupé par le cédant jusqu’à sa mise en vente, que l’exonération reste acquise si la cession intervient dans des délais normaux et sous réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers.
Aucun délai maximum pour la réalisation de la cession ne peut être fixé a priori. Il convient donc sur ce point de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation , y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal.
Dans un contexte économique normal, un délai d’une année constitue en principe le délai maximal. Cependant, l’appréciation du délai normal de vente est une question de fait qui s’apprécie au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération, notamment des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé et des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien (annonces dans la presse, démarches auprès d’agences immobilières, etc.).» [BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20150812]
Rappel des faits :
M. et Mme D ont mis leur résidence principale en vente le 21 mars 2014, confiant pour ce faire un mandat d’exclusivité à l’agence G pour un prix de base de 2 500 000 € soit un prix net vendeur de 2 360 000 €. Ils sont partis au Canada au cours du mois d’août 2015, tout d’abord pour s’y installer provisoirement puis, définitivement. Ce premier mandat a été dénoncé le 11 décembre 2015, et un nouveau mandat sans exclusivité a été signé le même jour au profit de l’agence P, pour un prix net vendeur de 2 300 000 €. Un troisième mandat exclusif a été signé le 9 février 2016, pour une durée de 15 mois, à l’agence GP, pour un prix de base de 2 120 000 € et un prix net vendeur de 2 000 000 €s. Le 9 septembre 2016, un mandat de vente sans exclusivité, courant jusqu’au 9 octobre 2016, a été consenti à l’agence M au prix net vendeur de 2 100 000 €. Enfin, par un mandat de vente sans exclusivité du 18 mai 2017, M. et Mme D ont confié la vente de leur maison à S, pour un prix de vente de 2 200 000€. La vente a finalement été conclue le 16 mars 2018 pour un prix de 1 750 000 €.
Les époux D ont été imposés au titre de la plus-value immobilière réalisée lors de cette vente. Ils ont présenté, le 5 novembre 2019 une réclamation visant à obtenir le dégrèvement partiel des droits payés, au motif qu’une partie de ce bien était affectée à leur résidence principale. Cette réclamation a fait l’objet d’une décision de rejet prononcée le 24 août 2020.
Les services fiscaux ont fait valoir que le délai de cession du bien excède largement la durée normale de vente, dans la mesure où trente-deux mois se sont écoulés entre la date du déménagement dont il est fait état sur la déclaration des revenus 2015 (1er août 2015) et la date de la vente (16 mars 2018).
M. et Mme D ont demandé demandent au tribunal de leur accorder la décharge des impositions mises à leur charge à concurrence de la partie du bien immobilier qui constituait leur résidence principale, soit la somme de 151 546 €.
Le tribunal administratif de Nîmes vient de faire droit à leur demande.
Pour rejeter la demande des époux D, l'administration avait fait valoir :
- que les démarches pour trouver un acquéreur ont été suspendues entre le 9 octobre 2016 et le 18 mai 2017, alors que les requérants justifient que le mandat signé le 9 février 2016 était valable pour une durée de 15 mois, soit jusqu’au 9 mai 2017.
- qu’au regard des prix figurant sur les différents mandats, le prix souhaité par les époux D était sans doute trop élevé, la vente ayant été conclue au final moyennant un prix de 1 750 000€.
Rappelons que ce fameux délai normal de 12 mois peut être étendu, si les contribuables apportent la preuve qu'ils ont accompli toutes les diligences pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu (Le fait d'avoir mis son bien en vente dans plusieurs agences, le fait de réevaluer à la baise le prix en cas de mévente...) De même, les motifs de la cession, les caractéristiques de l’immeuble et le contexte économique et réglementaire local peuvent jouer au bénéfice des cédants.
Au cas particulier, le Tribunal a considéré que les époux D avaient accompli les diligences nécessaires à la vente dans les meilleurs délais possibles et pouvaient donc bénéficier de l'exonération "résidence principale" quand bien-même la vente de leur maison d’habitation est intervenue plus de deux ans après leur départ pour le Canada. Pour ce faire, le tribunal a tenu compte :
- du nombre et de la continuité des mandats consentis,
- d’une mise en vente dès le mois de mars 2014, soit avant leur départ,
- des offres d’achat reçues en janvier 2015 et décembre 2016
- de la valeur et des spécificités de leur bien, lequel s’adressait nécessairement à une clientèle restreinte.
Le délai pendant lequel cet immeuble est resté inoccupé doit donc être regardé dans les circonstances très particulières de l’espèce comme normal et ce bien ne peut dès lors pas être regardé comme ayant perdu sa qualité de résidence principale au jour de la cession pour l’application des dispositions précitées.
Sur le même sujet :
- Plus-value immobilière : seize mois d'inoccupation ne font pas échec à l'exonération "résidence principale" - CAA de Bordeaux du 6 Mai 2021, n° 19BX04551
- Plus-value, résidence principale et délai normal de vente : tout est affaire de circonstances - CAA de Marseille du 16 Février 2021, n°19MA04636
- Plus-value immobilière : 16 mois d’inoccupation de l’immeuble vendu ne font pas échec à l'exonération résidence principale - CAA de Paris du 13 Juin 2019, n° 18PA01605
- Plus-value immobilière : l'exonération «résidence principale» s'applique en dépit d'un délai d'inoccupation de 28 mois - CAA de Douai du 10 Avril 2018, n°16DA01239
- Résidence principale : 22 mois entre la mise en vente et la vente ne font pas échec à l'exonération de plus-value - CAA de Paris du 3 mai 2017, n°16PA03412
Eu égard aux circonstances de la vente (cession après expatriation au Canada) rappelons que l'article 244 bis A-I-1 du CGI, dans sa rédaction issue de l'article 43 de la loi de finances pour 2019, prévoit une exonération de la plus-value réalisée au titre de la cession de l'immeuble qui constituait la résidence principale en France du cédant à la date du transfert de son domicile fiscal hors de France dans un État membre de l'UE ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, et qui n’est pas un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI.
Cette exonération s'applique à la double condition que :
- la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France ;
- l'immeuble n'ait pas été mis à la disposition de tiers, à titre gratuit ou onéreux, entre ce transfert et la cession.