Cette décision s'inscrit dans une approche restrictive des exonérations fiscales, tout en rappelant l'importance d'une documentation solide tant pour l'employeur que pour le salarié dans le cadre des transactions de rupture.
L'article 80 duodecies du CGI, issu du I de l'article 3 de la LF pour 2000, fixe le régime au regard de l'impôt sur le revenu des indemnités de rupture du contrat de travail ou du mandat social.
Ce régime est applicable aux indemnités perçues depuis le 1er janvier 1999. Auparavant, le régime au regard de l'impôt sur le revenu des indemnités de rupture du contrat de travail ou de mandat social n'était pas défini par la loi mais reposait sur l'application au cas par cas d'un principe général selon lequel toutes les sommes versées à un salarié ou à un mandataire social à l'occasion de la rupture du contrat étaient imposables dans la mesure où elles ne réparaient pas un préjudice, notamment d'ordre moral ou professionnel, distinct de celui résultant pour les intéressés de la seule perte de leur rémunération.
L'article 80 duodecies du CGI pose désormais le principe de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu de l'ensemble des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou du mandat social.
Toutefois, lorsqu’un licenciement est reconnu comme dépourvu de cause réelle et sérieuse (au titre des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail) les indemnités correspondantes peuvent bénéficier d’une exonération fiscale.
Pour qu’une indemnité soit qualifiée d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (et donc exonérée en application de l’article 80 duodecies-1° du CGI), il appartient au juge de déterminer, au vu de l’ensemble de l’instruction, si la rupture des relations de travail revêt bien le caractère d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En l’espèce, cette qualification se fonde sur l’examen des faits et des éléments de preuve produits par les parties.
Rappel des faits :
M. A, qui occupait le poste de directeur de l’expansion pour la France au sein de la société C, a été licencié par lettre en date du 30 novembre 2017. Un protocole transactionnel a été signé le 27 décembre 2017, par lequel l’employeur s’est engagé à verser à M. A... une indemnité totale de 446 651 €, dont 346 651 € ont été versés au jour de la signature et 100 000 € ultérieurement.
L'administration fiscale a partiellement imposé l'indemnité de 2017, accordant une exonération à hauteur de 235 368 €. M. A conteste l’imposition de l’indemnité perçue en 2017, en soutenant que celle-ci devait être exonérée au titre du 1° de l’article 80 duodecies du CGI, dès lors qu’elle était destinée à compenser un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le Tribunal administratif de Paris a rejeté son recours en mai 2023, décision dont il a fait appel.
M.A soutient que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, faisant valoir :
- qu'il s'inscrivait dans une "épuration" des cadres dirigeants suite à l'arrivée d'un nouveau directeur général
- qu'il n'avait pas pu critiquer la nouvelle stratégie puisqu'il n'en aurait eu connaissance que par voie de presse après son licenciement
- qu'il avait été mis en dispense d'activité dès sa convocation à l'entretien préalable
La Cour vient de rejeter la requête de M.A
Elle rappelle d'abord le principe général selon lequel toute indemnité de rupture est imposable, sauf exceptions limitativement énumérées par la loi, notamment les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ensuite, elle pose la règle méthodologique : l'administration et le juge doivent rechercher la qualification réelle des sommes versées, au-delà de leur qualification formelle dans la transaction.
Le point central de l'arrêt réside dans l'analyse des preuves apportées par le contribuable. La Cour a examiné les documents relatifs au licenciement :
- la lettre de convocation à l'entretien préalable
- et le protocole transactionnel.
Pour la Cour, ces documents font apparaître des motifs cohérents de licenciement liés à une opposition persistante du directeur aux nouvelles orientations stratégiques du groupe.
Face à ces éléments, le contribuable a avancé une thèse d'épuration des cadres dirigeants suite à un changement de direction. Toutefois, la Cour a considéré que cette allégation, uniquement étayée par des articles de presse, était insuffisante pour démontrer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Elle souligne notamment l'absence de témoignages qui auraient pu corroborer cette version.
Il appartient au contribuable qui revendique l'exonération de démontrer, par des éléments probants et circonstanciés, que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Des articles de presse généralistes et des affirmations non étayées ne suffisent pas à renverser la présomption d'imposition.