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Le faisceau d'indices au service de la caractérisation de l'assujettissement à la TVA d'une société civile

Nouvelle illustration des enjeux relatifs à l’assujettissement à la TVA des sociétés civiles exerçant des activités immobilières. L'arrêt abordé dans cet article met en lumière les critères d’habitude et d’intention spéculative nécessaires pour qualifier une société civilke de professionnel de l’immobilier, entraînant ainsi son assujettissement à la taxe susvisée et, nous rappelle  l'importance du faisceau d'indices dans la caractérisation de l'activité économique.

 

Depuis la réforme du régime de la la « TVA immobilière » seules les opérations immobilières réalisées dans le cadre d’une activité économique ont vocation à entrer dans le champ d’application de la TVA. Autrement dit, seules les opérations réalisées par des assujettis agissant en tant que tel sont soumis à TVA. Sont non seulement visés, les professionnels de l’immobilier, mais également tous les autres assujettis, qui sans être des professionnels du secteur, peuvent être amenés a réaliser des opérations portant sur des immeubles.

 

La notion d’assujetti est définie par l’article 256 A du CGI par référence à l’exercice indépendant d’une « activité économique », c’est-à-dire, toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, et notamment l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. 

 

En principe, dans le cadre d’une vente immobilière l’administration doit opérer en suivant une double démarche :

  • elle doit vérifier si le vendeur est un assujetti à la TVA ;
  • en cas de réponse positive elle doit vérifier si le vendeur agit en tant qu’assujetti au titre de l’opération.

L’administration a toutefois prévu des tempéraments. En effet, si un assujetti est présumé agir en tant que tel, toutes les opérations réalisées par un assujetti ne constituent pas obligatoirement une activité économique au sens de l’article 256 du CGI. Ainsi, un assujetti peut renverser la présomption qui pèse sur lui en apportant la preuve que l’opération contestée s’inscrit dans une pure démarche patrimoniale.

 

Ces dispositions doivent être lues en parallèle avec l'article 35-I-1° du CGI qui qualifie de BIC les profits résultant d'opérations habituelles d'achat-revente immobilière. La jurisprudence a établi que l'application de ces textes nécessite la réunion de deux conditions cumulatives : le caractère habituel des opérations et l'existence d'une intention spéculative, cette dernière devant être appréciée à la date d'acquisition des biens.

 

Rappel des faits :

La société civile R, initialement une société de holding, a étendu son activité à l’immobilier à partir de 2013. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité couvrant la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017. Le contrôle a abouti à la remise en cause du régime TVA de deux opérations de vente réalisées en 2015 : une première vente le 27 février 2015 portant sur un logement et son parking, suivie d'une seconde le 27 mars 2015 concernant un logement et deux parkings. Ces biens provenaient d'une attribution consécutive à la dissolution de la société PV, dans laquelle R était associée. Le redressement s'est traduit par un rappel de TVA de 60 833 €, assortis d’intérêts de retard de 8 638 €. Contestant ces rappels, la société R a engagé une procédure en justice, alléguant notamment l’absence d’intention spéculative lors de l’acquisition des biens et le caractère non habituel de ses opérations, ce qui, selon elle, la dispenserait de l’assujettissement à la TVA.

Initialement, le TA de Nîmes avait rendu une ordonnance le 17 juin 2022, reconnaissant la qualité d’assujetti de Rodige et procédant à des rappels de TVA. Cette décision a été annulée par la CAA de Toulouse le 1er décembre 2022.

La société R, a formé un recours devant le même TA de Nîmes, cherchant à obtenir l’annulation des rappels de TVA et la décharge des intérêts de retard.

 

Sur le fond, R conteste son assujettissement à la TVA en se prévalant :

  • de l'absence d'intention spéculative lors de l'acquisition, attestée selon elle par la mise en location immédiate des biens ;
  • de la nature patrimoniale et non commerciale de sa démarche ;
  • de l'existence d'un besoin urgent de trésorerie justifiant les ventes ;
  • de l'impossibilité de caractériser une habitude à partir des seules opérations antérieures aux ventes litigieuses ;
  • de l'incohérence du traitement fiscal, la vente similaire réalisée en 2014 n'ayant pas été soumise à TVA.

L'administration fiscale, de son côté, s'appuie sur un faisceau d'indices convergents :

  • la fréquence des opérations (quatre acquisitions et six reventes entre 2012 et 2017) ;
  • le profil des associés, notamment la présence d'un promoteur immobilier ;
  • le montage juridique complexe révélant une intention spéculative (rachat de parts pour un euro symbolique suivi de reventes importantes) ;
  • l'acquisition ultérieure de biens sous le régime des marchands de biens ;
  • l'absence de tentative de relouer après le départ des locataires.

 

Le TA de Nîmes, dans son arrêt, a rejeté la requête de R, confirmant ainsi la décision initiale de l’administration fiscale.

 

Sur le fond, le tribunal retient tant le caractère habituel que l'intention spéculative :

  • Pour le caractère habituel, il valide la méthode d'appréciation globale de l'administration, prenant en compte les opérations antérieures et postérieures à la période vérifiée
  • Concernant l'intention spéculative, il s'appuie sur plusieurs éléments probants :
    • le montage juridique sophistiqué,
    • la présence d'associés communs aux différentes structures,
    • la participation d'un promoteur immobilier,
    • et surtout la plus-value significative réalisée (525 000 € pour un investissement initial de 335 072 €)

Le tribunal écarte les arguments de la société :

  • La mise en location temporaire n'exclut pas l'intention spéculative initiale
  • L'argument du besoin de trésorerie n'est pas étayé par des éléments probants
  • Le traitement fiscal différent de la vente de 2014 s'explique par les limites temporelles du contrôle
 

Publié le mardi 28 janvier 2025 par La rédaction

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