Le juge de l'impôt réaffirme que le droit à restitution d'une TVA indûment collectée, même lorsque son principe est acquis au regard du droit de l'Union européenne, est strictement conditionné par la neutralisation préalable du risque de perte de recettes pour l'État.
Le litige s'inscrit dans le sillage de l'arrêt Baštová (C-432/15) de la CJUE, qui a, le 10 ,novembre 2016, clarifié le régime TVA applicable aux courses hippiques. Cette décision avait établi que la mise à disposition d'un cheval par son propriétaire pour participer à une course ne constituait une prestation de services à titre onéreux, au sens de la directive 2006/112/CE, que si elle donne lieu au versement d'une rémunération indépendante du classement du cheval. A contrario, la simple perception d'un prix en fonction du classement ne caractérise pas une telle prestation.
Cette jurisprudence européenne entrait directement en conflit avec les dispositions de l'article 257-III-4° du CGI qui ont été abrogées par l'article 52 de la LF pour 2025. Bercy a commenté cet aménagement lors d'une mise à jour en date du 3 juin 2021.
Parallèlement, l'article 283-3 du CGI pose comme principe que toute personne qui mentionne la TVA sur une facture devient redevable de cette taxe du seul fait de sa facturation, indépendamment de toute autre considération.
Rappel des faits :
L'EURL RM exerce une activité d'élevage et d'entraînement de chevaux de course. Au titre de l'année 2019, elle a collecté et versé 60 775 € de TVA sur les gains perçus lors des courses. Se fondant sur cette jurisprudence communautaire sus-visée L'EURL RM a demandé le remboursement de crédits de TVA. En première instance, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande en lui accordant le remboursement d'un crédit de TVA de 417 000 €.
Le ministre des Finances a fait appel de la décision
👉 Il se prévaut de l'article 283 du CGI et fait valoir que la TVA litigieuse a été régulièrement facturée par la société et qu'en l'absence de factures rectificatives ou de toute mesure de régularisation auprès de cette entité, la taxe demeurait due selon le droit français, indépendamment de l'incompatibilité des dispositions nationales avec la directive européenne.
👉 De son côté, L'EURL RM se fonde sur la primauté du droit européen. Elle soutient que les articles 272 et 283 du CGI ne peuvent faire obstacle à une restitution dès lors que la TVA avait été perçue en application d'une norme contraire au droit de l'Union européenne.
La Cour administrative d'appel de Marseille s'est rangée du côté de l'administration fiscale et a annulé la décision des juges du fond.
En premier lieu, la Cour a reconnu expressément l'incompatibilité des dispositions nationales avec le droit européen
Elle rappelle que l'arrêt Baštová a établi que les gains de course ne constituent pas une prestation de services à titre onéreux et que, par conséquent, les dispositions de l'article 257-III-4° du CGI du CGI étaient incompatibles avec la directive européenne.
Le revirement jurisprudentiel s'opère cependant par l'application du principe de neutralité de la TVA
La Cour s'appuie sur la jurisprudence européenne consolidée, notamment les arrêts Genius Holding et Stadeco, qui établissent que si une taxe indûment facturée peut être régularisée, les États conservent la faculté d'adopter des mesures préventives pour assurer l'exacte perception fiscale et éviter la fraude.
Le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée due dans cet État membre du seul fait qu’elle est mentionnée par erreur sur la facture envoyée à la condition que l’assujetti ait envoyé au bénéficiaire des services effectués une facture rectifiée ne mentionnant pas ladite taxe, si cet assujetti n’a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de perte de recettes fiscales - Arrêt de la Cour du 18 juin 2009; Affaire C-566/07.
Or, au cas particulier, la Cour fait valoir que l'EURL RM n'avait entrepris aucune démarche de régularisation concernant la TVA indûment facturée. Pour le juge, cette inaction créait un risque manifeste de perte de recettes fiscales, la société émettrice conservant la possibilité de déduire la TVA correspondante.
Partant, pour la Cour en l'absence de neutralisation du risque pour le Trésor public, l'administration était fondée à se prévaloir de l'article 283-3
du CGI pour refuser la restitution. Le fait que la taxe ait été collectée en application d'une réglementation nationale incompatible avec le droit de l'Union est sans incidence sur l'application de ce mécanisme de sauvegarde.
TL;DR
Dans tous les cas de figure où une TVA a été facturée à tort à un autre assujetti, la demande de restitution doit impérativement être précédée d'une phase de régularisation via l'émission de factures rectificatives.