Nouvelle décision relative à l'assujettissement à la taxe sur les salaires des rémunérations des dirigeants de sociétés holdings mixtes qui nous rappelle les conditions d'application de l'article 231 du CGI, et la difficulté à renverser la présomption d'immixtion de ces mandataires sociaux dans le secteur financier, même en présence de clauses statutaires limitatives de pouvoirs.
Pour mémoire, les holdings mixtes, qui exercent à la fois une activité de prestations de services soumise à la TVA (secteur opérationnel) et une activité de gestion de participations hors champ ou exonérée (secteur financier), sont redevables de la taxe sur les salaires lorsque leur assujettissement à la TVA est inférieur à 90 % de leur chiffre d'affaires.
S'agissant de l'assiette de la taxe, si les rémunérations des salariés affectés exclusivement à un secteur suivent le sort de ce dernier, celles des personnels affectés aux deux secteurs ou relevant de fonctions transversales sont soumises à la taxe selon le rapport d'assujettissement général de l'entreprise.
La jurisprudence administrative considère que les mandataires sociaux, tels que le président et le directeur général d'une SAS, sont présumés, de par la généralité de leurs attributions légales, participer à la gestion de l'ensemble des secteurs de l'entreprise, y compris le secteur financier.
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Pour échapper à cette imposition, la société doit apporter la preuve que le dirigeant est dépourvu de tout contrôle et responsabilité dans le secteur financier.
Rappel des faits :
La SAS K holding mixte, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2018 à 2020. L'administration fiscale a remis en cause l'affectation exclusive de la rémunération de la DG au secteur opérationnel soumis à la TVA et a, par conséquent, soumis cette rémunération à la taxe sur les salaires à hauteur du rapport d'assujettissement général.
La société, après avoir vu sa réclamation rejetée, a saisi le Tribunal administratif de Rennes qui a confirmé la position de l'administration par un jugement du 15 janvier 2025.
La société a fait appel de la décision :
- Pour soutenir que la rémunération de sa DG devait échapper à la taxe sur les salaires, SAS K fait valoir que cette dernière, initialement recrutée pour des fonctions administratives et comptables, voyait ses pouvoirs statutairement limités à la gestion des prestations fournies aux filiales. La société soutenait que seul le président détenait le pouvoir décisionnel sur les opérations financières (distributions de dividendes, gestion des titres), la DG étant, selon les statuts, subordonnée à l'accord préalable de ce dernier pour tout acte de nature financière.
Autrement dit, pour la société, cette nécessité d'obtenir un aval présidentiel privait la DG de toute autonomie et, partant, de toute responsabilité dans le secteur financier.
La Cour administrative d'appel de Nantes vient de rejeter la requête de SAS K
La Cour a d'abord rappelé le principe selon lequel les fonctions de direction générale conféraient, en vertu du Code de commerce, les pouvoirs les plus étendus, s'étendant par principe au secteur financier d'une holding. Puis elle a précisé que si cette présomption était réfragable, la preuve contraire exigeait de démontrer que le dirigeant était totalement dépourvu d'attributions dans ce secteur.
Or, au cas particulier, les statuts de la SAS K ne permettait pas, selon la Cour, d'apporter la preuve contraire.
6. Il résulte de l'instruction et notamment de l'article 17 des statuts de la SAS Kolibri Hospitality que les directeurs généraux, désignés par décision collective ordinaire des associés, ont les mêmes pouvoirs que ceux attribués au président de la société, à l'exclusion, d'une part, des pouvoirs propres consentis à celui-ci par les autres articles et, d'autre part, du pouvoir de provoquer les décisions collectives. En outre , ce même article impose aux directeurs généraux de recueillir l'accord préalable et écrit du président et/ou, selon les dispositions statutaires applicables, de l'assemblée générale des actionnaires s'agissant de certains types de décisions dont certaines relevant du domaine financier de la société telles que prise, augmentation ou cession de participation dans toute société ou groupement, achat, échange ou vente d'immeubles ou de droits immobiliers, investissements mobiliers ou immobiliers non prévus dans les comptes prévisionnels, cession de fonds de commerce et/ou des actifs immobilisés de la société Kolibri Hospitality et/ou de ses filiales. Contrairement à ce que soutient la société Kolibri Hospitality, il résulte ainsi des documents relatifs à son organisation qu'elle-même produit que les directeurs généraux, s'ils sont tenus à une obligation d'accord préalable du président, ne sont pas dépourvus de tout contrôle et responsabilité et ainsi d'attributions dans le secteur financier. Par suite, c'est à bon droit que les rémunérations de Mme A... épouse B... ont été incluses dans l'assiette de la taxe sur les salaires.
La Cour a ainsi relevé :
- que l'article 17 des statuts conférait aux DG les mêmes pouvoirs que ceux du président, sous réserve de certaines limitations ;
- que l'obligation faite au DG de recueillir l'accord préalable et écrit du président pour des décisions financières (prises de participation, cessions, investissements) ne constituait pas une absence de pouvoir ;
- que cette dernière clause démontrait que le DG avait vocation à intervenir dans le secteur financier, fut-ce sous surveillance ou avec une validation hiérarchique.
Partant, pour la Cour la directrice générale ne pouvait être regardée comme étant « dépourvue de tout contrôle et responsabilité » dans le secteur financier.
Pour qu'un dirigeant de droit (DG ou DGD) soit exclu de l'assiette de la taxe sur les salaires afférente au secteur financier, il ne suffit pas que son pouvoir soit partagé ou limité ; il faut qu'il soit juridiquement inexistant en la matière.
Or, la nature même du mandat social de direction générale, qui implique une représentation de la société envers les tiers, rend cette démonstration souvent difficile.