La Loi de finances 2022 votée en décembre dernier comporte quelques nouveautés en matière de fiscalité de l’innovation. Hélas, il n’est pas encore possible d’en mesurer la portée : avec la documentation disponible à ce jour, il est impossible d’appréhender les contours précis de ces nouvelles mesures. Ce qui est déjà clair en revanche, c’est que ces nouvelles dispositions n’auront pas de portée significative pour les entreprises
Voici quelques points de réflexions…
-
1. Nous pourrions nous réjouir de la création d’un nouveau crédit d’impôt, le crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative (CICO), en cela qu’il laisse espérer qu’il viendra compenser la suppression du doublement des dépenses faites auprès des organismes publics prises en compte dans le calcul du CIR, suppression instaurée par la Loi de Finances 2021 et applicable au 1er janvier 2022.
Or, quand on regarde de plus près le texte, on en est beaucoup moins sûr !
Tout d’abord, cette compensation ne serait que partielle puisque le taux de ce nouveau CICo est de 40 % (50 % pour les PME), alors que la compensation ne serait totale qu’avec un taux de 60 %. Autres interrogations : Ce nouveau crédit d’impôt concerne les dépenses facturées aux entreprises par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances (ORDC) dans le cadre d’un contrat de collaboration conclu entre le 1/1/2022 et le 31/12/2025 :
mais qui sont ces ORDC ? - La liste en sera-t-elle établie par décret ? - Quand ?
Il est également dit que ce contrat de collaboration doit prévoir la facturation des dépenses de recherche par les ORDC à leur « coût de revient » :
-
que signifie cela d’un point de vue comptable ?
-
Comment, dans la pratique, ces ORDC factureront-ils au coût de revient ?
Un nouveau crédit d’impôt qui ne compense pas - ou très partiellement - la suppression du dédoublement des dépenses auprès des organismes publics, un label ORDC dont on ne possède pas la définition précise, la contrainte d’une facturation au coût de revient difficile à mettre en pratique… : cette mesure autour de la création d’un CICO reste à ce jour très nébuleuse.
-
2. Autre nouveauté de la Loi de Finances 2022 : l’évolution du mode de calcul du Crédit d’Impôt Innovation (CII).
Cette mesure supprimera, pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2023, la majoration forfaitaire de 43% (sur la masse salariale) et celle de 75% (sur la dotation aux amortissements) en les remplaçant par une majoration de 50% du taux de calcul du CII (qui passe de 20 % à 30 %) : cela signifie que globalement cette mesure n’aura pas d’effet significatif sur les montants reçus par les entreprises ; un nouveau mode de calcul pour un résultat neutre ou presque !
Quel est l’intérêt d’une mesure sans effet monétaire qui va finalement aboutir à compliquer les choses en imposant de différencier le mode de calcul du CII et celui du CIR (puisque le CIR continue de bénéficier des majorations de 43% et de 75%) ?
Uniquement l’effet d’annonce qui permettra de dire que le taux du CII a enfin été aligné sur le taux du CIR, à 30 % !
-
3. Enfin, la Loi prévoit également l’allongement de la durée du statut Jeune Entreprise Innovante (JEI) de 8 à 11 ans
Nous pourrions là encore nous réjouir de cet allongement. Les entreprises peuvent désormais bénéficier du statut JEI pour une durée supplémentaire de 3 ans : quelle bonne nouvelle !
Mais de nouveau, la lecture précise de la loi est une déception : le prolongement de 3 ans ne s’applique qu’au volet fiscal du statut JEI et non à son volet social alors que dans la quasi-totalité des cas, les entreprises ne profitent que du volet social.
Le volet fiscal correspond en effet à une exonération d’impôt sur les sociétés (IS), or les jeunes entreprises ne payent souvent pas d’IS les premières années parce qu’elles sont déficitaires, ou parce qu’elles bénéficient des reports déficitaires.
Ainsi le principal intérêt du statut JEI pour les entreprises est son volet social, qui prévoit une exonération d’environ les 2/3 des charges sociales auxquelles elles sont assujetties.
Or, la Loi de Finances 2022 ne prévoit pas, pour le moment, le prolongement du volet social du statut JEI : ce volet social nécessiterait que soit adoptée une mesure de coordination avec l’article 131 de la Loi de Finances pour 2004.
Peut-être sera-t-elle votée, mais dans l’intervalle cette troisième mesure de la Loi de Finances 2022 est décevante car pratiquement sans effet concret pour les entreprises.
L’ensemble de ces mesures liées à la fiscalité de l’innovation (CIR, CII, CICo, JEI) ont donc été adoptées définitivement en décembre dernier dans la Loi de Finances 2022. Espérons qu’elles soient prochainement suivies des précisions indispensables à leur mise en pratique.