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Contrôle et contentieux

Acte anormal de gestion et cession de titres en exécution d'une promesse de vente : quand les contreparties justifient un prix minoré

Le juge de l'impôt nous confirme qu'une cession de titres à un prix significativement inférieur à leur valeur vénale peut échapper à la qualification d'acte anormal de gestion lorsqu'elle s'inscrit dans l'exécution d'un engagement antérieurement contracté dans l'intérêt propre de l'entreprise.

 

En vertu des articles 38 et 209 du CGI, le bénéfice imposable d'une entreprise est celui qui résulte des opérations faites dans le cadre d'une gestion normale.

 

Une opération étrangère à une gestion normale, ou acte anormal de gestion, est un acte par lequel une entreprise s'appauvrit à des fins étrangères à son propre intérêt.

 

L'administration fiscale, sans se prononcer sur l'opportunité d'un choix de gestion, peut redresser un contribuable si elle démontre l'existence d'une libéralité, c'est-à-dire d'un appauvrissement sans contrepartie. Dans le cas spécifique de la cession d'un actif immobilisé, l'administration doit prouver que le prix de cession est significativement inférieur à la valeur vénale du bien à la date de l'opération. L'entreprise peut alors se justifier en apportant la preuve que l'appauvrissement a été décidé dans son intérêt, soit par la nécessité de la cession à ce prix, soit par l'existence d'une contrepartie.

 

La jurisprudence est constante sur ce point. Mais la situation se complexifie lorsqu'un prix a été fixé dans un engagement antérieur. C'est le cas d'une promesse de vente qui permet de figer les conditions de la transaction. 

 

Rappel des faits :

La société S a cédé le 26 mars 2015 à la SAS O 36 040 titres de la SAS CQFD pour un prix unitaire de 10,56 €, en exécution d'une promesse de vente consentie le 16 novembre 2011 à M. A, directeur général de CQFD. L'administration fiscale, estimant que ce prix était très inférieur à la valeur vénale des titres qu'elle évaluait à 73,22 € par action, a qualifié cette cession d'acte anormal de gestion et procédé à un redressement en réintégrant la différence dans les bénéfices de la société S au titre de l'année 2015.

 

Soulignons qu'en d'espèce la SAS CQFD traversait depuis 2005 de graves difficultés financières qui avaient conduit au recrutement de M. A, professionnel expérimenté du secteur du bâtiment. Sous sa direction, après quatre années de résultats négatifs ou nuls et plusieurs abandons de créances de la part de S, la filiale avait retrouvé la voie de la rentabilité à compter de 2009.

 

Le litige s'est d'abord porté devant le TA de Lyon qui, par un jugement du 23 juillet 2024, a donné raison au contribuable, le déchargeant des impositions supplémentaires.

 

Le ministre a fait appel de cette décision.

 

  • Il persiste dans son analyse en considérant que la valeur vénale des titres devait être appréciée à la date de la levée d'option et que la société S ne pouvait ignorer que la valeur des titres allait augmenter. Elle met en avant l'absence de contreparties réelles et l'intention libérale présumée compte tenu des liens unissant les parties.
  • S, de son côté, fait valoir l'existence de contreparties substantielles liées au maintien et à la motivation du dirigeant, ainsi que l'incertitude qui pesait en 2011 sur l'évolution future de la valeur des titres. La société souligne que le prix a été fixé après négociations sur la base d'évaluations indépendantes et qu'une clause d'ajustement avait même été prévue et appliquée.

 

La Cour administrative d'appel vient de confirmer la position du tribunal de première instance

 

Elle s'appuie sur le principe selon lequel l'appréciation du caractère normal ou anormal de l'acte de gestion doit se faire à la date de l'engagement initial, c'est-à-dire le 16 novembre 2011, et non à la date de la levée de l'option en 2015. 

 

Tout d'abord, elle souligne que la promesse de vente a été consentie "en considération du rôle personnel" joué par M. A... dans le développement de CQFD, constituant ainsi un mécanisme d'intéressement destiné à retenir et motiver un dirigeant dont les compétences s'avéraient cruciales pour le redressement de la filiale.

 

Puis elle fait valoir qu'au jour de la signature de la promesse en novembre 2011 :

la situation financière et commerciale de la SAS CQFD demeurait fragile et ne permettait pas de prévoir avec une probabilité raisonnable, à l'horizon de l'année 2014, une augmentation de la valeur de ses titres dans les proportions qui ont été finalement constatées

La juridiction met en exergue l'intérêt propre de S à consentir cet avantage de prix pour

inciter M. A... à poursuivre le redressement de la situation de sa filiale" et "l'intéresser au résultat de ce redressement

 

Elle considère que l'administration ne démontre pas qu'il était prévisible en 2011 que la situation financière s'améliorerait dans de telles proportions.

 

TL;DR

  • La Cour confirme la primauté de la date de la promesse pour apprécier la normalité de l'opération ;
  • L'arrêt met en évidence la nécessité pour l'administration de démontrer le caractère prévisible, au jour de la promesse de cession, d'une amélioration de la situation financière de la société, justifiant ainsi un prix supérieur à celui convenu initialement ;
  • La simple constatation d'une plus-value entre la date de la promesse et la date de la cession n'est pas suffisante pour prouver un acte anormal de gestion.

 

 

 

Publié le mardi 26 août 2025 par La rédaction

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