Nouvelle pierre à l'édifice relatif au droit à déduction de la TVA grevant les frais exposés par une société holding à l'occasion de la cession des titres d'une filiale. Pas de bouleversement mais un rappel : les juges du fond ne peuvent faire l'impasse sur l'examen exhaustif des activités de la holding.
L'article 271-I-1 du CGI dispose que la taxe ayant grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe applicable à cette opération.
Une cession de titres de participation est, par principe, une opération située en dehors du champ d'application de la TVA ou, dans certains cas, exonérée. En conséquence, la TVA sur les frais qui présentent un lien direct et immédiat avec cette opération n'est, en théorie, pas déductible.
Toutefois, la jurisprudence a affiné cette position pour les sociétés holdings qui ne se contentent pas de détenir passivement des participations, mais qui s'immiscent dans la gestion de leurs filiales en leur fournissant des prestations de services (administratives, financières, etc.) soumises à la TVA. Pour ces holdings dites "animatrices" ou "mixtes", qui exercent une véritable activité économique, le droit à déduction est plus largement ouvert. En effet, lorsqu'une société holding exerce une activité économique au sens du droit de la TVA, notamment en fournissant des prestations de services à ses filiales, elle peut être considérée comme assujettie à la taxe. Dans cette configuration, les dépenses exposées en vue de préparer une cession de titres peuvent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattachant aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de son activité économique. La TVA ayant grevé ces dépenses devient alors déductible, sous réserve de la production de pièces justificatives.
La jurisprudence a également précisé les limites de cette déductibilité. L'administration peut remettre en cause la déduction de la TVA lorsqu'elle établit que l'opération de cession a revêtu un caractère patrimonial, notamment lorsque le produit de la cession a été distribué ou lorsque les dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres. Dans ce dernier cas, les dépenses présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession elle-même et perdent leur caractère de frais généraux.
Rappel des faits :
La société AD a sollicité le remboursement d'un crédit de TVA d'un montant de 80 000 € dont elle estimait disposer au titre du mois de décembre 2018. L'administration fiscale a rejeté cette demande à la suite d'un contrôle, considérant que la TVA en cause, afférente à des honoraires versés à un intermédiaire pour la négociation de la cession des titres de sa filiale 3W, n'était pas déductible. Elle soutient que ces dépenses ne pouvaient être regardées comme des frais généraux de la société dès lors qu'elles étaient spécifiquement affectées à la transaction de cession. L'administration estime que la société ne démontrait pas que ces dépenses n'avaient pas été incorporées dans le prix de cession des titres.
AD soutient que ces frais se rattachaient à son activité économique globale, qui ne se limitait pas aux seules prestations rendues à la filiale cédée. En effet, elle a produit des contrats prouvant qu'elle fournissait également des prestations de services, soumises à la TVA, à deux autres filiales, les sociétés Ca et RS. AD a donc contesté cette décision devant le TA de Marseille qui, par jugement du 6 décembre 2022, a rejeté sa demande. La CAA de Marseille, par arrêt du 17 octobre 2024, a confirmé cette position en rejetant l'appel formé par la société.
Voir notre article sur la décision de la CAA de Marseille : Holdings mixtes sans activité taxable : pas de déduction de la TVA sur la cession de titres
Pour motiver sa décision, la cour a retenu que la holding n'exerçait aucune autre activité économique que celle consistant à offrir des prestations de service à la seule société 3W, dont les titres étaient cédés.
AD s'est pourvue en Cassation.
Sans se prononcer sur le fond, le Conseil d'État a fait droit au pourvoi de AD et a annulé l'arrêt du 17 octobre 2024 renvoyant l'affaire devant la cour.
Concernant la déductibilité de la TVA grevant les dépenses liées à une cession de titres par une société holding
La haute juridiction administrative énonce que lorsqu'une telle société se livre à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la TVA et envisage de céder tout ou partie des titres d'une participation qu'elle détient, elle est en droit de déduire la TVA ayant grevé les dépenses exposées en vue de préparer cette cession, sous réserve de produire des pièces justificatives. Ces dépenses sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de son activité économique. Elle précise toutefois que cette déductibilité peut être remise en cause lorsque l'administration établit que l'opération a revêtu un caractère patrimonial, notamment si le produit de la cession a été distribué ou si les dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres.
Régime applicable aux dépenses inhérentes à la transaction elle-même.
Le Conseil d'Etat rappelle que si la TVA grevant ces dépenses n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des titres, la société holding est néanmoins en droit de déduire cette taxe si elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans le prix de cession et doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux.
Or, au cas particulier le Conseil d'Etat constate que la CAA, en affirmant que la société n'avait d'activité économique qu'avec sa filiale 3W, a ignoré les contrats de prestations de services conclus avec les sociétés Ca et RS, qui figuraient pourtant au dossier. Ce faisant, elle a "dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Albatros Développement détenait des participations dans les sociétés Cabamix et Roadway Solutions auxquelles elle fournissait des prestations de services en vertu de contrats conclus les 1er octobre 2013 et 3 janvier 2018. Dès lors, en estimant que la société Albatros Développement n'exerçait aucune autre activité économique que celle consistant à offrir des prestations de service à la société 3Wayste et en jugeant, pour ce motif, que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les sommes versées à la société JM Industrie en rémunération de ses prestations de négociation de la cession des titres de la société 3Wayste ne présentaient pas un caractère déductible, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la société Albatros Développement est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
Pour le juge administratif, cette dénaturation est constitutive d'une erreur de droit justifiant la cassation de l'arrêt.