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Suivi législatif

Pacte Dutreil et PLF2026 : le Sénat durcit à la marge les conditions d'application

Le Sénat a adopté cinq amendements ( et en a rejeté 21) modifiant le régime de l'exonération Dutreil (Article 787 B du CGI), traduisant une volonté partagée des parlementaires de préserver ce dispositif tout en corrigeant ses dérives. Trois amendements identiques  ont reçuun  double avis favorable de la commission et du Gouvernement, tandis qu'un quatrième amendement  a été adopté malgré un double avis défavorable.


 

L'exclusion des actifs non professionnels de l'assiette de l'exonération

Les trois amendements identiques (I-161, I-382, I-1003) instaurent une liste limitative d'actifs exclus du bénéfice de l'exonération de 75 %. Cette exclusion vise les biens qui, bien qu'inscrits à l'actif d'une holding animatrice éligible au pacte, sont dépourvus de lien avec l'activité économique de l'entreprise.

 

I. – Après le premier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts, sont insérés huit alinéas ainsi rédigés :

« L’exonération ne s’applique pas à la valeur des actifs suivants :

« a. Les biens affectés à l’exercice non professionnel de la chasse ;

« b. Les biens affectés à l’exercice non professionnel de la pêche ;

« c. Lorsqu’ils ne sont pas affectés à une activité professionnelle, les véhicules de tourisme, au sens de l’article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services, les yachts, les bateaux de plaisance à voile ou à moteur et les aéronefs ;

« d. Les bijoux, les métaux précieux et les objets d’art, de collection ou d’antiquité, à l’exclusion de ceux bénéficiant du régime prévu à l’article 238 bis AB du présent code ;

« e. Lorsqu’ils ne sont pas affectés à une activité professionnelle, les chevaux de course ou de concours ;

« f. Lorsqu’ils ne sont pas affectés à une activité professionnelle, les vins et les alcools ;

« g. Les logements et résidences non exclusivement affectés à un usage professionnel. »

 

Sont désormais exclus de l'exonération les biens affectés à l'exercice non professionnel de la chasse et de la pêche, les véhicules de tourisme, yachts, bateaux de plaisance et aéronefs non affectés à une activité professionnelle, les bijoux, métaux précieux et objets d'art, de collection ou d'antiquité (sauf ceux relevant du régime de l'article 238 bis AB, c'est-à-dire les œuvres d'artistes vivants), les chevaux de course ou de concours non professionnels, les vins et alcools non professionnels, et les logements et résidences non exclusivement affectés à un usage professionnel.

 

Cette mesure s'inspire directement du modèle allemand, comme le souligne l'exposé des motifs de l'amendement Canévet (I-382). En l'état du droit actuel, les holdings animatrices peuvent en effet intégrer des actifs patrimoniaux sans lien avec l'activité opérationnelle, permettant ainsi de faire bénéficier de l'abattement de 75 % des biens qui auraient normalement été soumis aux droits de mutation à titre gratuit de droit commun

 

L'allongement de la durée de conservation individuelle

Les trois amendements portent également la durée minimale de détention des actions transmises de quatre à six ans. Cette mesure vise à garantir un engagement plus durable des héritiers dans la continuité de l'entreprise et à s'assurer que le pacte Dutreil remplit effectivement son objectif de pérennisation des entreprises familiales.

L'allongement de deux ans de la période d'engagement individuel renforce la contrainte pesant sur les bénéficiaires de l'exonération et limite les possibilités de céder rapidement les titres après avoir bénéficié de l'avantage fiscal.

 

Exclusion des actifs numériques

L'amendement N° I-1291, adopté vise à exclure explicitement les actifs numériques (cryptomonnaies, jetons, etc.) du bénéfice fiscal du "Pacte Dutreil". Il s'agit d'une mesure de durcissement fiscal portée par le groupe communiste (CRCE-K), adoptée malgré l'avis défavorable du Gouvernement.

 

La lutte contre les montages d'optimisation (Amendement I-1804)

L'amendement I-1804 du groupe écologiste va plus loin en s'attaquant à deux pratiques d'optimisation spécifiquement identifiées par la Cour des comptes dans son rapport d'évaluation du dispositif.

  • La suppression du "pacte réputé acquis" constitue la première mesure. Ce mécanisme, introduit en 2007, permet de bénéficier du régime Dutreil sans véritable phase d'engagement collectif préalable, en considérant que les conditions du pacte sont "réputées acquises" lorsque le donateur ou le défunt détenait seul les titres depuis au moins deux ans. La Cour des comptes considère que cet assouplissement est largement utilisé pour sécuriser des situations déjà constituées, sans lien avec l'objectif de stabilisation de l'actionnariat familial.
  • L'instauration d'une clause anti-abus visant les schémas de "family buy-out" (FBO) est la seconde mesure. Ces montages consistent, pour les héritiers ou donataires, à faire racheter par une société holding endettée qu'ils contrôlent les titres qu'ils viennent de recevoir avec l'abattement de 75 %. L'avantage fiscal est ainsi transformé en levier de désendettement familial plutôt qu'en outil de transmission productive.

La clause anti-abus prévoit que l'exonération est refusée ou remise en cause lorsque les titres transmis font l'objet d'un rachat par une société contrôlée par les héritiers et que l'opération est principalement financée par endettement, défini comme un financement supérieur à 50 % du prix par de la dette nette. Cette définition vise précisément les montages FBO tout en préservant les restructurations capitalistiques motivées par des raisons industrielles ou commerciales légitimes.

 

Si les trois amendements identiques ont reçu l'appui du Gouvernement, l'amendement I-1804 et l'amendement I-1291 ont été adopté contre l'avis de la commission et du Gouvernement. La question de la suppression du pacte "réputé acquis" et de la clause anti-FBO devra donc être arbitrée en commission mixte paritaire.

 

 

N° Amendement Modification Proposée (Art. 787 B CGI) Sort 

I-161 rect. bis

I-246

I-1900

Allongement de la durée d'engagement individuel de 4 ans à 6 ans. Adopté 

I-1328

I-1899

Cet amendement vise à accroitre la durée de l’engagement individuel prévu par le pacte Dutreil de 4 à 8 ans Rejeté 
I-245

Cet amendement modifie l'article 787 B du CGI en remplaçant l'exonération uniforme de 75 % des droits de succession par un barème progressif.

L'exonération de 75 % est maintenue pour la valeur des parts ou actions transmises jusqu'à 10 M€, afin de préserver les TPE, PME et ETI familiales. Ce taux décroît ensuite progressivement (50 %, 40 %, 35 %) pour les tranches supérieures. L'exonération est totalement supprimée pour la fraction de la valeur excédant 100 M€

Rejeté 

I-247, I-1002, I-1290 L'exonération s'applique uniquement aux biens affectés à l'activité opérationnelle de la société. 

L'article 787 B du CGI est complété par une phrase  : « L’exonération s’applique à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société. »

Cet amendement reprend une mesure adoptée à l’Assemblée nationale visant à restreindre l’assiette de l’exonération du Pacte Dutreil aux seuls biens professionnels, là où précédemment cette condition se limitait seulement à ce que les biens professionnels constituent une part prépondérante des actifs transmis, soit au moins 50 %

Rejeté 
I-249 Création d'une condition de réinvestissement d'une fraction de l'avantage fiscal dans l'entreprise (biens professionnels ou formation). Rejeté 

I-248  I-1902

Au moins un donataire doit être âgé entre 18 et 60 ans au jour de la transmission.  Rejeté
I-650, I-651

Cet amendement vise à conditionner l'exonération du Pacte Dutreil à une répartition à parts égales des titres de l'entreprise entre les héritiers réservataires.

Il modifie le Code civil pour obliger l'héritier bénéficiaire à rapporter à la succession l'avantage fiscal (les 75 % d'exonération) résultant du Pacte Dutreil, rétablissant ainsi l'équité entre les enfants.

Rejeté

I-653

Cet amendement modifie les articles 787 B et 787 C du CGI afin d'introduire une progressivité dans l'exonération des DMTG

L'objectif est de recentrer le dispositif sur la pérennité des entreprises productives et de réduire les inégalités liées à la « grande transmission » des patrimoines.

L'exonération de 75 % est maintenue jusqu'à 50 M€ de valeur des titres transmis. Au-delà de ce seuil, le taux d'exonération décroît : il passe à 50 % entre 50 et 100 M€ puis à 25 % pour la fraction excédant 100 M€.

Rejeté

 I-1291

Cet amendement vise à renforcer l'encadrement du Pacte Dutreil en excluant explicitement les actifs numériques (au sens de l'article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier) du champ de l'exonération des droits de mutation.

Adopté

I-1320 Abrogation de l'article 787 B  Rejeté 
I-1321 Remplacement de l'exonération en pourcentage par un abattement en valeur de 2 000 000 € Rejeté 
I-1325 Cet amendement vise à modifier l'article 787 B du CGI pour exclure explicitement les donations avec réserve d'usufruit du bénéfice de l'exonération. Rejeté 
I-1326, I-1327 Plafonnement de la trésorerie exonérée. / Suppression du cumul avec la réduction de droits de 50% (Art. 790 CGI).  Rejeté
I-1329

Cet amendement vise à prévenir un double avantage fiscal suite à la transmission de titres via le Pacte Dutreil. Il modifie le calcul de la plus-value de cession réalisée dans les huit ans suivant la transmission pour ces titres.

Pour le calcul de cette plus-value, la valeur d'acquisition des parts ou actions sera considérée comme leur valeur au jour de la transmission, diminuée de l'exonération partielle de 75 % prévue par Dutreil.


Rejeté

I-1803

Cet amendement vise à recentrer l'exonération du Pacte Dutreil sur les actifs nécessaires à l'activité économique de l'entreprise.

Il modifie les articles 787 B et 787 C du CGI pour limiter l'exonération à la valeur nette des biens et droits affectés à l'activité opérationnelle de la société.

Sont exclus de l'assiette exonérée les actifs non professionnels, définis par renvoi à l'article 235 ter C du CGI (actifs purement patrimoniaux, trésorerie excédentaire, etc.).

L'objectif est d'aligner la définition des actifs éligibles avec la nouvelle taxe sur les holdings patrimoniales, renforçant la cohérence fiscale.

Rejeté

I-1804

Cet amendement vise à supprimer 2 dispositifs d'optimisation qui détournent le Pacte Dutreil de son objectif de pérennité des entreprises.

Premièrement, il supprime la possibilité du "pacte réputé acquis" 

Deuxièmement, il introduit une clause anti-abus visant les montages de type Family Buy-Out (FBO).

L'exonération sera refusée ou remise en cause si les titres sont cédés ou rachetés par une holding contrôlée par les héritiers et financée principalement (plus de 50 %) par de la dette.

Adopté

 I-1805

Cet amendement modifie les articles 787 B et 787 C du CGI en ramenant le taux général d'exonération de 75 % à 60 %.

Il introduit une progressivité pour les transmissions les plus importantes, afin de cibler l'avantage fiscal et réduire son coût budgétaire. L'exonération est limitée à 40 % pour la fraction de la valeur nette des parts ou actions transmises à un même bénéficiaire excédant 50 M€

Cette mesure s'inspire des recommandations de la Cour des comptes visant à réduire la dépense fiscale

Rejeté

Publié le dimanche 30 novembre 2025 par La rédaction

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