Cette décision relative aux conditions de déductibilité des dépenses de travaux pour le calcul de la plus-value immobilière imposable, nous rappelle l'exigence, pour le contribuable, de justifier non seulement de la réalisation des travaux, mais également de leur paiement effectif, conformément aux dispositions de l'article 150 VB du CGI.
Le régime d'imposition des plus-values immobilières des particuliers est défini aux articles 150 U à 150 VH du CGI. En vertu de l'article 150 V du CGI, la plus-value brute est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant.
Le prix d'acquisition peut, sur justificatifs, être majoré de certaines dépenses limitativement énumérées à l'article 150 VB-II du CGI. Parmi celles-ci figurent, au 4° de cet article,
les dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives.
S'agissant des modalités de justification de ces dépenses, l'article 74 SI de l'annexe II au CGI précise que
les pièces justifiant des frais ou charges mentionnés au III de l'article 150 VA et au II de l'article 150 VB du code général des impôts sont fournies par le contribuable sur demande de l'administration.
La question soulevée par cette affaire est celle de la nature des justificatifs à produire par le contribuable : les factures des travaux suffisent-elles à elles seules, ou faut-il également prouver leur paiement effectif ?
Rappel des faits :
M. C. a acquis, par acte notarié du 2 mai 2013, au prix de 367 000 €, un bien immobilier situé à Strasbourg. Il a procédé à la division de ce bien en trois lots qu'il a vendus les 6 mars, 30 avril et 25 juin 2015.
Dans ses déclarations de plus-values, il a déduit des frais de reconstruction qu'il avait évalués à 80 000 € pour le lot n°1, 85 000 € pour le lot n°2 et 77 876 € pour le lot n°3, déclarant ainsi des plus-values s'élevant à la somme de 10 256 € pour chacune des deux premières cessions et à 7 184 € pour la dernière.
À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de ces frais de reconstruction, considérant qu'ils n'étaient pas justifiés. Elle a en conséquence rectifié les plus-values dégagées pour les porter respectivement à 80 828 €, 84 657 € et 74 252 €.
M. C. a contesté ces impositions, mais l'administration les a partiellement maintenues. Le contribuable a alors été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, d'un montant total de 87 110 €, au titre de l'année 2015. Après rejet de sa réclamation préalable, M. C. a saisi le TA de Strasbourg, qui a rejeté sa demande par jugement du 3 octobre 2022.
C'est ce jugement dont il a fait appel devant la Cour administrative d'appel de Nancy.
Sur le fond, M.C :
- conteste l'interprétation faite par l'administration de l'article 150 VB du CGI, soutenant qu'il ne résultait pas de ces dispositions que le prix d'acquisition ne peut être majoré que des seules dépenses pour lesquelles le vendeur établit qu'il a payé les entreprises.
- affirme avoir produit des justificatifs suffisants avec les 23 factures représentant un montant total de 294 365 €.
- estime que c'était à l'administration, à qui incombait la charge de la preuve, de démontrer qu'il ne s'était pas acquitté de ces factures.
- se prévaut de la doctrine BOFIP BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20, n°340 du 20 décembre 2013, selon lequel la justification des dépenses de travaux résulte nécessairement de la présentation des factures émises par l'entreprise.
Le II de l'article 150 VB du CGI prévoit que les dépenses venant en majoration du prix d'acquisition doivent être justifiées. Les pièces justifiant des travaux ne sont toutefois fournies par le contribuable que sur demande de l'administration (CGI, ann. II, art. 74 SI).
Dès lors que les travaux doivent avoir été réalisés par une entreprise, la justification de la dépense résulte nécessairement de la présentation des factures des entreprises qui doivent notamment comporter les mentions obligatoires prévues à l'article 289 du CGI.
-
- soutient que les travaux avaient bien été réalisés, comme en témoignaient les photographies, les diagnostics techniques et la configuration finale du bien (création d'un quatrième logement).
De son côté l'administration considère que le contribuable n'avait pas justifié du paiement effectif des travaux dont il demandait la prise en compte pour le calcul de la plus-value imposable, condition qui résultait directement des termes de l'article 150 VB du CGI, qui exige que les dépenses soient « supportées par le vendeur ».
La Cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'ensemble des moyens soulevés par M. C. et a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg.
La Cour confirme que, conformément à l'article 150 VB du CGI, le prix d'acquisition d'un immeuble ne peut être majoré que par des dépenses que le vendeur a exposées, ce qui implique nécessairement qu'il en ait supporté le coût. Il appartient donc au contribuable de justifier qu'il a personnellement et effectivement supporté les dépenses des travaux qu'il estime être déductibles.
En l'espèce :
- les photographies des travaux,
- les diagnostics techniques du bien
- et la mention dans l'acte d'acquisition d'une maison composée de trois logements (alors que les modifications ont permis la création d'un quatrième logement)
ne suffisent pas à établir que le contribuable a effectivement payé les factures produites.
La Cour écarte le moyen tiré de la doctrine BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20, estimant qu'elle ne comporte aucune interprétation différente de celle appliquée en l'espèce. Cette dernière précise au n°330 :
Seules les dépenses ayant fait l'objet d'un paiement effectif de la part du cédant sont retenues.
Elle rejette également la possibilité d'invoquer une RM Perrin JOAN du 22 décembre 1965, n° 13608 qui concernait une situation différente.