La détermination de la valeur vénale des biens immobiliers transmis par décès constitue un contentieux récurrent. Ce nouvel arrêt du juge de l'impôt, statuant sur renvoi après cassation, vient rappeler le principe de l'instantaneité de l'évaluation fiscale. En refusant de tenir compte d'un prix de cession intervenu quelques mois après le décès pour rectifier à la baisse la valeur déclarée, la juridiction de renvoi réaffirme la primauté du fait générateur de l'impôt sur la réalité économique ultérieure.
Pour mémoire, l'article 761 du CGI pose le principe selon lequel, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission. Cette date, qui constitue le fait générateur de l'impôt, est celle du décès.
Par ailleurs, les règles de procédure fiscale, notamment l'article R* 194-1 du LPF, organisent la charge de la preuve. Lorsque le contribuable entend remettre en cause les valeurs qu'il a lui-même déclarées dans un acte ou une déclaration, il lui appartient de démontrer le caractère exagéré de cette imposition.
Rappel des faits :
Monsieur A est décédé en 2014, laissant plusieurs légataires universels. Une déclaration de succession a été enregistrée début 2015, dans laquelle deux biens immobiliers situés à Perpignan étaient évalués respectivement à 700 000 € et 70 000 €. Quelques mois plus tard, en septembre 2015, le notaire a déposé une déclaration rectificative, révisant ces valeurs à la baisse (600 000 € et 56 000 €) pour s'aligner sur les prix de cession obtenus ou en passe de l'être, les avant-contrats ayant été signés environ six mois après le décès.
L'administration fiscale a rejeté cette réclamation, considérant que la preuve de la surévaluation initiale n'était pas rapportée.
Les légataires ont saisi le TGI de Perpignan qui leur a donné raison en 2017, position confirmée par la CA de Montpellier en 2022. Les juges du fond estimaient alors que le délai de six mois entre le décès et la vente était suffisamment court pour que le prix de cession reflète la valeur réelle au jour du décès, en l'absence de modification de l'état du bien ou de retournement brutal du marché.
Toutefois, la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 juin 2024, a censuré cette analyse pour violation de la loi, reprochant aux juges d'avoir ajouté une condition non prévue par l'article 761 du CGI. L'affaire a donc été renvoyée devant la Cour d'appel de Toulouse.
La Cour d'appel de Toulouse, juridiction de renvoi, vient d'infirmr le jugement de première instance et de rétablir l'imposition initiale.
Les juges toulousains rappellent d'abord la définition classique de la valeur vénale comme le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel au jour de la mutation.
Mais, le cœur de la motivation réside dans le rejet des éléments de comparaison postérieurs.
La Cour souligne qu'il est de jurisprudence constante que les ventes citées à titre de comparaison ne doivent pas être postérieures à la date du fait générateur. Si des exceptions existent, notamment pour des biens atypiques sans comparaison possible ou des ventes quasi-concomitantes (quelques jours), le cas d'espèce ne s'y prêtait pas. Les juges relèvent que les avant-contrats ont été conclus six mois après le décès et les ventes réitérées huit à neuf mois plus tard.
Ces éléments, postérieurs au fait générateur, sont jugés insuffisants pour renverser la présomption de véracité attachée à la déclaration initiale des contribuables. La charge de la preuve pesant sur les héritiers demandant la rectification, ceux-ci échouent à démontrer, par des éléments contemporains au décès, que les valeurs de 700 000 € et 70 000 € étaient exagérées.
S'agissant d'une succession, la valeur s'apprécie au moment du décès, qui est la date du fait générateur de l'impôt. Il est de jurisprudence constante que les ventes citées à titre de comparaison ne doivent pas être postérieures à la date du fait générateur (Cass. Com. 6 mai 2003, n° 00-10.804). A contrario, la Cour de cassation a admis le recours à un élément postérieur au décès pour un bien qui se démarquait de l'habitat local (Cass. Com. 16 avril 2013, n° 12-16.266), ou dans le cas d'un prix convenu avant le décès et d'une vente intervenue deux jours après celui-ci.
En l'espèce, dans la déclaration de succession initiale du 23 décembre 2014, les légataires ont fixé la valeur de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 20] à [Localité 24] à 700.000 euros, et celle de l'immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 24] à 70.000 euros.
La déclaration rectificative équivaut à une réclamation contentieuse. Il est constant que dans le cadre d'une déclaration de succession rectificative, c'est aux redevables de démontrer que les biens ont été surévalués dans la déclaration de succession initiale.
Les redevables invoquaient comme éléments de comparaison des ventes concernant les biens immobiliers litigieux, mais qui sont postérieures de 8 et 9 mois au décès de [O] [A], sur la base d'un prix de vente convenu et stipulé dans des avant-contrats conclus environ 6 mois après le fait générateur. Ces éléments ne suffisent pas à démontrer que les biens ont été surévalués.