Décision du juge de l'impôt qui vient rappeler la primauté du principe de solidarité fiscale entre époux sur les effets libératoires attachés à la clôture d'une procédure de liquidation judiciaire personnelle.
Pour mémoire, l'article 1691 bis du CGI pose le principe de solidarité du paiement de l'impôt, notamment de l'impôt sur le revenu, pour les époux ou partenaires d'un pacte civil de solidarité (PACS).
Cette solidarité est un instrument de garantie pour le Trésor public, permettant au comptable de réclamer la totalité de la dette à l'un quelconque des conjoints, sans avoir à diviser ses poursuites
Cette créance fiscale trouve par ailleurs son assiette de recouvrement dans le droit civil. L’article 1413 du Code civil dispose en effet que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pendant la communauté peut être poursuivi sur les biens communs.
Par ailleurs, le droit des entreprises en difficulté, et plus spécifiquement le régime de la liquidation judiciaire applicable aux personnes physiques, est gouverné par des principes d'ordre public visant à organiser l’apurement collectif du passif du débiteur. L’ouverture de la procédure emporte, en vertu de l’article L. 641-9 du Code de commerce, un dessaisissement du débiteur et, surtout, un arrêt des poursuites individuelles de la part des créanciers. La clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, situation la plus fréquente, fait en principe obstacle à la reprise de ces poursuites, offrant au débiteur une forme de "droit à l'oubli" financier.
La question centrale était donc de déterminer si cet effet extinctif, attaché à la personne du débiteur en liquidation, pouvait rejaillir sur son conjoint et sur les biens de la communauté.
Rappel des faits :
Mme A s'est vue réclamer par l'administration fiscale une somme de plus de 170 000 € au titre de soldes d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dus par son foyer fiscal pour plusieurs années antérieures. Ces poursuites intervenaient alors même que son époux, avec qui elle formait le foyer fiscal débiteur, avait fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire personnelle clôturée pour insuffisance d'actif.
Après rejet de sa réclamation, elle a saisi la juridiction administrative. Par un jugement du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Elle a fait appel de la décision.
- Elle soutient que la clôture de la procédure collective de son mari aurait dû entraîner l'extinction de la créance fiscale non seulement à l'égard de ce dernier, mais également à l'égard de la communauté conjugale. En d'autres termes, les biens communs ne pouvaient plus, selon elle, être saisis par le Trésor. Elle invoque la prévalence des règles d'ordre public du droit des procédures collectives sur les règles, fussent-elles spéciales, du droit fiscal. Pour elle, l'impossibilité de poursuivre son époux rend impossible toute action sur le patrimoine commun du couple.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux vient de confirmer le jugement de première instance et de rejeter la requête de Mme A.
Elle a estimé que le conjoint solidairement tenu au paiement de l'impôt ne bénéficiait pas de la suspension des poursuites qui protège le débiteur principal durant la procédure collective.
La Cour en déduit que la procédure de liquidation judiciaire de l'époux est un événement inopérant pour contester l'obligation de payer qui pèse sur l'épouse.
Le fait générateur de la dette de Mme A n'est pas la dette de son mari, mais bien l'imposition commune à laquelle elle a consenti. Dès lors, son obligation est autonome.