Nouvelle décision concernant les conditions d'application de l'exonération de plus-value immobilière pour la résidence principale, dans le cas particulier où le bien est détenu par une SCI. Cette décision examine avec soin la notion de "mise à disposition gratuite" et ses implications pratiques dans un contexte d'imbrication de structures juridiques.
En matière de plus-values immobilières, l'article 150 U-II-1 du CGI prévoit une exonération pour les immeubles constituant la résidence principale du cédant au jour de la cession. Dans le cas particulier des immeubles détenus par une SCI relevant du régime fiscal des sociétés de personnes (article 8 du CGI), la jurisprudence a précisé que les associés peuvent bénéficier de cette exonération à condition que la société mette gratuitement le bien à leur disposition. Cette gratuité constitue une condition sine qua non de l'exonération, car elle permet d'assimiler l'occupation par l'associé à celle d'un propriétaire personne physique.
La question centrale posée au juge de l'impôt portait sur l'appréciation de cette condition de gratuité dans un contexte où plusieurs structures juridiques sont impliquées (SCI, GAEC) avec les mêmes associés.
Rappel des faits :
Mme C. et M. A, liés par un PACS, étaient associés à parts égales de la SCI C, propriétaire d'une propriété agricole. Cette propriété comprenait une partie à usage d'habitation, constituant la résidence principale des requérants, et des terres agricoles. Par ailleurs, les requérants étaient également associés du GAEC G, qui exploitait les terres agricoles de la propriété.
Le 26 novembre 2019, la SCI C a cédé l'ensemble de la propriété pour un montant de 833 470 €. La plus-value réalisée lors de cette vente a été exonérée sur le fondement de l'article 150 U-II-1° du CGI, au motif que l'immeuble constituait la résidence principale des associés.
À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause cette exonération. Elle considérait que les requérants n'avaient pas occupé l'immeuble à titre gratuit, dès lors que les taxes foncières afférentes aux années 2018 et 2019 avaient été acquittées par le GAEC G, dont ils étaient également les associés exclusifs. L'administration estimait que ces paiements constituaient une contrepartie indirecte à la mise à disposition du bien.
Les réclamations des contribuables ont été rejetées les conduisant à saisir le tribunal administratif.
Ils soutiennent :
- que la partie à usage d'habitation du bien acquis par la SCI C en 1992 avait été mise à leur disposition à titre gratuit depuis l'acquisition.
- qu'aucun bail, écrit ou oral, n'existait entre la SCI et ses associés concernant la partie à usage d'habitation, et aucun loyer n'avait été versé.
- que si l'existence d'un bail entre la SCI et le GAEC était avérée pour les terres agricoles, aucun accord de location n'existait pour la maison d'habitation.
- que le fait que le GAEC ait acquitté l'intégralité des taxes foncières (y compris pour la partie habitation) ne remettait pas en cause la gratuité de la mise à disposition de la maison, cette pratique ne reposant sur aucune obligation contractuelle entre la SCI et les associés.
- que les apports en compte courant réalisés au profit du GAEC constituaient des prêts et non des paiements indirects de taxes foncières.
Le Tribunal administratif de Toulouse a donné raison aux contribuables.
Pour fonder sa décision, le tribunal a d'abord rappelé que l'associé d'une société de personnes qui occupe, à titre de résidence principale, un immeuble appartenant à cette société et mis gratuitement à sa disposition, bénéficie de l'exonération prévue par l'article 150 U du CGI, de la même manière que s'il en avait été lui-même propriétaire.
Examinant ensuite les faits le tribunal a constaté que :
- La SCI C avait bien mis les locaux d'habitation à la disposition de ses associés, qui y avaient établi leur résidence principale.
- que le GAEC G avait effectivement procédé au paiement de la totalité des taxes foncières relatives au bien immobilier, y compris celles des locaux d'habitation.
- que le GAEC G avait comptabilisé ces paiements en inscrivant des écritures au débit du compte-courant d'associés des requérants pour la partie habitation.
- qu'un virement de 5 000 € effectué par M. A. avait été porté au crédit du compte courant d'associé du GAEC.
Le tribunal a cependant estimé que ces éléments ne suffisaient pas à caractériser une mise à disposition à titre onéreux.
Il a considéré que les seules circonstances :
- que la SCI et le GAEC aient les mêmes associés,
- et que le GAEC se soit acquitté du paiement des taxes foncières,
ne permettaient pas de considérer que les requérants s'étaient eux-mêmes acquittés du paiement des taxes foncières ou que la SCI avait perçu des recettes en provenance des occupants.
Le tribunal a également retenu que la mise à disposition des locaux d'habitation n'avait pas été consentie sous condition de remboursement de la quote-part de taxe foncière, ce qui aurait pu constituer une contrepartie.
Par conséquent, il a jugé que Mme C. et M. A. devaient être regardés comme ayant occupé à titre gratuit le bien à usage d'habitation appartenant à la SCI C, et qu'ils pouvaient donc bénéficier de l'exonération résidence principale.