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Impôt sur les sociétés

Conséquences fiscales de la requalification d'opérations immobilières menées par une SCI en une activité de marchand de biens non déclarée

Nouvelle illustration de la sévérité de la juridiction administrative à l’égard des SCI dont l’activité réelle excède la simple gestion patrimoniale et relève, en réalité, du champ des marchands de biens. La question posée était double : d’une part, déterminer si les opérations d’achat-revente SCI relevaient du régime fiscal applicable aux marchands de biens et donc de l’impôt sur les sociétés, d’autre part, apprécier si l’absence de déclaration pouvait être qualifiée d’« activité occulte » justifiant la procédure de taxation d’office et l’application de la majoration de 80 %.

 

Le régime fiscal des SCI est par principe celui de la translucidité fiscale, prévu à l'article 8 du CGI. Les bénéfices ne sont pas imposés au niveau de la société mais directement entre les mains des associés, à proportion de leurs droits, dans la catégorie de revenus correspondant à la nature de l'activité (revenus fonciers le plus souvent).

 

Toutefois, ce régime bascule dès lors que la SCI se livre à des opérations de nature commerciale. L'article 206-2 du CGI dispose en effet que les sociétés civiles sont passibles de l'IS lorsqu'elles "se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35". Au premier rang de ces opérations figure l'activité de marchand de biens, définie à l'article 35, I-1° du CGI comme le fait pour une personne d'acheter "habituellement" des immeubles "en vue de les revendre". La jurisprudence a depuis longtemps précisé que la qualification de marchand de biens est subordonnée à la réunion de deux critères cumulatifs : le caractère habituel des opérations d'achat-revente et une intention spéculative qui doit s'apprécier à la date d'acquisition des biens.

 

Lorsque cette activité commerciale n'est pas déclarée, l'administration peut la qualifier d'activité occulte. Cette qualification, définie à l'article L. 169 du LPF, est retenue lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises.

 

Rappel des faits :

La SCI SB, dont l’objet statutaire était la location immobilière, a acquis entre 2009 et 2011 plusieurs ensembles immobiliers à Saint-Quentin et Ribemont. Ces biens ont fait l’objet de divisions cadastrales, de rénovations puis de reventes échelonnées entre 2012 et 2017, avec des gains significatifs. L’administration a considéré que la société s’était livrée à une activité de marchand de biens non déclarée et a procédé, sur le fondement de l’article L. 66-2° LPF, à une taxation d’office à l’IS assortie de la majoration de 80 % pour activité occulte.
Le tribunal administratif d’Amiens, par un jugement du 2 mai 2024, avait partiellement accueilli la demande de la société en admettant, pour l’année 2017, que la cession d’un immeuble correspondait à la résidence principale du gérant et relevait de la gestion patrimoniale. Il avait également déchargé les amendes de l’article 1759 CGI. Pour le surplus, les impositions avaient été maintenues.

La SCI a fait appel en contestant le caractère occulte de son activité et l’existence même d’une activité de marchand de biens. Le ministre, par appel incident, a demandé l’annulation de la décharge partielle prononcée au titre de 2017.

 

La CAA de Douai, vient de rejetter l'ensemble des arguments de la SCI et, infirmant le jugement de première instance, de donner entièrement raison à l'administration fiscale.

 

Sur la qualification d'activité de marchand de biens,

la cour rappelle que l’application du régime de l’article 35 CGI suppose que les opérations présentent un caractère habituel et procèdent d’une intention spéculative. Après avoir examiné les acquisitions, divisions et reventes successives (notamment les biens des rues Alfred Clin et Jules César à Saint-Quentin), elle constate :

  • la brièveté du délai séparant acquisitions et reventes,

  • la réalisation de travaux et de divisions cadastrales destinés à valoriser les biens,

  • l’absence de mise en location pour plusieurs immeubles.

Ces éléments traduisent une intention spéculative dès l’origine et un caractère habituel suffisant, même si le nombre d’opérations reste limité. La cour infirme le jugement de première instance : la vente des 41 et 41 bis rue Jules César en 2017 relevait bien de l’activité de marchand de biens et non de la gestion patrimoniale du gérant.

 

Le point le plus notable de l'arrêt réside dans l'infirmation de la position des premiers juges concernant la cession du bien prétendument constitutif de la résidence principale du gérant. La Cour relève que le ministre a produit en appel un élément nouveau et décisif : un état descriptif de division démontrant que le logement effectivement occupé par le gérant était celui que la SCI avait conservé, et non celui qui avait été cédé. Face à cette preuve, la simple mention contraire dans l'acte de vente, reprenant les allégations du cédant, est jugée insuffisante. La charge de la preuve incombant à la société, celle-ci n'a pas réussi à établir que la cession portait sur la résidence principale de son gérant.

 

Sur le caractère occulte de l'activité,

la Cour est tout aussi rigoureuse. Elle constate que la SCI n'a ni immatriculé son activité commerciale, ni souscrit les déclarations d'impôt sur les sociétés correspondantes. L'argument de la contribuable, selon lequel l'administration ne pouvait ignorer l'activité du fait de la publicité des actes notariés et de la déclaration des plus-values par les associés au régime des particuliers (Art. 150 U du CGI), est balayé. La Cour rappelle que ces éléments ne sauraient pallier le défaut des obligations déclaratives propres à la personne morale redevable de l'impôt sur les sociétés. Il ne s'agit pas d'une simple erreur d'imputation dans une autre catégorie de revenus, mais bien d'une absence totale de déclaration par le sujet fiscal concerné. La preuve du caractère occulte est donc rapportée.

 

Cette qualification emporte logiquement validation de l'ensemble des conséquences procédurales :

  • la non-opposabilité du délai de trois mois pour la vérification de comptabilité (article L. 52 du LPF),
  • le recours justifié à la procédure de taxation d'office sans mise en demeure préalable (articles L. 66 et L. 68 du LPF),
  • et l'application de la majoration de 80 % pour activité occulte (article 1728 du CGI), la société ne pouvant ignorer la nature commerciale et imposable de ses opérations.

La majoration de 80 % pour activité occulte est confirmée, la société ne pouvant ignorer la nature spéculative et professionnelle de ses opérations. Quant à la prétendue double imposition, la cour constate qu’un dégrèvement avait été prononcé pour l’impôt sur les plus-values acquitté à tort par la société au nom de ses associés, ce qui écarte toute double taxation.

 

Publié le lundi 1 septembre 2025 par La rédaction

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