Le gouvernement a engagé en 2020 une réforme tendant à rendre la facturation électronique obligatoire. Cette réforme est motivée par la lutte contre la fraude fiscale et par des gains potentiels de productivité des entreprises.
Le gouvernement a publié l’ordonnance n°2021-1190 du 15 septembre 2021 relative aux modalités de généralisation de la facturation électronique et de la transmission des données de facturation.
Pour rappel, une facture électronique est une facture émise, transmise et reçue sous forme dématérialisée, qui comporte un socle minimum de données sous forme structurée, et qui peut être traitée de façon automatique.
La réforme comporte deux axes. Le premier est l’obligation d’émettre et de recevoir des factures électroniques dans toutes les transactions domestiques entre assujettis à la TVA (e-invoicing). Le second est l’obligation de transmettre à l’administration des données complémentaires concernant les transactions avec les non-assujettis et les transactions internationales entre assujettis (e-reporting).
Les entreprises ne pourront plus transmettre directement leurs factures à leurs clients , mais devront les envoyer par l’intermédiaire d’une plateforme de dématérialisation qui contrôlera leur validité fiscale et transmettra les factures à leurs destinataires, ainsi que certaines données à l’administration fiscale. Les entreprises pourront choisir comme plateforme de dématérialisation un portail public (Chorus Pro), ou une plateforme partenaire.
La réforme entrera progressivement en vigueur à partir de 2024, selon un calendrier dépendant de la taille des entreprises.
I. Une réforme motivée par la lutte contre la fraude fiscale et la compétitivité des entreprises
La réforme généralisant la facturation électronique est rendue nécessaire par un contexte de fraude massive à la TVA.
Actuellement, entre 12 et 15 milliards d’euros par an échappent au Trésor.
Par ailleurs, la facturation papier représente un surcoût pour les entreprises françaises au regard des économies de temps et de coûts de traitement que permettrait la facture électronique. Or, la facturation électronique est encore peu répandue en France : l’État veut pousser les entreprises à l’efficience.
II. Les enjeux et les objectifs de la réforme
Pour l’État, cette réforme doit permettre d’améliorer la connaissance en temps réel de l’activité des entreprises. Cette connaissance permettra de mieux lutter contre la fraude fiscale, notamment contre la fraude à la TVA et les montages « carrousel ».
Par ailleurs, connaitre en temps réel les flux économiques donnera un outil supplémentaire au gouvernement pour adopter des mesures économiques d’urgences adéquates et ciblées en cas de crise.
Pour les entreprises, la réforme devrait améliorer l’uniformisation, l’automatisation, la traçabilité, la sécurité, et l’archivage de la facturation, diminuant les délais de paiement et améliorant leur productivité, ce qui représenterait un gain pour l’économie estimé à 4,5 milliards d’euros par l’administration.
III. Impacts pour les entreprises : des gains d’efficacité mais des conséquences financières incertaines
L’émission ou la réception d’une facture électronique a un coût moyen très inférieur à celui d’une facture papier. En ordre de grandeur, le traitement d’une facture électronique serait au moins moitié moins cher que celui d’une facture papier, selon les modalités de dématérialisation. Cependant, il est difficile de déterminer à quel point cet avantage compenserait le coût de mise en place de ce nouveau procédé de facturation.
Les bénéfices essentiels qui sont attendus sont donc une réduction substantielle du temps de traitement des factures , notamment pour les services comptables et financiers, et une réduction des délais de paiement qui améliorera indirectement la trésorerie des entreprises.
IV. Des difficultés probables de mise en œuvre nécessitant un accompagnement professionnel
Le passage à la facturation électronique nécessitera un ajustement des processus métiers , de la gestion opérationnelle de la TVA, des logiciels de facturation, ainsi que le recours à une plateforme de dématérialisation. Cela supposera une adaptation au cas par cas des entreprises, et des changements d’habitudes nécessitant de former et d’obtenir l’adhésion du personnel et des partenaires commerciaux.
La mise en place des solutions techniques choisies par l’entreprise risque d’occasionner diverses frictions : des difficultés de paramétrage, des disfonctionnements, des erreurs humaines d’utilisation des logiciels… Autant de raisons pour anticiper la réforme et passer à la facturation électronique avant même qu’elle ne soit obligatoire, afin qu’elle soit opérationnelle dès 2024.
L’accompagnement de l’entreprise dépendra donc de sa taille, de son secteur d’activité, et de l’avance qu’elle aura prise en matière de facturation électronique. Ainsi, il sera nécessaire d’examiner les besoins de l’entreprise, par exemple en réalisant un audit des processus existants de facturation, pour la guider vers les solutions et les prestataires adaptés à ses besoins et à ses contraintes.
V. Les sanctions du non-respect des nouvelles obligations
Le non-respect de la facturation électronique sera sanctionné d’amendes de 15 euros par manquement dans la limite de 15 000 euros. Le non-respect des obligations de transmission des données complémentaires sera sanctionné d’amendes de 250 euros par manquement dans la limite de 15 000 euros. Des sanctions spécifiques sont prévues pour les plateformes de dématérialisation qui contreviendraient à leurs obligations.
De plus, la non-conformité aux obligations d’e-reporting et d’e-invoicing risquera d’entrainer une dégradation des relations avec l’administration fiscale et une multiplication des contrôles fiscaux.
VI. Les prochaines étapes de la réforme
Conformément à l’ordonnance du 15 septembre, l’ensemble des entreprises seront tenues de recevoir les factures électroniques dès juillet 2024. Les grandes entreprises devront émettre des factures électroniques et transmettre à l’administration leurs données de facturation dès 2024, quand les ETI et les PME pourront attendre respectivement 2025 et 2026 pour mettre ces obligations en œuvre.
Par ailleurs, certains décrets sont attendus pour préciser des modalités techniques d’applications de la facturation électronique, comme le contenu des informations transmises à l’administration, ou le format des factures.
A terme, la facturation électronique généralisée devrait permettre le pré-remplissage des déclarations de TVA.
Enfin, la France attend que la Commission Européenne lui accorde certaines dérogations à la Directive TVA pour autoriser cette réforme.