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Article 155 A du CGI : la charge de la preuve de la substance économique pèse sur le contribuable

Cette décision qui s'inscrit dans une ligne jurisprudentielle bien établie, nous rappelle que pour échapper à l'application de l'article 155 A du CGI, il ne suffit pas de démontrer l'existence formelle d'une société étrangère. 

 

Pour mémoire, l'article 155 A du CGI permet de réattribuer et d'imposer en France, entre les mains de la personne qui les a effectivement rendus, des revenus pour des services réalisés sur le territoire national mais facturés et encaissés par une entité établie hors de France. Autrement dit, il vise à prévenir les situations dans lesquelles une personne physique, pour des services qu'elle rend personnellement en France, interpose une société établie dans un pays à fiscalité plus clémente, qu'elle contrôle, pour facturer et percevoir les rémunérations.

 

Le texte instaure une présomption de domiciliation fiscale en France des revenus ainsi détournés. Pour que ce mécanisme s'applique, trois conditions doivent être cumulativement réunies :

  • des services doivent être rendus en France,
  • la rémunération doit être perçue par une personne domiciliée ou établie hors de France,
  • et la personne qui rend les services doit contrôler, directement ou indirectement, l'entité qui perçoit les fonds.

Il appartient d'abord à l'administration d'établir que ces trois conditions sont remplies. Si elle y parvient, la charge de la preuve est renversée. Il incombe alors au contribuable de démontrer que l'interposition de l'entité étrangère n'est pas artificielle et trouve sa justification dans une "intervention propre" ou une "contrepartie réelle" de cette dernière. En d'autres termes, le contribuable doit prouver que la société étrangère a apporté une véritable valeur ajoutée au service rendu et qu'il ne s'agit pas d'une simple "boîte aux lettres".

 

Rappel des faits :

En l'espèce, Monsieur B, résident fiscal belge, était à la fois l'associé unique et gérant de la société de droit belge ES et le directeur général de la société de droit français GSA. En vertu d'un contrat de prestation de services, la société française GSA versait à la société belge Eurologic Services des sommes importantes en rémunération des fonctions de direction générale exercées par Monsieur B. au sein de GSA.

 

À l'issue d'un ESFP, l'administration fiscale, estimant que les conditions de l'article 155 A du CGI étaient remplies, a imposé ces sommes directement au nom de Monsieur B. en France pour les années 2013 et 2014, appliquant une taxation d'office assortie d'une majoration de 40% pour défaut de dépôt de ses déclarations de revenus malgré une mise en demeure.

 

M.B a contesté ce redressement devant le TA de Montreuil, qui a rejeté sa demande. Il a fait appel de la décision.

 

La Cour administrative d'appel de Paris vient de rejeter la demande de M.B.

 

Concernant la charge de la preuve

La Cour a d'abord constaté que l'administration établissait sans difficulté les trois conditions d'application de l'article 155 A du CGI :

  • Monsieur B. exerçait bien ses fonctions de directeur général en France,
  • la rémunération était versée à sa société belge Eurologic Services,
  • et il contrôlait cette dernière en tant qu'associé unique.

L'administration a même relevé que la société belge refacturait à la société française les frais de déplacement et de logement de Monsieur B. en France, ce qui démontrait bien que les prestations étaient intrinsèquement liées à sa présence physique.

 

La charge de la preuve ayant été renversée, Monsieur B a tenté de démontrer la substance de sa société belge en se prévalant du fait qu'elle avait une activité préexistante, d'autres clients, que le chiffre d'affaires correspondant à l'activité de prestation de services ne représentait que 39 % de son chiffre d'affaires en 2013 et 49,5 % en 2014. et qu'elle employait des salariés.

La Cour a rejeté ces arguments. Elle a estimé que l'existence d'autres activités ne prouvait en rien que la société belge avait fourni une quelconque contrepartie réelle dans le cadre spécifique du contrat avec GSA. De plus, il est apparu que les salariés de la société belge étaient en réalité affectés à une autre branche d'activité (un centre de bien-être) et n'intervenaient nullement dans les prestations de direction facturées à GSA. Le contribuable échouait ainsi à démontrer "l'intervention propre" de sa société.

 

Toutefois, d'une part, la circonstance que la société belge avait conclu avant 2008 un contrat de prestation de services avec d'autres sociétés n'est pas de nature à établir qu'elle avait elle-même fourni à la société GSA les prestations mentionnées dans le contrat du 2 novembre 2008. D'autre part, le requérant n'établit pas que les salariés employés par la société Eurologic services étaient affectés à l'activité de prestation de services fournie à la société GSA. Il résulte au contraire de la réponse aux observations du contribuable que ces salariés étaient affectés à l'activité de centre de bien-être exploitée à compter de l'année 2012 par la société Eurologic services. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration a relevé que le chiffre d'affaires de la société Eurologic services était en grande partie réalisé avec la société GSA. Si M. B... soutient que la convention de prestation de services du 2 novembre 2008 ne porte pas uniquement sur des prestations de direction générale mais porte également, notamment, sur des missions de " représentation de l'entreprise GSA dans les entretiens avec les tiers pour la mise en place des plateformes d'activité ", de " recrutement de personnel cadre et non cadre ", de " mise en place d'un plan d'investissements et plan de trésorerie " ou encore d' " assistance informatique ", il ne produit, en tout état de cause, aucun élément permettant de démontrer que la société Eurologic services a réalisé de telles missions pour le compte de la société GSA. Enfin, la circonstance que le requérant a la qualité de résident fiscal belge est sans incidence dès lors que celui-ci ne conteste pas que les prestations fournies à la société GSA ont été réalisées en France. Dès lors, M. B... ne justifie pas que la facturation par la société Eurologic services aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et que le service ainsi rendu l'a été pour son compte.

Sur la question de la compatibilité avec le droit de l'UE, la Cour a écarté le grief d'atteinte à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services. Elle a repris la jurisprudence constante selon laquelle un dispositif anti-abus comme l'article 155 A, en ce qu'il ne vise que les montages artificiels dépourvus de substance économique réelle, ne constitue pas une restriction prohibée à ces libertés fondamentales.

 

Enfin, les arguments relatifs à une prétendue double imposition et à l'irrégularité de la pénalité de 40% ont été également rejetés. La Cour a rappelé que l'imposition d'une personne morale distincte (la société belge) ne pouvait caractériser une double imposition de la personne physique (M B.).

 

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Publié le lundi 29 septembre 2025 par La rédaction

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