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Prix de transfert

Transfert indirect de bénéfices et prise en charge par une filiale du coût d'une restructuration imposée par le groupe

Cette nouvelle décision porte sur la requalification en transfert indirect de bénéfices (Art57 du CGI) de la prise en charge, par une filiale française, de la quasi-totalité des coûts d'une lourde restructuration opérée par un groupe international.

 

 

Pour mémoire, aux termes de l’article 57 du CGI, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code :

Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (…) .

 

Ces dispositions instituent, dès lors que l’administration fiscale établit l’existence d’un lien de dépendance et d’une pratique entrant dans les prévisions de l’article 57 du CGI, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l’entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu’elle a consentis ont été justifiés par l’obtention de contreparties.

 

Rappel des faits :

La société KIHF appartient au groupe multinational K, spécialisé dans le développement et la fabrication de saveurs, d’arômes et de produits destinés aux industries agroalimentaires et pharmaceutiques. Elle est à la tête d’un groupe fiscalement intégré, auquel appartient la société KFLF, constituée en 2011 afin d’acquérir et d’exploiter le fonds de commerce de la société C France qui exerçait son activité de développement, de fabrication et de commercialisation d’une gamme d’arômes sur un site industriel situé à Grasse.

 

Cette acquisition s'est rapidement accompagnée d'une restructuration imposée par le groupe K dans le cadre de sa stratégie industrielle dénommée "OneKerry". Cette réorganisation a consisté en une régionalisation des départements de R&D, avec un transfert des expertises technologiques vers l'Italie et le Royaume-Uni, et un recentrage de la production française sur les arômes liquides et naturels.

Les conséquences sociales ont été lourdes : 77 suppressions d'emplois, soit 40% de l'effectif, dont 44 des 51 postes du département R&D. Le coût total de cette restructuration s'est élevé à 8 576 333 €, supporté presque intégralement par KFLF.

 

La société KFLF a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 qui a conduit l'administration à notifier des rehaussements d'impôt sur les sociétés. L'administration a notamment procédé au rehaussement du résultat imposable de l'exercice 2013 à hauteur de 4 437 656 € sur le fondement de l'article 57 du CGI.

9. Le service vérificateur a estimé qu’en supportant seule l’essentiel des charges liées au plan social, la société KFLF avait consenti un avantage non justifié par l’obtention de contreparties, et a procédé au rehaussement de son résultat imposable de l’exercice clos en 2013, sur le fondement des dispositions précitées de l’article 57 du code général des impôts, à concurrence d’un montant de 4 437 656 euros.

 

Sa réclamation ayant été rejetée, KIHF a demandé au TA de Lille de prononcer la décharge desdites cotisations auxquelles elle a été assujettie. Par un jugement du 14 décembre 2023, le tribunal a rejeté cette demande. KIHF a fait appel de la décision. 

 

  • Elle conteste l'existence même d'un transfert indirect de bénéfices et soutient que la réorganisation a fait l'objet de contreparties de la part du groupe Ket qu'elle a été menée dans l'intérêt propre de KFLF pour assurer le maintien de son activité après l'acquisition d'une société déficitaire (C).
  • Elle reproche à l'administration de ne pas avoir procédé à une comparaison avec le coût qui aurait été pratiqué par des sociétés indépendantes, arguant que cette analyse était nécessaire pour établir l'existence d'un avantage.
  • Concernant les contreparties alléguées, elle invoque une synergie du groupe en matière d'approvisionnement, des volumes de production supplémentaires et une politique de prix garantissant l'obtention d'une marge.
  • Enfin, elle soutient que la restructuration a permis d'assainir la situation financière de KFLF après l'acquisition du fonds déficitaire de C.

La société conteste par ailleurs la remise en cause d'une provision pour dépréciation de stocks de 583 070 € et d'un déficit reportable de 2 936 579 € de l'exercice 2012.

 

La cour vient de rejeter la requête de la SAS KIHF

 

Après avoir fait état de l'existence du lien de dépendance entre KFLF et le groupe K, elle s'est prévalue de plusieurs éléments pour apporter la preuve de l'absence de contreparties suffisantes.

  • elle a d'abort constaté que la restructuration avait été imposée par le groupe indépendamment des besoins propres de la filiale française ;
  • puis elle a mis en évidence le déséquilibre financier manifeste entre le coût supporté par KFLF (8,576 M€) et l'indemnité reçue (857 071 €, soit moins de 10%) ;
  • La cour a ensuite relevé l'absence d'éléments probants concernant les synergies alléguées, soulignant que le chiffre d'affaires de KFLF avait diminué après la restructuration ;
  • Enfin, elle a rejeté l'argument selon lequel la restructuration aurait assaini la situation financière de la société, relevant l'absence de justificatifs sur le déficit de Cargill et la persistance de résultats déficitaires pour KFLF après la restructuration.

Cette analyse a conduit la cour à considérer que l'administration avait démontré l'existence d'un avantage consenti "non par comparaison mais par nature", dispensant l'administration de toute analyse comparative avec des entreprises indépendantes.

16. Il résulte de ce qui précède que l’administration fiscale doit être regardée comme ayant démontré que la société KFLF avait consenti au groupe Kerry dans le cadre de la restructuration en cause, en l’absence de contreparties suffisantes, un avantage non par comparaison mais par nature.

 

La cour valide ainsi l'approche de l'administration selon laquelle aucun tiers indépendant n'aurait assumé la quasi-totalité des coûts d'une restructuration sans contrepartie correspondante, caractérisant ainsi un transfert indirect de bénéfices justifiant le redressement fiscal.

Publié le vendredi 26 septembre 2025 par La rédaction

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