On ne présente plus l’article 150-0 B ter du CGI, l'un des piliers de l’ingénierie patrimoniale, qui conditionne le maintien du report d’imposition en cas de cession rapide des titres apportés (moins de trois ans) à un réinvestissement économique. Dans une décision récente le juge de l'impôt a rappelé que ce réinvestissemen saurait être purement formel ou prospectif. La souscription au capital d’une société nouvellement créée, quelques jours avant l’expiration du délai butoir, ne suffit pas à purger le report si cette structure n'exerce aucune activité opérationnelle concrète à cette date
Pour mémoire, l’article 150‑0 B ter du CGI que l'on ne présente plus prévoit un mécanisme de report d’imposition obligatoire des plus-values réalisées lors de l’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur personne physique.
Ce report d’imposition expire notamment lorsque les titres apportés sont cédés par la société bénéficiaire de l’apport dans les trois ans à compter de celui-ci.
Par exception, le report d’imposition est maintenu si la société prend l’engagement de réinvestir le produit de cession, dans un délai de deux ans à compter de cette cession, à hauteur de 60 % au moins de ce produit (50 % s'agissant des cessions intervenues avant le 1er janvier 2019), dans certaines entreprises opérationnelles listées dans la loi, cette condition de réinvestissement ayant vocation à prévenir les abus.
Le régime de l'apport-cession (Art. 150-0 B ter du CGI) est de nouveau au cœur des discussions budgétaires. À l'occasion du PLF 2026, l'Assemblée Nationale avait adopté en commission et en séance publique une réforme d'ampleur visant à durcir les conditions de ce dispositif (relèvement du seuil de réinvestissement, suppression de la "purge" au décès, etc.). Bien que cette réforme n'ait finalement pas été validée à l'issue du vote sur la première partie du projet de loi, le Sénat, notamment par le biais d'un amendement déposé, fait savoir, à son tour, qu'il souhaite faire évoluer ce dispositif fiscal...en attente du texte définitif afin de savoir comment le régime de l'apport-cession va être réformé...
Rappel des faits :
Des contribuables avaient apporté des titres de sociétés d’exploitation (domaine viticole) à une holding RBI le 15 décembre 2015, laquelle les avait cédés deux jours plus tard. Pour conserver le bénéfice du report d'imposition sur la plus-value d'apport, la holding disposait d'un délai de deux ans pour réinvestir 50 % du produit de cession, soit jusqu'au 17 décembre 2017.
Le réinvestissement a finalement eu lieu in extremis le 8 décembre 2017, soit neuf jours avant l’échéance, via la souscription au capital d’une société nouvellement créée RBV ayant pour objet la viticulture.
L'administration fiscale a remis en cause ce report au motif que la société bénéficiaire des fonds n'avait aucune activité réelle à la date de l'opération. Les contribuables ont saisi la juridiction administrative.
Le litige portait sur l'interprétation de la condition d'activité de la société cible du réinvestissement. Les requérants soutenaient que des démarches préparatoires avaient été entreprises (recherche de parcelles viticoles) et que l'échec de ces projets initiaux avait conduit à une réorientation ultérieure vers une activité para-hôtelière.
Le tribunal vient de rejetter la requête des contribuables M. B et Mme A.
Pour être éligible, le réinvestissement doit financer une activité économique existante ou dont le démarrage est effectif à la date de l'apport des fonds. Le juge de l'impôt relève ici que la société RBV, immatriculée le jour même du réinvestissement, n'exploitait rien au 8 décembre 2017. Les démarches antérieures réalisées par l'associé personne physique à titre personnel ne pouvaient être imputées à la société non encore constituée, faute de preuve d'un mandat ou d'une reprise d'actes formelle.
Cette décision s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d'État qui refuse de valider des réinvestissements dans des coquilles vides ou des projets trop hypothétiques. Le simple objet social statutaire ne suffit pas....la réalité économique prime.
En créant la société cible neuf jours avant la date butoir, les contribuables se sont privés de la possibilité de démontrer un début d'activité tangible (achat de foncier, embauche, contrats, etc.) avant l'expiration du délai de deux ans. Le tribunal souligne que l'activité ultérieure (location en 2018 et 2019) est inopérante pour valider rétroactivement le réinvestissement.
il ne résulte pas de l'instruction que la société RB VIGNOBLES, créée le 8 décembre 2017, soit neuf jours avant l'expiration du délai de deux ans imparti pour le réinvestissement du produit de la cession, aurait effectivement exercé une activité, a fortiori une activité conforme à son objet social, au jour du réinvestissement. En particulier, si les requérants font valoir que des démarches ont été accomplies en 2016 et 2017 par M. B... en vue d'acquérir des parcelles viticoles situées à Orgon (Bouches-du-Rhône) pour le compte de la société RB VIGNOBLES, une telle circonstance est sans incidence sur le respect des conditions posées par le 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts dès lors qu'elle n'est pas de nature à démontrer la réalité de l'exercice d'une activité opérationnelle de nature économique par la société RB VIGNOBLES à la date du réinvestissement. D'autre part, il n'est pas établi que les démarches en vue de l'acquisition de parcelles viticoles dont se prévalent les requérants et qui n'ont en tout état de cause pas abouti auraient été effectuées pour le compte de la société RB VIGNOBLES ou, à tout le moins, dans la perspective de sa création. Il ne résulte, par conséquent, pas de l'instruction que le réinvestissement en litige présentait une nature économique. Enfin, si les requérants font valoir que la société RB VIGNOBLES a exercé une activité para-hôtelière au cours des années 2018 et 2019, une telle circonstance est sans incidence, dès lors que l'exercice d'une activité de nature économique doit s'apprécier à la date du réinvestissement
Le réinvestissement dans une société créée ex nihilo est possible, mais il suppose que celle-ci démarre son cycle d'exploitation immédiatement ou dispose d'actifs opérationnels dès la souscription.