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Impôt sur la fortune

Imposition à l'ISF des parts de SCI françaises détenues par des résidents luxembourgeois

Le juge judiciaire apporte d'importantes précisions sur l'interprétation de la convention fiscale franco-luxembourgeoise en matière d'imposition des parts de SCI. Cette décision, qui rejette le pourvoi formé par des résidents luxembourgeois, confirme la position de l'administration fiscale sur l'assimilation des parts de SCI à des biens immobiliers pour l'application de l'ISF.

 

La question centrale portait sur l'articulation entre le droit interne français et les stipulations de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, particulièrement en ce qui concerne l'imposition à l'ISF de parts de SCI françaises détenues par des personnes physiques résidentes fiscales du Luxembourg.

 

En droit interne français, l'article 885 A du CGI, applicable en 2017, soumettait à l'ISF les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, sur l'ensemble de leur patrimoine mondial, ainsi que les non-résidents, mais uniquement sur leurs biens situés en France. Par ailleurs, l'article 8 du CGI prévoit que, dans les sociétés visées, notamment les sociétés civiles immobilières, les associés sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.

 

La convention fiscale franco-luxembourgeoise (dans sa rédaction de 1958) contient plusieurs dispositions pertinentes pour cette affaire :

  • L'article 20, §1 prévoit que l'impôt sur la fortune constitué par des biens immobiliers ne peut être perçu que dans l'État contractant autorisé à imposer le revenu provenant de ces biens.
  • L'article 3, §3 stipule que les gains tirés de l'exploitation ou de l'aliénation d'immeubles réalisés via des sociétés sans personnalité distincte de leurs membres ne sont imposables que dans l'État de situation des immeubles.
  • Enfin, l'article 3, §4 précise que les gains provenant de l'aliénation de parts dans une entité dont l'actif est constitué pour plus de 50% de biens immobiliers situés dans un État contractant ne sont imposables que dans cet État.

 

Rappel des faits :

Les époux E, résidents fiscaux luxembourgeois, ont déclaré détenir des parts dans deux SCI françaises  dans leur déclaration d'ISF 2017, pour lesquelles ils ont acquitté 25.173 € d'impôt.

Le 14 juin 2018, ils ont formé une réclamation contentieuse visant à obtenir le dégrèvement de cette somme, estimant avoir inclus à tort ces parts dans leur patrimoine taxable en France. Selon leur interprétation de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, ces parts auraient dû être imposées au Luxembourg, et non en France.

L'administration fiscale a rejeté leur réclamation le 8 août 2018, ce qui a conduit les contribuables à saisir le tribunal. Après des décisions défavorables en première instance puis devant la Cour d'appel de Paris le 12 décembre 2022, les époux E se sont pourvus en cassation.

 

Les demandeurs ont articulé leur pourvoi de la façon suivante :

  • Tout d'abord, ils soutienent que, selon la convention franco-luxembourgeoise qui prévaut sur le droit interne en vertu de l'article 55 de la Constitution, les parts de SCI ayant leur siège en France ne peuvent être considérées comme des biens immobiliers et ne devraient donc pas entrer dans l'assiette de l'ISF dû en France par des résidents luxembourgeois.
  • Ensuite, ils contestent l'assimilation faite par la Cour d'appel entre les SCI et des sociétés sans personnalité fiscale propre, soulignant que, même si les bénéfices des SCI sont imposés directement entre les mains des associés, ces sociétés disposent néanmoins d'une personnalité juridique distincte.

 

La Haute juridiction judiciaire a rejeté les arguments des époux E

 

Sur la première branche du moyen, la Cour a procédé à une interprétation combinée des articles 20, §1 et 3, §3 et §4 de la convention fiscale. Elle en a conclu que :

les parts de sociétés civiles immobilières ayant leur siège social en France et propriétaires de biens immobiliers situés en France doivent être regardées comme des biens immobiliers au sens de la convention.

 

Cette interprétation rejette donc frontalement la thèse des demandeurs selon laquelle ces parts ne pouvaient être assimilées à des biens immobiliers.

 

Sur la deuxième branche, la Cour a considéré que, dès lors que les SCI en cause relevaient de l'article 8-1° du CGI, leurs résultats étant déclarés par chaque associé en proportion de sa participation, l'article 3, §3 de la convention fiscale imposait que ces résultats soient imposés en France, lieu de situation des immeubles. La Cour précise que cette règle s'applique

peu important que ces sociétés disposent par ailleurs d'une personnalité fiscale propre

écartant ainsi l'argument des demandeurs relatif à la personnalité juridique des SCI (Translucidité et non transparence fiscale)

 

Cet arrêt confirme le pouvoir d'imposition de la France sur les parts de SCI françaises relevant de l'article 8 du CGI  détenues par des résidents luxembourgeois au titre de l'ISF (et vraisemblablement, par extension, de l'IFI qui l'a remplacé).

 

Publié le lundi 7 avril 2025 par La rédaction

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