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Plus-values immobilières

Plus-value immobilière et majoration du prix d'acquisition pour travaux : la preuve du paiement effectif des dépenses s'impose

Nouvelle illustration des exigences probatoires en matière de majoration du prix d'acquisition pour le calcul des plus-values immobilières. Cette décision s'inscrit dans le prolongement d'une jurisprudence déjà bien établie tout en apportant des précisions utiles sur la nature des justificatifs attendus et sur les limites des tolérances administratives invoquées par les contribuables.

 

En matière de détermination d'une plus-value immobilière, le prix d'acquisition peut, sur justificatifs, être majoré de certaines dépenses limitativement énumérées à l'article 150 VB-II du CGI. Parmi celles-ci figurent, au 4° de cet article,

les dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives.

Ce même article prévoit également que lorsque le contribuable, qui cède un immeuble bâti plus de cinq ans après son acquisition, n'est pas en état d'apporter la justification de ces dépenses, une majoration forfaitaire égale à 15% du prix d'acquisition est pratiquée.

 

Nous attirons votre attention concernant un courant jurisprudentiel (CAA de Lyon du 5 juin 2018, n° 17LY00630, TA de Pau, du 15 avril 2024, n° 2201290) en vertu duquel l’application du forfait de 15 % pour travaux en majoration du prix d’acquisition serait refusé en l’absence de travaux réalisés par le vendeur.

 

 

Enfin, s'agissant des modalités de justification de ces dépenses, l'article 74 SI de l'annexe II au CGI précise que

les pièces justifiant des frais ou charges mentionnés au III de l'article 150 VA et au II de l'article 150 VB du code général des impôts sont fournies par le contribuable sur demande de l'administration.

 

 

Rappel des faits :

M. B. a réalisé des plus-values immobilières lors de la cession de quatre appartements situés à Ambérieux en Bugey et d'une maison située à Ambronay au cours des années 2018, 2019 et 2020. Pour le calcul de ces plus-values, il a souhaité majorer le prix d'acquisition des biens par des dépenses de travaux qu'il estimait avoir supportées.

 

L'administration fiscale a remis en cause les justificatifs produits par le contribuable et avait, par conséquent, rejeté une partie des dépenses de travaux invoquées, tout en appliquant, le cas échéant, la majoration forfaitaire de 15% du prix d'acquisition prévue par l'article 150 VB du CGI pour les immeubles détenus depuis plus de cinq ans.

 

M. B. a alors saisi le tribunal administratif de Lyon pour contester cette position, en demandant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années concernées.

 

 

Pour contester la position de l'administration M. B :

  • invoque l'article L. 102 B du LPF relatif au délai de conservation des documents comptables, estimant que l'administration ne pouvait exiger la production de factures datant de plus de six ans.
  • soutient que l'administration ajoute à la loi en exigeant la preuve du paiement effectif des factures de travaux, alors que selon lui, la production des factures suffisait à démontrer l'effectivité des travaux.
  • considère que les documents produits (devis, bons de commande, factures) suffisent pour démontrer la réalité des dépenses, même si certains étaient incomplets ou établis au nom d'autres personnes (entreprise B, indivision "D B A").
  • se prévaut d'une tolérance administrative prévue par la réponse ministérielle n°19215 du 13 septembre 1975, qui admet des justificatifs autres que des factures lorsque celles-ci n'existaient plus et qu'aucun duplicata ne pouvait être délivré.

 

Le tribunal administratif a rejeté l'ensemble des arguments du contribuable et confirmé la position de l'administration fiscale.

 

  • Concernant l'application du délai de conservation des documents

Le tribunal a jugé que M. B. ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 102 B du LPF, relatif au délai de conservation des documents comptables, qui n'étaient pas applicables en l'espèce. Le tribunal rappelle implicitement que la charge de la preuve des dépenses de travaux incombe au contribuable, et que ce dernier doit donc conserver tous les documents utiles à cette fin, quelle que soit leur ancienneté.

  • Concernant l'exigence de preuve du paiement effectif des dépenses

Le tribunal a estimé qu'en subordonnant la prise en compte des dépenses de travaux à la justification de leur paiement effectif, l'administration n'avait pas fait une inexacte application de la loi fiscale. Il a rappelé qu'il appartient au contribuable de justifier non seulement de la nature précise des dépenses comptabilisées, mais également du fait qu'il les a effectivement supportées, c'est-à-dire acquittées.

 

  • Concernant les justificatifs produits par le contribuable

Le tribunal a constaté que les documents produits par M. B. présentaient diverses insuffisances :

    • certains ne tenaient pas lieu de factures (devis, bons de commande),
    • d'autres étaient insusceptibles de se rattacher aux biens vendus (absence d'adresse du chantier ou adresse incomplète),
    • d'autres encore étaient établis au nom de tiers (entreprise B, indivision "D B A"), étaient incomplets ou faisaient doublon.

En outre, le contribuable n'avait pas justifié du règlement effectif de ces dépenses, les relevés de comptes produits n'étant pas corrélés à des factures précises.

 

Dans ces conditions, le tribunal a jugé que M. B. n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, qu'il avait effectivement et personnellement supporté ces dépenses. Il a donc validé la position de l'administration qui avait refusé de déduire de la plus-value imposable le montant correspondant à ces dépenses de travaux, tout en appliquant, le cas échéant, la majoration forfaitaire de 15% prévue par l'article 150 VB du CGI.

 

Précison que le tribunal a écarté l'argument tiré de la réponse ministérielle n°19215 du 13 septembre 1975, en relevant que cette réponse concernait le calcul des plus et moins-values professionnelles, et non immobilières, et qu'elle avait été rapportée antérieurement aux cessions litigieuses, n'ayant pas été reprise dans la base documentaire BOFIP-impôts. De même, le tribunal a jugé que l'instruction publiée le 20 décembre 2013 au BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20 ne comportait pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle retenue dans son jugement.

 

TL;DR

 

Le tribunal rappelle que la charge de la preuve des dépenses de travaux pèse intégralement sur le contribuable. Cette preuve doit être double : il convient de justifier non seulement de la nature précise des dépenses, mais aussi de leur paiement effectif par le contribuable lui-même.

La décision illustre également les exigences précises concernant les justificatifs requis :

  • Les devis et bons de commande ne constituent pas des justificatifs suffisants
  • Les factures doivent comporter une adresse précise permettant de les rattacher au bien immobilier vendu
  • Les factures doivent être établies au nom du contribuable qui demande la majoration (et non au nom d'une entreprise ou d'une indivision)
  • Les factures ne doivent pas être incomplètes ou faire doublon
  • La preuve du paiement doit être établie par des documents permettant de corréler les paiements aux factures correspondantes

Le délai de conservation des documents comptables prévu par l'article L. 102 B du LPF (généralement six ans) n'est pas opposable à l'administration en matière de plus-values immobilières. 

La décision rappelle implicitement l'intérêt de la majoration forfaitaire de 15% prévue par l'article 150 VB du CGI pour les immeubles détenus depuis plus de cinq ans. Cette majoration, qui s'applique lorsque le contribuable n'est pas en mesure de justifier des dépenses de travaux, constitue une solution alternative qui peut s'avérer avantageuse (avec le bémol rappelé ci-avant).

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Publié le lundi 19 mai 2025 par La rédaction

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