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Prélèvements sociaux sur les plus-values immobilières des non résidents : la difficile preuve de l'affiliation sociale étrangère

L'arrêt "De Ruyter" avait ouvert une brèch dans l'édifice des prélèvements sociaux français en consacrant le principe d'unicité de législation sociale : un contribuable affilié à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre ne saurait être assujetti aux contributions sociales françaises sur ses revenus du patrimoine. Dix ans plus tard, le juge de l'impôt nous rappelle que ce principe libératoire n'est pas un sésame automatique. Dans une nouvelle décision, il vient de rejeter la demande de décharge d'un ressortissant européen qui, faute d'avoir constitué un dossier probatoire suffisant, échoue à démontrer son rattachement exclusif à un régime social étranger. L'exonération des prélèvements sociaux requiert la constitution d'un dossier de preuve solide contemporain à l'opération. 

 

Le règlement européen 883/2004 pose un principe essentiel : une personne ne peut être soumise qu'à la législation de sécurité sociale d'un seul État membre. Or, la loi de finances rectificative pour 2012 avait étendu les prélèvements sociaux aux revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents, y compris ceux affiliés à un régime social dans un autre pays européen.

 

Cette extension a été censurée par la CJUE dans l'arrêt "de Ruyter" de février 2015, confirmé par le Conseil d'État : impossible de soumettre à la CSG une personne relevant d'un autre régime européen. Le législateur a tenté de contourner cette jurisprudence avec la LFSS 2016, en affectant le produit de ces prélèvements à des organismes finançant des prestations non contributives, théoriquement hors du champ du règlement européen.

 

Ce montage a finalement été abandonné. Depuis le 1er janvier 2019, la LFSS 2019 exonère de CSG et de CRDS les plus-values immobilières des personnes relevant d'un régime de sécurité sociale d'un autre État membre. Seul le prélèvement de solidarité de 7,5 %, affecté au budget général de l'État, reste dû par ces contribuables.

 

Rappel des faits :

Un ressortissant allemand, Monsieur B., a cédé le 27 mai 2016 un bien immobilier situé à Antibes. Cette opération a généré une plus-value immobilière assujettie, conformément au droit interne alors en vigueur, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Le requérant a acquitté ces sommes mais a ultérieurement sollicité la décharge des prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvements additionnels), invoquant sa situation de non-résident social et l'application du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Après un rejet de sa demande par le TA de Montreuil le 7 octobre 2021, et un premier arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 20 décembre 2023 défavorable au requérant, le Conseil d'État a annulé ce dernier arrêt le 19 mai 2025.

 

La Cour avait estimé estimé que M. B ne pouvait invoquer le bénéfice du règlement européen dès lors qu’il ne justifiait pas de sa résidence, en 2016, dans un État de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou en Suisse. Pour la cour, la condition de résidence figurait parmi les exigences de l’article 2 du règlement (CE) n° 883/2004. Pour le Conseil d'Etat administrative, en considérant que la résidence était une condition nécessaire à l’application du règlement à un ressortissant allemand affilié en Suisse, la cour d’appel a  commis une erreur de droit.

 

 

L'affaire a donc été renvoyée devant la Cour administrative d'appel de Paris.

 

La question posée aux juges d'appel était de savoir si le contribuable apportait la preuve suffisante de son assujettissement exclusif à un régime de sécurité sociale étranger (suisse ou allemand), condition sine qua non pour écarter l'application de la législation sociale française.

  • M.B soutenait, à titre principal, être affilié au régime de sécurité sociale suisse au titre de l'année 2016. Il invoquait à cet égard la perception de revenus professionnels versés par une fondation suisse dont il assurait la présidence. À titre subsidiaire, il arguait de son assujettissement au régime allemand en raison de la perception d'une pension de retraite de source allemande. Il demandait, le cas échéant, le renvoi d'une question préjudicielle à la CJUE pour clarifier les critères d'affiliation.
  • Le ministre de l'Économie s'opposait à ces prétentions, considérant que les éléments factuels apportés ne démontraient pas une affiliation effective et obligatoire au sens du règlement européen.

 

La Cour administrative d'appel de Paris vient de rejeter les prétentions de M.B

 

Concernant l'affiliation suisse, la Cour relève que la simple perception d'une somme de 10 540 € versée par la fondation suisse ne suffit pas à caractériser l'exercice d'une activité professionnelle, salariée ou non, au sens de l'article 1er du règlement n° 883/2004. Plus encore, la pièce justificative produite, un simple extrait de compte individuel d'une caisse cantonale de compensation, attestait seulement de la déclaration de cette somme mais ne prouvait pas l'affiliation effective à un régime de protection sociale complet.

 

D'une part, M. B... soutient qu'au titre de l'année 2016 il a perçu des revenus professionnels versés par la Fondation JAF sise en Suisse et dont il est le président et qu'ayant exercé une activité professionnelle en Suisse, il était affilié à titre obligatoire à un régime de sécurité sociale suisse.

Toutefois, d'une part, la seule circonstance que la Fondation JAF ait versé à M. B... au titre de l'année 2016 la somme de 10 540 euros n'est pas suffisante pour établir que celui-ci a exercé une activité professionnelle salariée ou non salariée en Suisse au sens des dispositions du b de l'article 1er du règlement précité.

D'autre part, pour justifier qu'il était affilié à un régime de sécurité sociale en Suisse en 2016, le requérant se borne à produire un extrait de compte individuel établi à son nom par une caisse cantonale de compensation qui, s'il permet d'établir que cette somme de 10 540 euros a été déclarée auprès de cette caisse, n'est pas suffisante pour établir l'affiliation de M. B... à un régime de sécurité sociale suisse. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'ayant été affilié à un régime de sécurité sociale en Suisse, il ne pouvait être soumis aux prélèvements sociaux en France en 2016.

 

Concernant l'affiliation allemande, la Cour écarte l'argument tiré de la perception d'une pension de retraite. En application de l'article 11 du règlement, les titulaires de pensions et rentes relèvent en principe de la législation de leur État de résidence, à défaut d'activité professionnelle. Or, le requérant, qui revendiquait une résidence en Suisse, n'a produit qu'un certificat de domicile établi en 2020, soit postérieurement aux faits, jugé insuffisant pour établir la réalité de sa résidence en Suisse durant l'année litigieuse 2016. Faute de prouver une résidence effective en Suisse ou en Allemagne, le requérant échoue à démontrer qu'il relevait d'une législation sociale étrangère exclusive.

D'autre part, M. B... soutient qu'il percevait en 2016 une pension de retraite allemande et doit ainsi être regardé comme ayant bénéficié d'une des prestations énumérées par l'article 3 du règlement et comme ayant été affilié à un système de sécurité sociale d'un Etat membre.

Toutefois, les bénéficiaires de pensions de retraite lorsqu'ils n'entrent pas, par ailleurs, dans les cas visés aux points a) à d) du paragraphe 3 de l'article 11 du règlement du 29 avril 2004, sont, dès lors, en application du e) de ce paragraphe, soumis à la législation de leur Etat de résidence sans préjudice, toutefois, des prestations que le règlement leur garantit en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres Etats membres. En l'espèce, tel qu'il a été dit au point précédent, M. B... n'établit pas avoir exercé une activité professionnelle non salariée en Suisse et n'entre donc pas dans le cas visé au a) du paragraphe 3 de l'article 11 du règlement. Il est par ailleurs constant qu'il n'entre pas davantage dans les cas prévus aux points b) à d) de ce paragraphe. Il y a ainsi lieu d'apprécier si en 2016 M. B... avait sa résidence dans un Etat membre.

Or si le requérant, qui n'établit ni même n'allègue qu'il résidait en Allemagne, soutient qu'en 2016 il résidait en Suisse il se borne à produire un certificat de domicile établi le 6 février 2020 indiquant qu'il réside depuis le 8 décembre 2011 à Saint-Moritz, lequel n'est pas suffisant pour établir la réalité de cette résidence suisse.

Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que du fait de la perception d'une pension de retraite en Allemagne il devait être regardé comme affilié au régime de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne ou de la Confédération suisse.

 

Publié le mardi 2 décembre 2025 par La rédaction

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