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Plus-values mobilières

Régime fiscal des plus-values de cession de BSPCE : l'exigence d'une rémunération effective pour le décompte de la durée d'activité

Cette décision intéresse particulièrement les dirigeants d'entreprises innovantes dans la mesure où elle précise la notion d'« activité » au sens de l'article 163 bis G du CGI et les conditions de décompte de la durée minimale de trois ans requise pour bénéficier du taux réduit d'imposition des plus-values résultant de la cession de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE)

 

Le régime fiscal des BSPCE est défini par l'article 163 bis G du CGI. Ce dispositif a été créé pour favoriser l'attractivité des jeunes entreprises innovantes, en permettant à celles-ci d'intéresser leurs salariés et dirigeants au capital de l'entreprise dans des conditions fiscales avantageuses. Dans sa rédaction applicable au litige (Loi du 6 août 2015), cet article disposait :

« I. – Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons attribués dans les conditions définies aux II à III est imposé dans les conditions prévues à l'article 150-0 A et au taux de 19 %.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le taux est porté à 30 % lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société dans laquelle il a bénéficié de l'attribution des bons depuis moins de trois ans à la date de la cession. [...]

II. – Les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, aux membres de leur personnel salarié et à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés ».

Le dispositif instaure ainsi une différenciation de taux d'imposition (19% ou 30%) selon que le bénéficiaire a exercé ou non son activité dans la société émettrice pendant au moins trois ans à la date de la cession des titres souscrits en exercice des BSPCE.

 

Pour mémoire l'article 92 de la LF2025 a clarifié le régime fiscal des BSPCE suite à deux décisions du Conseil d'État ayant invalidé une interprétation de l'administration fiscale. Il a introduit une distinction fondamentale entre gains d'exercice (de nature salariale) et gains de cession (de nature patrimoniale).  Pour les premiers, un taux spécifique de 12,8% est maintenu avec option possible pour le barème progressif. Pour les seconds, le régime de droit commun des plus-values mobilières s'applique, ouvrant droit aux dispositifs de sursis et de report d'imposition. Concernant l'éligibilité au PEA, le texte a confirmé l'interdiction d'inscrire des BSPCE et les titres souscrits en leur exercice, allant à l'encontre de la jurisprudence administrative récente. 

Dans une proposition de loi récente visant à moderniser et assouplir le dispositif des BSPCE, le député Paul Midy propose notamment (Art. 3) une réduction de la condition d'ancienneté afin d'harmoniser le régime fiscal favorable pour les salariés ayant plus d'un an d'ancienneté, contre trois ans actuellement.

Rappel des faits :

Les époux C ont cédé, le 15 mai 2018, respectivement 21.600 et 2.400 actions qu'ils détenaient dans le capital de la société V à une société dénommée Stan Holding. La plus-value réalisée à cette occasion a été déclarée par les contribuables dans leur déclaration des revenus de 2018 et soumise aux contributions sociales, à la contribution sur les hauts revenus, ainsi qu'à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8% prévu à l'article 200 A-B-1° du CGI.

Par une réclamation du 23 avril 2020, les époux C ont demandé que soit imputée sur la plus-value imposable réalisée par Mme C la valeur d'origine des actions ressortant d'une donation antérieure et que soit prise en compte la cession de 2.400 actions en exercice de BSPCE sous le bénéfice du régime de faveur prévu par l'article 163 bis G du CGI.

Par une décision d'admission partielle du 29 novembre 2021, l'administration fiscale a fait droit à cette demande en réduisant à 9 € la plus-value imposable au nom de Mme C et en modifiant le prix d'acquisition des 2.400 actions cédées en exercice des BSPCE. Toutefois, elle a décidé, par voie de compensation, que la plus-value ainsi recalculée sur la cession de ces 2.400 actions serait imposée à l'impôt sur le revenu au taux de 30% au lieu de 12,8%.

Les époux C ont alors saisi le Tribunal administratif de Strasbourg pour contester cette décision, demandant que la plus-value litigieuse soit soumise au taux de 12,8%. Par jugement du 17 octobre 2022, le tribunal a rejeté leur demande, décision dont les contribuables ont interjeté appel devant la Cour administrative d'appel de Nancy.

 

  • Les époux C soutiennent que l'administration a indûment taxé au taux de 30% la plus-value de cession des actions souscrites en exercice des BSPCE, en leur refusant le bénéfice du taux de 12,8%. Ils font valoir que M. C exerce son activité au sein de la société V depuis 2013 en tant que programmeur et qu'il a été nommé DG délégué le 1er octobre 2013, ce qui lui confère un statut de salarié. Ils estiment que la circonstance qu'il n'ait pas été rémunéré est sans incidence sur l'existence de son activité au sein de la société et que la seule qualité de DG délégué lui confère le bénéfice du statut de salarié, sans exigence d'une rémunération pour l'appréciation de la durée de son activité, en application de l'instruction administrative BOI-RSA-ES-20-40 au 12 août 2014.

 

La CAA de Nancy vient de rejeter la requête des époux C 

 

Tout d'abord, la cour interprète la notion d'« activité » au sens de l'article 163 bis G du CGI. Elle considère que l'activité visée au deuxième alinéa du I de cet article, de nature à exclure le bénéfice du taux réduit de 19% si elle a été exercée durant moins de trois années à la date de la cession,

doit s'entendre d'une activité ayant donné lieu, au sein de l'entreprise émettrice, à une rémunération de nature salariale ou relevant du régime fiscal des salaires

 

Appliquant cette interprétation aux faits de l'espèce, la cour constate que si M. C a été nommé DG délégué de la société V le 1er octobre 2013, il n'a commencé à percevoir des salaires de cette société qu'à compter de l'année 2016, comme en attestent ses déclarations de revenus. La simple mention sur ses fiches de paie d'une ancienneté remontant au 13 avril 2013 ne suffit pas à établir une activité salariée en l'absence de perception de rémunération ou de toute autre pièce justificative, notamment une décision de l'assemblée générale des associés.

Partant, la cour estime que c'est à juste titre que l'administration a soumis la plus-value litigieuse au taux de 30%, M. C n'ayant pas exercé une activité rémunérée d'au moins trois ans au sein de l'entreprise à la date de la cession 

 

Dans un second temps, la cour a examiné l'argument des époux C sur l'article L. 80 A du LPF, invoquant la doctrine BOFIP BOI-RSA-ES-20-40 au 12 août 2014 qui précise que « dans les SA et les SAS, les dirigeants éligibles sont le président du conseil d'administration, les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués et les membres du directoire » 

 

Pour mémoire, l'article L. 80 A du LPF permet aux contribuables de se prévaloir de l'interprétation administrative des textes fiscaux, soit lorsqu'ils ont déjà fait l'objet d'un redressement (premier alinéa), soit lorsqu'ils ont appliqué le texte fiscal conformément à l'interprétation qu'en avait donné l'administration (second alinéa).

 

La cour écarte cet argument pour deux raisons :

  • D'une part, les impositions dont les époux C demandent la réduction sont des impositions primitives et ne résultent pas d'un rehaussement. Les requérants ne peuvent donc pas se prévaloir de l'instruction sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF 
  • D'autre part, les requérants n'ont pas fait état de l'exercice de BSPCE lors du dépôt de leur déclaration et ne se sont pas prévalus du régime correspondant. N'ayant pas appliqué l'instruction lors du dépôt de leur déclaration, ils ne peuvent pas soutenir que la cotisation d'impôt a été établie contrairement à ses prévisions. Ils ne peuvent donc pas non plus se prévaloir de l'instruction sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF 

 

Le juge de l'impôt précise la notion d'« activité » au sens de l'article 163 bis G du CGI, en exigeant une rémunération effective.

Cette interprétation restrictive limite la portée du régime de faveur des BSPCE en excluant les périodes d'activité non rémunérée du décompte de la durée minimale de trois ans requise pour bénéficier du taux d'imposition réduit. Cette position aura un impact significatif pour les fondateurs de start-ups qui, fréquemment, démarrent leur activité sans se verser de rémunération dans les premières années.

 

Publié le mercredi 21 mai 2025 par La rédaction

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