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Droits de mutation et Dutreil

Pacte Dutreil et Holding : la matérialité de l'animation du groupe...condition "sine qua non" du régime d'exonération

Dans le cadre d'une donation-partage au titre de laquelle les donataires se prévalaient du régime d'exonération partielle "Pacte Dutreil" le juge de l'impôt vient nous rappeler les conditions permettant de qualifier une société holding d'animatrice et l'exigence de preuve tangible d'une animation effective du groupe de sociétés.

 

Le régime du "Pacte Dutreil", codifié à l'article 787 B du CGI, permet de bénéficier d'un abattement de 75% sur la valeur des titres transmis par donation ou succession, sous certaines conditions. Ce dispositif fiscal vise à faciliter la transmission d'entreprises familiales en allégeant considérablement le coût fiscal de ces opérations.

 

Pour être éligibles, les titres transmis doivent concerner des sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les sociétés holdings peuvent également bénéficier de ce régime, mais uniquement lorsqu'elles sont qualifiées d'"animatrices de groupe", c'est-à-dire lorsqu'elles participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales, et rendent, le cas échéant, des services spécifiques aux filiales (administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers).

Pour mémoire, lors de sa mise à jour de la base BOFIP-Impôts du 30 mai 2024, l'administration a tiré les conséquences des aménagements opérés par l'article 23 de la Loi de Finances pour 2024 (LF2024) et partant apporté des précisions concernant l'appréciation du caractère animateur de la Holding au §55 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 

Comme en témoigne les nombreuses décisions relayées sur notre site, la qualification de Holding animatrice pose encore difficulté aujourd'hui notamment pour la mise en oeuvre de l'exonération Dutreil (Art. 787 B du CGI)

 

Rappel des faits :

Par acte du 5 septembre 2014, M. et Mme L ont donné à leurs enfants KL et EL  la nue-propriété de 1428 actions de la SAS S. Les donataires entendaient bénéficier du régime de faveur prévu à l'article 787 B du CGI, considérant que la SAS S était une holding animatrice.

Suite à une vérification de comptabilité de la société S engagée en mai 2017, l'administration fiscale a remis en cause cette qualification et, par conséquent, l'application du régime d'exonération partielle. Une proposition de rectification a été adressée à M KL le 18 août 2017, conduisant à une imposition supplémentaire de 493.716 € en droits, assortie de 67.145 € d'intérêts de retard.

Après rejet de sa réclamation, M. KL a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Denis qui, par jugement du 13 juin 2023, a annulé la décision de rejet et l'avis de mise en recouvrement, donnant ainsi gain de cause au contribuable.

 

L'administration fiscale a fait appel de cette décision.

 

Elle soutient principalement que la SAS S ne peut être qualifiée de holding animatrice, faute de démontrer qu'elle définit réellement et de manière effective une politique d'ensemble pour le groupe et assure un suivi auprès des filiales. Elle conteste également le bénéfice de la dispense d'intérêts de retard au titre de la mention expresse, considérant que le simple renvoi aux articles 779 et suivants du CGI dans l'acte de donation-partage, sans explication détaillée, était insuffisant.

 

M. KL argue quant à lui que l'administration n'a pas tenu compte de l'activité réelle de la société S et de la part majoritaire des filiales opérationnelles dans cette société. Il soutient également que l'administration a changé de fondement juridique en cours de procédure et commis un détournement de procédure en exploitant des renseignements obtenus lors d'une vérification de comptabilité irrégulière. Enfin, il considére que les motifs de droit et de fait valant mention expresse exonératoire des intérêts de retard ont été exposés dans un acte d'engagement collectif complétant l'acte de donation-partage.

 

La Cour d'appel vient d'infirmer le jugement de première instance et de confirmer la décision de rejet de l'administration fiscale.

 

Concernant la qualification de holding animatrice

C'est sur ce point que la Cour d'appel a tranché en faveur de l'administration fiscale. Elle a jugé que la SAS S ne pouvait être qualifiée de holding animatrice, faute de preuves suffisantes quant à :

  • sa participation active à la conduite de la politique du groupe en matière de stratégie, développement ou investissements ;
  • le caractère effectif et essentiel des interventions du dirigeant dans la détermination de la politique des filiales ;
  • l'existence d'actions précises définies par la holding qui s'imposent aux filiales et qui ont été suivies d'effets.

La Cour a relevé l'absence de documents probants tels qu'une convention écrite d'animation précisant la politique définie par la holding, des comptes rendus réguliers sur l'application de cette politique, ou encore des procès-verbaux de réunions établissant la réalité de l'animation.

 

S'agissant de la dispense d'intérêts de retard au titre de la mention expresse, la Cour a jugé que le simple renvoi aux articles 779 et s du CGI dans l'acte de donation-partage, sans explications destinées à attirer l'attention de l'administration, ne permettait pas de bénéficier de cette dispense. De même, le seul dépôt d'un acte d'engagement collectif de conservation des titres ne pouvait être considéré comme une mention expresse motivée en droit ou en fait.

 

Cette décision s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence qui exige une animation effective et documentée pour qu'une holding puisse bénéficier du régime de faveur prévu à l'article 787 B du CGI.

Elle rappelle que la charge de la preuve du caractère animateur de la holding incombe au contribuable, qui doit être en mesure de produire des éléments tangibles établissant la réalité de l'animation.

L'arrêt souligne l'importance d'une documentation juridique solide et précise pour établir le rôle d'animateur de la holding :

  • convention d'animation,
  • procès-verbaux de réunions,
  • rapports sur l'exécution du plan stratégique, etc.

La simple fourniture de prestations administratives, comptables ou juridiques aux filiales ne suffit pas à caractériser une holding animatrice.

 

 

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Publié le lundi 7 avril 2025 par La rédaction

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