Trois stratégies pour réduire la taxation des plus-values de cession d'entreprises

09/11/2012 Par Gowling WLG
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Face au projet d’alourdissement de la taxation des plus-values de cession d’entreprise, les dirigeants réfléchissent à des stratégies pour réduire l’addition

Ces stratégies sont de trois sortes. Pour être taxés à un niveau proche de ce qui est pratiqué au sein de l’Union Européenne, les entrepreneurs pourraient opter pour différentes options : (I) quitter la France, (II) rester tout en distribuant davantage de dividendes, ou (III) rester en France et créer une holding.

La taxation actuelle française - 34,5 % - est légèrement plus élevée, en moyenne, que les taux constatés chez nos voisins européens : 30 % maximum en Allemagne ; 28 % maximum en Grande-Bretagne avec toutefois la possibilité, via un régime dérogatoire, d’être totalement exonéré ; 25 % aux Pays-Bas et 19 % en Pologne.

L’alourdissement de la fiscalité française, envisagée par les pouvoirs publics, à un taux maximum avoisinant les 62 % (puisque la plus-value serait intégrée au revenu imposable au barème progressif.
[Les plus-values étant par nature exceptionnelles, elles s’ajoutent aux autres revenus courants et sont de fait soumises au taux marginal]
rendrait donc notre pays « superchampion » du secteur, avec un taux d’imposition des plus-values de cession d’entreprise deux fois plus élevé qu’autour de nous.

D’ores-et-déjà, on assiste à un gel des transactions sur le marché de la vente d’entreprises qui n’était déjà pas très dynamique, et ce, au moins pour les trois mois à venir.

L’épée de Damoclès pesant sur les plus-values réalisées cette année décourage les dirigeants et investisseurs, et l’attentisme est de rigueur.

Cette absence de visibilité et, en règle générale, l’insécurité juridique induite par les modifications permanentes des règles fiscales sont du plus mauvais effet sur l’économie. Même si, in fine, un régime de faveur est mis en place pour certains vendeurs (cf. ci-après), on voit bien que la définition des bénéficiaires est difficile à établir ; ce qui est toujours le cas quand on souhaite cataloguer les « bons » et les « méchants », en l’espèce en parlant d’investisseurs qui, tous, financent les entreprises à leurs risques.

En tout état de cause les dirigeants refusant de passer à ce taux d’imposition estimé prohibitif, auraient plusieurs options pour réduire l’addition fiscale.

Première option : créer son entreprise à l’étranger ou délocaliser son outil de travail actuel

C’est actuellement l’option la plus médiatisée.

Les créateurs d’entreprise pourraient décider, pour l’avenir, d’aller créer leurs entreprises hors de nos frontières ou même, de délocaliser leurs sociétés hexagonales. Rien de plus simple avec la liberté d’établissement qui prévaut sur le territoire de l’Union Européenne.

Cependant, si cette voie est possible, d’une part elle est lourde de conséquences pour l’organisation professionnelle et familiale des personnes concernées et d’autre part l’exit tax applicable à la plus-value latente existant au jour du départ hors de France incite à un transfert le plus précoce possible.

Mais les dirigeants qui souhaiteraient demeurer sur le territoire national ont d’autres possibilités. Ceux-ci vont tout mettre en œuvre pour trouver des solutions qui permettent de réduire leur taux d’imposition.

Et dans cette hypothèse, il existe au moins deux voies.

Deuxième option : distribuer plus de dividendes

Parallèlement au projet d’augmentation de la taxe sur les plus-values, les dividendes eux, pourraient continuer de bénéficier d’un abattement de 40 % tout en étant soumis au barème progressif de l’IR. Or cette différence d’imposition n’est pas cohérente, à tout le moins à hauteur de la valeur de la société correspondant à ses résultats mis en réserve, qui ont déjà subi l’impôt sur les sociétés et participé à la valeur de la société, et donc à la plus-value.

Il en découlera un changement de fonctionnement des entreprises, dans le domaine de la gestion de leurs bénéfices.

L’idée de privilégier, à l’avenir, la distribution de dividendes au détriment de la capitalisation des fonds propres va logiquement faire son chemin, avec les risques que ce déséquilibre implique : des capitaux propres réduits au minimum ne sécurisent pas l’entreprise.

Troisième option : créer une holding

La création d’une holding peut permettre de diminuer l’addition fiscale puisqu’une vente réalisée par cette structure (au moins deux ans après l’achat de la société) donne lieu à une imposition à l’IS de 34 % calculée sur seulement 10 % de la plus-value.

Résultat : l’interposition d’une société holding permet d’économiser 90 % d’impôt, mais le produit de la cession reste dans une société.

L’impôt peut même être plus faible dans l’hypothèse de la création d’une holding alors que la société avait d’ores et déjà une valeur significative. En effet, si la holding est constituée par voie d’apport de titres de la société à une holding nouvellement créée, la plus-value constatée lors de cet apport bénéficiera d’un sursis d’imposition et réduira d’autant la plus-value de cession ultérieure des titres.

Ce mécanisme dit de « l’apport-cession » (lorsque l’apport est réalisé à une date proche de la vente, permettant une non-imposition d’une part très importante de la plus-value) est bien évidemment regardé de près par l’Administration fiscale, qui peut y voir un abus de droit . L’opération est pourtant valide si les produits de la vente sont largement et assez rapidement réinvestis dans des activités économiques. Une obligation de réemploi en quelque sorte !

Ces deux dernières options pour réduire la note fiscale pourraient engendrer des stratégies de restructurations d’entreprises plus guidées par la recherche d’une optimisation fiscale que par un intérêt économique.

On a déjà assisté, par le passé, à la mise en place de telles stratégies (parfois sanctionnées) dans le cas inverse. Jusqu’aux années 2000, en effet, les dividendes étaient taxés plus lourdement que la plus-value.

Le nouveau système envisagé, créé une distorsion d’imposition entre les dividendes et plus-values de cession, qui elle aussi, aura des répercussions négatives.

Un régime de faveur pour les « créateurs d’entreprise » ?

Devant le tollé qu’a déjà soulevé ce projet de taxation, les pouvoirs publics évoquent un régime de faveur qui pourrait être accordé aux « créateurs des entreprises, ceux qui ont pris des risques » . Dans l’opinion publique, il est entendu que les créateurs d’entreprise sont des personnes physiques ayant fondé la société et ayant donc pris beaucoup de risques. Ce profil suscite le respect (avec tout l’imaginaire collectif qui va avec : des dirigeants travaillant 12 heures par jour, 6 jours sur 7 durant des années…), et pour corollaire l’acceptation, de la part de tous, d’une fiscalité moins lourde.

Il devrait pourtant s’avérer complexe de circonscrire objectivement la notion de « risques ».

Pourquoi par exemple, exclure de cette définition les actionnaires « significatifs », ceux qui ont investi des sommes considérables dans l’entreprise et donc, pris tout autant de risques que les fondateurs ?

La notion de « risques » est subjective et des critères précis, très compliqués à définir.

Par ailleurs, la taxation à 62 % pour la « spéculation professionnelle » existe déjà via la requalification des plus-values réalisées de façon habituelle en revenus courants. Les régimes fiscaux dédiés aux spéculateurs sont suffisamment nombreux pour ne pas en ajouter un de plus.

 

Chronique d’Eglantine Lioret et de Pierre Appremont, Associés chez Wragge & C

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