Fiscalité des crypto-actifs : des avancées à petits coups de pioche
Article de la rédaction du 14 Octobre 2021
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Les avancées, que l’on peut mettre au crédit de l’ADAN et à la persévérance du député Pierre Person sont de deux ordes :
Les amendements n°I-1398,n°I-318,n°I-1362et n°I-1502évoqués le 5 octobre dernier qui proposent que les bénéfices issus des opérations sur actifs numériques soient considérés comme provenant d’une profession non commerciale ou assimilés aux BNC.
En pratique, il sera créé au CGI (BNC) un article 92-2-1°bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les produits des opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations. »
Un Sous-amendement (n°I-2127) du Gouvernement adopté en même temps prévoit que ces dispositions s’appliqueront aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023 et non en 2022 comme prévu initialement.
Les amendements n°I-1503, n°I-320 etn°I-1399 qui proposent aux particuliers cédants d’actifs numériques d’opter pour une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu
Rappelons qu’aujourd’hui les plus-values issues de la cession d’actifs numériques sont imposées au taux forfaitaire de 12,8%
Or,un retour d’expérience permet de constater que les plus modestes sont pénalisés par ce taux d’imposition. Dans de nombreux cas en effet, le barème progressif de l’impôt sur le revenu semble mieux adapté aux contribuablesprécisent les auteurs de l’amendement.
Pour cette raison le dispositif adopté permet aux contribuables qui y ont un intérêt, d’opter pour une imposition au barème progressif dans le cadre de gains réalisés sur actifs numériques.
Ces amendements et notamment le 1399 ont été adoptés avec un avis favorable du Gouvernement qui a toutefois conditionné son avis à l’adoption d’un sous-amendement prévoyant que cette option soit décalée d’un an. Ainsi la mesure s’appliquera aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023.
En revanche, les amendements suivants n’ont pas été adoptés :
Les amendements n°I-1894 etn°I-1387 qui précisaient le régime fiscal les jetons non-« non-fungible tokens » (NFT)
Les auteurs des amendements proposaient que les plus-values réalisées par les personnes physiques domiciliées fiscalement en France lors d’une cession à titre onéreux de jetons non-fongibles (NFT) ne soient pas imposées selon le régime général des plus-values de cession d’actifs numériques mais le soient en fonction de leur actif sous-jacent.
En définitive, ces amendements ont été retirés.
Warning | Il s’agissait essentiellement pour leurs auteurs, d’initier une réflexion, de lancer un débat sur la nature du sous-jacent, réflexion qui est juridique avant d’être fiscale. |
Le député Pierre Person a toutefois mis en garde quant à la volonté du Gouvernement de prendre son temps sur ces sujets : "Je veux bien qu’il faille prendre son temps. J’espère juste qu’on ne reproduira pas les même erreurs qu’avec Internet. Aujourd’hui quand nous consommons Internet nous consommons américain…nous européens nous faisons que de réguler."
Du temps c’est du retard au démarrage, c’est du retard à l’innovation, c’est moins d’emplois et c’est finalement une perte de compétitivité - Pierre Person
Ces amendements avaient pour objet de neutraliser les opérations d’échange entre actifs numériques pour les entreprises à l’instar du dispositif prévu pour les particuliers.
Tip | Pour mémoire, conformément à l’article 150 VH bis-II-A du CGI, les opérations d’échanges sans soulte entre actifs numériques ou droits s’y rapportant - entre particuliers - bénéficient d’un sursis d’imposition (opérations intercalaires). (En revanche, l’échange avec soulte entre actifs numériques est une opération imposable au sens de l’article 150 VH bis du CGI - BOI-RPPM-PVBMC-30) |
Ces amendements ont en définitive été retirés à la demande du rapporteur général Laurent Saint-Martin et d’Olivier Dussopt Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance.
S’ils ont entendu les arguments des députés ils estiment qu’il y a encore "un certain nombre d’inconnues à clarifier s’agissant d’une fiscalité balbutiante."
Les amendements n°I-317 et et n°I-1895 qui précisaient le régime fiscal applicable aux attributions gratuites d’actifs numériques aux salariés
Ces amendements proposaient d’aligner le régime fiscal applicable aux attributions gratuites d’actifs numériques sur celui applicable aux attributions gratuites d’actions.
Ils précisaient en outre que le fait générateur de l’imposition n’intervient pas au moment de l’attribution des actifs numériques par l’entreprise, mais au moment de leur cession par le bénéficiaire contre une monnaie ayant cours légal, un bien ou d’un service.
Ces amendements ont également été retirés à la demande du ministre et du rapporteur.
Pour autant, le rapporteur, conscient que c’est un sujet qui va bouleverser l’économie de demain a insisté sur le fait qu’il fallait travailler sur la définition de ces nouveaux usages.
A ce sujet il a précisé,autant je suis favorable aux amendements qui viennent harmoniser la fiscalité des revenus du capital concernant les crypto-actifs autant sur les actions gratuites ou les attributions gratuites concernant les jetons je suis plus dans la difficulté…s’agissant des jetons, à moins que l’entreprise soit directement liée à la valorisation des jetons, ce qui peut, peut être arriver, mais de façon génaral cela me semble assez rare, le côté partage de la valeur ou partage de la performance de l’entreprise me semble plus discutable. C’est pour cela que là-dessus l’harmonisation ne me parait pas tout à fait désirable
Le Gouvernement à quant à lui évoquéun manque de maturité.
Pour autant il a précisé avoirdemandé au Ministère de travailler sur ce sujet des crypto-monnaies pour trouver un cadre de régulation qui permette à la France, et peut être à l’Europe, de s’inscrire dans ce mouvement sans en décrocher comme cela se passe sur d’autres continents.
L’amendement n°I-CF160 qui proposait d’instituer un régime de report d’imposition de la plus-value similaire au régime de l’apport-cession de l’article 150-O B ter du CGI
Ce dispositif prévoyait que l’imposition de la plus-value réalisée dans le cadre d’un apport d’actifs numériques mentionnés à une société soumise à l’impôt sur les sociétés soit reportée si les conditions prévues au III de l’article 150-0 B ter étaient remplies.
L’amendement n°I-1893 du député Pierre Person qui visait à exonérer de plus-value les particuliers utilisant leurs actifs numériques comme moyen de paiement
Cette mesure prévoyait que les personnes utilisant leurs actifs numériques comme moyen de paiement pour l’acquisition d’un bien ou d’un service autre que des actifs numériques, dont le montant cumulé n’excède pas 3 000 € au cours de l’année d’imposition, sont exonérées.
L’amendement n°I-1898 qui proposait d’instituer un régime de report d’imposition de la plus-value similaire au régime de l’apport-cession de l’article 150-O B ter du CGI
Ce dispositif prévoyait que l’imposition de la plus-value réalisée dans le cadre d’un apport d’actifs numériques mentionnés à une société soumise à l’impôt sur les sociétés soit reportée si les conditions prévues au III de l’article 150-0 B ter étaient remplies.
Les amendements n°I-163,n°I-1897 (Rect) etn°I-319 qui proposaient d’autoriser le report des moins-values en actifs numériques sur 10 ans
Les moins-values de cession de valeurs mobilières sont reportables au cours de la même année ou des dix années suivantes. Dans un souci de cohérence fiscale, ces amendements proposaient d’appliquer la même logique pour les imputations des moins-values sur les plus-values de cession en actifs numériques et de permettre un report desdites moins-values jusqu’à la dixième année suivant la cession.
Le Rapporteur a indiqué que, s’il comprenait ce souhait de cohérence fiscale, il préférait fonctionner étape par étape et pratiquer une harmonisation au fur et à mesure.
Les amendements n°I-1306 etn°I-1321 qui proposaient d’inciter (par le biais d’un report d’imposition) les personnes ayant réalisé des plus-values sur actifs numériques à réinvestir ces gains dans l’économie réelle (en particulier les PME, TPE et ETI en manque de capital).
Source : PLF2022 - Discussion en séance publique à l’Assemblée nationale